Vu la procédure suivante :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Metz 1 (Moselle) en vue des élections au conseil départemental.
Par un jugement n° 1501679 du 21 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 novembre 2015 et le 10 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 2015 dans le canton de Metz 1 ;
3°) de mettre à la charge de M. I...A...et Mme G...H...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Montrieux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à l'issue du premier tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 22 mars 2015 en vue de la désignation des conseillers départementaux du canton de Metz 1 (Moselle), le binôme constitué par M. D...et Mme E...a obtenu 131 voix, soit 1,47 % des suffrages exprimés, le binôme constitué par M. A...et Mme H...3152 voix, soit 35,38 % des suffrages exprimés, et le binôme constitué par M. F...et Mme B... 2445 voix, soit 27,44 % des suffrages exprimés ; qu'à l'issue du second tour de scrutin qui s'est déroulé le 29 mars 2015, le binôme constitué par M. A...et Mme H...a obtenu 5184 voix, soit 63,07 % des suffrages exprimés ; que M. C...D..., candidat, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales ;
Sur les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de la requête de M. D...:
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si le délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai (...). Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement. " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 611-23 du code de justice administrative, " le délai prévu à l'article précédent est d'un mois en matière électorale (...) " ;
3. Considérant que contrairement à ce qui est soutenu, M.D..., qui a indiqué dans son mémoire introductif d'instance du 20 novembre 2015 que son courrier serait " secondé d'une communication supplémentaire afin de compléter et assurer le suivi documentaire du dossier ", ne saurait être regardé comme ayant exprimé son intention de produire un mémoire complémentaire ; que les conclusions présentées en défense par M. A...tendant à ce que, faute de production d'un mémoire complémentaire dans le délai d'un mois imparti par les dispositions des articles R. 611-22 et R. 611-23 du code de justice administrative, il soit donné acte du désistement d'office de la requête de M. D...ne peuvent, dès lors, qu'être écartées ;
Sur la régularité du jugement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les parties ont été convoquées à l'audience du 14 octobre 2015 par un courrier du vice-président du tribunal administratif de Strasbourg en date du 30 septembre 2015 dont M. D...a accusé réception le 3 octobre 2015 ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière en raison de sa convocation tardive à l'audience et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Sur les moyens relatifs au déroulement des opérations de dépouillement :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 67 du code électoral : " Tout candidat ou son représentant dûment désigné a le droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans tous les locaux où s'effectuent ces opérations (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 63 du même code : " Les tables sur lesquelles s'effectue le dépouillement sont disposées de telle sorte que les électeurs puissent circuler autour " ; qu'aux termes de l'article R. 67 : " Immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé par le secrétaire dans la salle de vote, en présence des électeurs. / Il est établi en deux exemplaires, signés de tous les membres du bureau. / Les délégués des candidats, des binômes de candidats ou des listes en présence sont obligatoirement invités à contresigner ces deux exemplaires. / Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote " ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'il est constant que le dépouillement des bulletins du bureau de vote n° 111 s'est effectué alors que les grilles permettant l'accès au bureau de vote avaient été fermées, ce qui empêchait l'accès des électeurs souhaitant surveiller les opérations de dépouillement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette mesure ait été justifiée par la nécessité de maintenir l'ordre public ; que l'irrégularité ainsi commise a affecté le dépouillement du scrutin dans ce bureau de vote ; que, toutefois, même en soustrayant l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote, le binôme arrivé en deuxième position et maintenu au second tour conserve cette position avec 420 voix d'avance sur le binôme de candidats arrivé en troisième position ; qu'ainsi il ne résulte pas de l'instruction que les résultats obtenus dans ce bureau de vote auraient été de nature à exercer une influence sur les résultats du second tour de scrutin dans ce canton ; que l'irrégularité qui a affecté les opérations de dépouillement du premier tour dans le bureau de vote n° 111 n'a par suite pas été susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que le grief tiré de ce que des signatures figurant sur les procès-verbaux des bureaux de vote n°s 111, 121 et 122 au premier tour auraient été falsifiées n'avait pas été formulé devant le tribunal administratif de Strasbourg dans le délai de cinq jours prévu à l'article R. 119 du code électoral ; que ce grief, qui ne constitue pas le développement de moyens invoqués avant l'expiration de ce délai, est tardif et par suite irrecevable ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le procès-verbal du bureau de vote n° 141 a été clos à 20 heures, alors que le résultat global du premier tour du scrutin a été annoncé un peu avant 20 heures, n'est pas susceptible, à elle seule, d'établir l'existence de la fraude alléguée par M. D...;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'examen de procès-verbaux du premier tour du scrutin que le procès-verbal du bureau n° 121 comporte des surcharges, mais que les rectifications ainsi apportées ne concernent pas le nombre de voix attribuées aux différents binômes de candidats ; que le procès-verbal du bureau de vote n° 141 comporte une seule rature non paraphée qui ne concerne pas le nombre de voix obtenu par chaque binôme mais celui correspondant au total du nombre de suffrages obtenus par les binômes de candidats, soit 464 et non pas 488 comme il avait d'abord été indiqué ; que le procès-verbal du bureau de vote n° 192 comporte deux surcharges qui rectifient le nombre de tables entre lesquelles ont été répartis les scrutateurs et entourent la mention " supérieur " d'abord rayée comme inutile alors que le nombre des enveloppes, de 473, était effectivement supérieur au nombre d'émargements, de 472 ; que le procès-verbal du bureau de vote n° 198 ne comporte qu'une seule rature rectifiant une erreur consistant à avoir déterminé le nombre de suffrages exprimés en additionnant les nombres de bulletins blancs et de bulletins et enveloppes annulés ; qu'il résulte de l'instruction que, quoique non paraphées, les corrections ainsi apportées à ces procès-verbaux, qui n'ont donné lieu à l'inscription d'aucune réclamation au procès-verbal, sont relatives à la rectification de simples erreurs matérielles et ne peuvent être regardées comme des falsifications de nature à retirer leur valeur aux procès-verbaux concernés ;
11. Considérant, enfin, que la durée du dépouillement n'a, par elle-même, pas d'incidence sur sa régularité ; que si, en l'espèce, M. D...fait valoir que la durée de dépouillement a été anormalement courte dans le bureau de vote n° 121 au second tour, ce qui démontrerait l'existence d'une fraude, le fait que le procès-verbal ait été clos à 18 h 35 après le dépouillement de 483 bulletins, dont 445 exprimés, ne saurait remettre en cause, à lui seul, la sincérité du scrutin dans ce bureau de vote ; que la circonstance que plusieurs personnes de la même famille auraient émargé sur le procès-verbal de ce bureau de vote ne saurait davantage permettre de démontrer la fraude alléguée ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Metz 1 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A...et MmeH..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par M. D... ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A...et Mme H...tendant à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C...D..., à M. I...A..., à Mme G...H...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.