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13/06/2016 | FRANCE | N°388277

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13 juin 2016, 388277


Vu la procédure suivante :

La société Veolia Transport Sverige, dont le siège est établi en Suède, a demandé au tribunal administratif de Montreuil le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 800 240 euros au titre de l'année 2008 et le versement des intérêts moratoires correspondants. Par un jugement n°1001399 du 4 novembre 2011, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°12VE00053 du 23 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Veolia Transport Sverige

contre ce jugement.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire enregistrés le 25 fév...

Vu la procédure suivante :

La société Veolia Transport Sverige, dont le siège est établi en Suède, a demandé au tribunal administratif de Montreuil le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 800 240 euros au titre de l'année 2008 et le versement des intérêts moratoires correspondants. Par un jugement n°1001399 du 4 novembre 2011, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°12VE00053 du 23 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Veolia Transport Sverige contre ce jugement.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire enregistrés le 25 février 2015 et le 20 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Veolia Transport Sverige demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

- la directive 79/1072/CEE du Conseil du 6 décembre 1979 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Veolia Transport Sverige ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 novembre 2009, l'administration fiscale a rejeté la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 800 240 euros constaté au titre de l'année 2008 à raison de la prise d'autocars en crédit-bail que la société Veolia Transport Sverige, dont le siège social est situé en Suède, lui avait présentée suivant la procédure prévue, pour les assujettis établis hors de France, par les dispositions alors en vigueur des articles 242-0 M et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 octobre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du 4 novembre 2011 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la 8ème directive du 6 décembre 1979 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Pour bénéficier du remboursement, tout assujetti (...) qui n'a effectué aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer à l'intérieur du pays, doit : a) déposer, auprès du service compétent (...), une demande conforme au modèle (...) à laquelle seront annexés les originaux des factures ou des documents d'importation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 242-0 Q de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction en vigueur en 2008 : " Le remboursement doit être demandé au service des impôts avant la fin du sixième mois suivant l'année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible./La demande est établie sur un imprimé du modèle prévu par l'administration. Elle est accompagnée des originaux des factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives (...) " ;

3. Considérant que les obligations formelles imposées afin d'assurer l'exacte perception de la taxe sur la valeur ajoutée et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour respecter ces exigences sous peine de méconnaître le principe de proportionnalité et de remettre en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe ; qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes, aux points 29 et 30 de son arrêt 361/96 du 11 juin 1998 Société générale des grandes eaux minérales françaises, le droit dérivé devant respecter les principes généraux de droit et, notamment, le principe de proportionnalité, le a) de l'article 3 de la 8e directive ne saurait être interprété en ce sens qu'il exclurait la possibilité pour un Etat membre de ne pas exiger du contribuable qui demande le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée la production d'un original de la facture ou du document d'importation, lorsque la perte de ce document ne lui est pas imputable, dans des cas exceptionnels où il n'existe aucun doute que la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures ;

4. Considérant qu'en jugeant fondé le rejet de la demande de la société Veolia Transport Sverige de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige au seul motif du défaut de production de l'original de la facture exigé par les dispositions de l'article 242-0 Q de l'annexe II au code général des impôts transposant le a) de l'article 3 de la 8e directive, sans rechercher si, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la transaction à l'origine de la demande de remboursement avait eu lieu et qu'aucune autre demande n'avait été présentée dans le délai légal de six mois, cette obligation formelle, destinée à s'assurer de l'élimination de tout risque de perte de recettes fiscales, était, au regard des principes de proportionnalité et de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et compte tenu des documents présentés par la société, nécessaire pour atteindre cet objectif, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Veolia Transport Sverige est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Veolia Transport Sverige, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 23 octobre 2014 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la société Veolia Transport Sverige la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Veolia Transport Sverige et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 388277
Date de la décision : 13/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2016, n° 388277
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388277.20160613
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