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01/06/2016 | FRANCE | N°385113

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 01 juin 2016, 385113


Vu la procédure suivante :

La société anonyme Oppidum a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties. Par un jugement n° 1307452 du 28 mars 2014, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt nos 14PA01646, 14PA02098 du 17 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jug

ement, ainsi que sa demande tendant à la suspension du recouvrement des impositio...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme Oppidum a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties. Par un jugement n° 1307452 du 28 mars 2014, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt nos 14PA01646, 14PA02098 du 17 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement, ainsi que sa demande tendant à la suspension du recouvrement des impositions supplémentaires en litige.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 octobre 2014 et 14 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Oppidum demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la SA Oppidum ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme Oppidum a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que le maintien au passif du bilan d'un montant 22 809 973 euros, correspondant au principal et aux intérêts d'un prêt obligataire émis en 1998 sous la forme de 1 350 000 obligations convertibles en actions et à bons d'acquisition d'actions était injustifié à compter de l'exercice clos en 2008 ; qu'après avoir vainement contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la sortie de cette dette du passif de son bilan, la société a porté le litige devant le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris rejetant sa demande ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ; qu'en revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ; qu'il ressort du relevé de l'application " Sagace " qu'en l'espèce, le rapporteur public a indiqué aux parties, vingt-quatre heures avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision qu'il a proposé à la formation de jugement d'adopter ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été mis en ligne dans un délai raisonnable et était incomplet doit être écarté ;

3. Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêt ne viserait pas l'ensemble des mémoires et des pièces présentés par les parties devant la cour manque en fait ;

Sur la prescription des impositions dues au titre de l'exercice 2008 :

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable ; qu'il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une proposition de rectification portant notamment sur les impositions dues au titre de l'exercice 2008 a été adressée, par pli recommandé avec avis de réception, à la société Oppidum ; que ce pli n'ayant pu être remis, celle-ci a été avisée le 20 décembre 2011 de la mise en instance de ce pli, lequel lui a été effectivement remis le 2 janvier 2012 ; que c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a pu déduire de ces éléments de fait non argués de dénaturation que la prescription avait été interrompue le 20 décembre 2011, avant le terme du délai prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, qui expirait, s'agissant des impositions dues au titre de l'année 2008, le 31 décembre 2011 ;

Sur les moyens relatifs au bien-fondé des impositions :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un engagement éventuel, qui ne constitue pas une dette certaine dans son principe, ne peut être inscrit au passif du bilan pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Oppidum a émis en 1998 un emprunt obligataire, sous forme d'obligations convertibles en actions et à bons d'acquisition d'actions (OCBAA), pour un montant nominal de 135 millions de francs (20 580 617,33 euros) ; que ces obligations ont été acquises le 19 décembre 2002 par la banque The Royal Bank of Scotland ; que le remboursement de l'emprunt obligataire n'est pas intervenu alors que, en vertu d'une convention conclue entre la banque et la société Oppidum, il était devenu exigible le 13 décembre 2007 ; que, le 14 décembre 2007, la banque The Royal Bank of Scotland a cédé ces obligations pour un euro à la banque Degroof Luxembourg ;

7. Considérant que, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, la cour a jugé qu'il ressortait d'un protocole conclu le 18 décembre 2007 entre la banque Degroof Luxembourg et la société Oppidum que ces obligations avaient été acquises par la banque Degroof en vue de constituer une sûreté réelle dans le cadre de la mise en place d'une ligne de crédit de dix millions d'euros envisagée par cette banque au bénéfice de la SA Oppidum et qu'à cette fin, ce protocole avait prévu qu'à la suite de l'ouverture de cette ligne de crédit, la durée de validité des OCBAA serait repoussée au terme d'un délai de quinze années suivant la mise à disposition effective des fonds ou bien à la date du remboursement de la totalité des sommes empruntées, si ce remboursement intervenait par anticipation antérieurement au terme du délai mentionné ci-dessus ; qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, qu'à la date de clôture de l'exercice 2008, la ligne de crédit ainsi envisagée n'avait pas été ouverte, la cour a pu en déduire sans erreur de droit, ni erreur de qualification juridique, ni contradiction de motifs que les OCBAA existantes ne constituaient pas pour la société Oppidum, à cette date, une dette certaine mais un passif éventuel, au sens du plan comptable général, résultant d'une obligation potentielle, dont l'existence ne serait confirmée que par la survenance d'un événement futur incertain à la clôture de l'exercice ;

8. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour n'a pas remis en cause l'existence des OCBAA mentionnées ci-dessus, mais en a seulement précisé la nature, à la date de clôture de l'exercice 2008, de sûreté réelle, et les conditions de sa réalisation ; qu'en jugeant qu'était à cet égard sans portée utile l'argument tiré de ce que l'existence de la chose donnée en garantie ne dépend pas de la validité de la clause de garantie, elle n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Oppidum n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SA Oppidum est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Oppidum et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 385113
Date de la décision : 01/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2016, n° 385113
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:385113.20160601
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