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01/06/2016 | FRANCE | N°382490

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 01 juin 2016, 382490


Vu la procédure suivante :

Mme C...B..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils majeur, M. A...D..., dont elle assure la curatelle, a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices ayant résulté de la vaccination obligatoire antivariolique reçue par M. D... le 21 mars 1964. Par un jugement n° 1003436 du 6 février 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par

un arrêt n° 13NT01009 du 3 juillet 2014, la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

Mme C...B..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils majeur, M. A...D..., dont elle assure la curatelle, a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices ayant résulté de la vaccination obligatoire antivariolique reçue par M. D... le 21 mars 1964. Par un jugement n° 1003436 du 6 février 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13NT01009 du 3 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a renvoyé au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré au greffe de cette cour le 5 avril 2013, présenté par Mme B... et M. D.... Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 10 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...et M. D...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 février 2013 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de Mme B...et de M. D...et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...D..., alors âgé de treize mois, a reçu le 21 mars 1964 une injection de vaccin antivariolique ; qu'à la suite de cette injection, il a présenté une méningo-encéphalite qui a entraîné une surdité bilatérale, un retard de développement et des troubles psychomoteurs sévères ; que, le 18 mai 2006, sa mère, MmeB..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils, a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande tendant à ce que leurs préjudices soient pris en charge en application de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, en tant que dommages causés par une vaccination obligatoire ; que les experts mandatés par l'ONIAM ont, dans un rapport du 2 février 2009, fixé au 11 février 1981 la date de consolidation de l'état de santé de M. D...; que, par une décision du 6 janvier 2010, le directeur de l'ONIAM s'est fondé sur cette date de consolidation pour opposer à leur demande la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; que Mme B...et M. D... demandent l'annulation du jugement du 6 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur la prescription pour rejeter leurs conclusions tendant à ce que l'ONIAM soit condamné à prendre en charge la réparation de leurs préjudices ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du I de l'article 188 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 et des articles L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. / Le titre XX du livre III du code civil est applicable, à l'exclusion de son chapitre II " ; qu'aux termes du II du même article 188 de la loi du 26 janvier 2016 : " Le I s'applique lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de publication de la présente loi. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. / Toutefois, lorsqu'aucune décision de justice irrévocable n'a été rendue, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales applique le délai prévu au I aux demandes d'indemnisation présentées devant lui à compter du 1er janvier 2006 (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme B...a saisi l'ONIAM le 18 mai 2006 ; que, par suite, en l'absence d'une décision de justice irrévocable à la date de publication de la loi du 26 janvier 2016, le délai de prescription applicable en l'espèce n'est pas le délai de quatre ans prévu par la loi du 31 décembre 1968 mais le délai de dix ans prévu par les dispositions précitées ; que ce délai court à compter de la consolidation du dommage ;

3. Considérant que la consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir ; que, si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation ; que le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée ;

4. Considérant que le jugement attaqué énonce qu'il ne résulte pas du rapport d'expertise que les troubles apparus postérieurement au 11 février 1981, date retenue pour la consolidation de l'état de santé de M.D..., " constitueraient des conséquences préjudiciables qui n'auraient pas été prévisibles à la date de consolidation et seraient ainsi de nature, soit à remettre en cause la date de consolidation, soit à remettre en cause la date de consolidation pour ces seuls troubles " ; qu'en se fondant sur ces motifs, le tribunal administratif a fait sienne une argumentation développée par l'ONIAM dans un mémoire produit le 2 janvier 2013, qui n'avait pas été communiqué à MmeB... ; qu'il a ainsi méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme B...et M. D...d'une somme globale de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par l'ONIAM soit mise à la charge de Mme B...et de M.D..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 6 février 2013 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme B... et M. D...une somme globale de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C...B..., à M. A...D...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 382490
Date de la décision : 01/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - QUESTIONS DIVERSES - RESPONSABILITÉ MÉDICALE - PRESCRIPTION DÉCENNALE (ART - L - 1142-28 DU CSP) - POINT DE DÉPART DU DÉLAI - 1) PRÉJUDICES DIRECTEMENT LIÉS AU FAIT GÉNÉRATEUR QUI PRÉSENTAIENT UN CARACTÈRE CERTAIN À LA DATE DE LA CONSOLIDATION - CONSOLIDATION - 2) PRÉJUDICES NOUVEAUX RÉSULTANT D'UNE AGGRAVATION DIRECTEMENT LIÉE AU FAIT GÉNÉRATEUR ET POSTÉRIEURE À LA CONSOLIDATION - CONSOLIDATION DE L'AGGRAVATION.

18-05 1) La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentent un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir.,,,2) Si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - PRESCRIPTION DÉCENNALE (ART - L - 1142-28 DU CSP) - POINT DE DÉPART DU DÉLAI - 1) PRÉJUDICES DIRECTEMENT LIÉS AU FAIT GÉNÉRATEUR QUI PRÉSENTAIENT UN CARACTÈRE CERTAIN À LA DATE DE LA CONSOLIDATION - CONSOLIDATION - 2) PRÉJUDICES NOUVEAUX RÉSULTANT D'UNE AGGRAVATION DIRECTEMENT LIÉE AU FAIT GÉNÉRATEUR ET POSTÉRIEURE À LA CONSOLIDATION - CONSOLIDATION DE L'AGGRAVATION.

60-02-01 1) La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentent un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir.,,,2) Si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2016, n° 382490
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:382490.20160601
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