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25/05/2016 | FRANCE | N°394590

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 25 mai 2016, 394590


Vu les procédures suivantes :

Par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 novembre, 23 décembre 2015, le 15 février et le 10 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Electricité de Tahiti (EDT) demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer l'article LP 1 de la " loi du pays " n° 2015-8 LP/APF adoptée le 8 octobre 2015 portant institution d'un régime d'exonération de cotisations sociales pour les contributions patronales au financement des régimes de retraite et de pré

voyance complémentaires des travailleurs salariés non conforme au bloc de légalit...

Vu les procédures suivantes :

Par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 novembre, 23 décembre 2015, le 15 février et le 10 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Electricité de Tahiti (EDT) demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer l'article LP 1 de la " loi du pays " n° 2015-8 LP/APF adoptée le 8 octobre 2015 portant institution d'un régime d'exonération de cotisations sociales pour les contributions patronales au financement des régimes de retraite et de prévoyance complémentaires des travailleurs salariés non conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 6 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 74 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le premier protocole additionnel à cette convention ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Electricité de Tahiti ;

1. Considérant qu'aux termes du II de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " A l'expiration de la période de huit jours suivant l'adoption d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" ou au lendemain du vote intervenu à l'issue de la nouvelle lecture prévue à l'article 143, l'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" est publié au Journal officiel de la Polynésie française à titre d'information pour permettre aux personnes physiques ou morales, dans le délai d'un mois à compter de cette publication, de déférer cet acte au Conseil d'Etat. / Le recours des personnes physiques ou morales est recevable si elles justifient d'un intérêt à agir (...) " ;

2. Considérant que la société Electricité de Tahiti (EDT) demande que soit déclaré illégal l'article LP 1 de la " loi du pays " n° 2015-8 LP/APF adoptée le 8 octobre 2015 qui institue le principe exceptionnel d'apurement des cotisations sociales dues par les employeurs au titre du financement des régimes de retraite ou de prévoyance complémentaires obligatoires de leurs salariés , en ce qu'il exclut du champ du régime d'exonération qu'elle prévoit les contributions des employeurs au financement des prestations de retraite et de prévoyance servies à certains salariés seulement, sur le fondement d'un accord collectif et non de dispositions législatives ou réglementaires ;

Sur la procédure d'adoption de la " loi du pays " :

3. Considérant que la société requérante soutient que les règles de quorum fixées au premier alinéa de l'article 122 de la loi organique n'auraient pas été respectées, lors de la séance au cours de laquelle l'assemblée de la Polynésie française a adopté la " loi du pays " attaquée ; qu'il ressort, toutefois, des mentions portées au procès-verbal de cette séance, établi et publié au Journal officiel de la Polynésie française en application de l'article 12 du règlement intérieur de l'assemblée, que ce moyen manque en fait ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française dans sa rédaction issue de la délibération n°2005-59 APF du 13 mai 2005 : " Trois jours au moins avant la date fixée pour une séance déterminée, le président de l'assemblée réunit la conférence des présidents de groupe pour préparer l'ordre du jour de ladite séance " ; que ce délai, qui n'est pas un délai franc, a été respecté en l'espèce dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la conférence des présidents s'est réunie le 5 octobre 2015 en vue de la préparation de l'ordre du jour de la séance du 8 octobre suivant ; que le moyen tiré de ce que la conférence des présidents se serait réunie tardivement ne peut, par suite, qu'être écarté ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil économique, social et culturel a rendu un avis le 16 avril 2015 sur le projet de " loi du pays " litigieuse ; que si la société requérante soutient que ce conseil n'a pas été saisi du texte finalement transmis à l'assemblée de la Polynésie française, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la consultation, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de texte soumis à l'assemblée soulevait des questions nouvelles qui auraient exigé que le conseil économique, social et culturel soit de nouveau consulté ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation de la " loi du pays " attaquée a été distribué aux membres de l'assemblée de la Polynésie française le jour de son dépôt, soit le 13 août 2015 ; que le projet de " loi du pays " a été soumis au vote le 8 octobre suivant, soit après l'expiration du délai minimum de douze jours suivant la distribution du rapport, prévu à l'article 130 de la loi organique du 27 février 2004 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de ce dernier article auraient été méconnues manque en fait ;

Sur les moyens de légalité interne :

7. Considérant que la " loi du pays " attaquée, qui institue un régime d'exonération de cotisations sociales pour les contributions patronales au financement des régimes de retraite et de prévoyance complémentaires des travailleurs salariés exclut de son champ d'application les régimes de retraite et de prévoyance résultant d'accords collectifs qui ne bénéficient qu'à une partie des salariés sans que cette restriction ne soit prévue par un texte législatif ou réglementaire ; que la différence de traitement entre employeurs ainsi instituée est en rapport direct avec l'objectif de la " loi du pays ", qui est d'inciter à la généralisation des régimes complémentaires de retraite et de prévoyance par répartition ; que cette distinction, qui n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, revêt un caractère objectif et rationnel ; que les moyen tirés de la méconnaissance des principes d'égalité et d'égalité devant les charges publiques ne peuvent qu'être écartés ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête, la société requérante n'est pas fondée à demander au Conseil d'Etat de déclarer illégale l'article LP 1 de la " loi du pays " n° 2015-8 du 8 octobre 2015 ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Electricité de Tahiti demande soit mise à la charge de la Polynésie française qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que le président de la Polynésie française, qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat, ne justifie pas de frais spécifiques qu'il aurait exposés à l'occasion de cette instance ; que, par suite, sa demande au titre des mêmes dispositions ne peut qu'être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Electricité de Tahiti est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du président de la Polynésie française présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: La présente décision sera notifiée à la société Electricité de Tahiti, au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 394590
Date de la décision : 25/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2016, n° 394590
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:394590.20160525
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