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11/05/2016 | FRANCE | N°388836

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 11 mai 2016, 388836


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 novembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait formé contre la décision du préfet de la Loire du 10 août 2011 ajournant à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 1200338 du 12 février 2014, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n

° 14NT00964 du 30 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel du...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 novembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait formé contre la décision du préfet de la Loire du 10 août 2011 ajournant à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 1200338 du 12 février 2014, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 14NT00964 du 30 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel du ministre de l'intérieur, a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars et 18 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'intérieur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à Me Occhipinti, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. B..., né en 1953 et de nationalité algérienne, a demandé à être réintégré dans la nationalité française ; que, par une décision du 23 novembre 2011, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités locales et de l'immigration a rejeté le recours hiérarchique formé par l'intéressé contre la décision du 10 août 2011 du préfet de la Loire qui avait ajourné à deux ans l'examen de sa demande de réintégration dans la nationalité française, au motif qu'il ne disposait pas de revenus personnels et ne subvenait à ses besoins qu'à l'aide de prestations sociales ; que, par un jugement du 12 février 2014, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre ; que, saisie en appel par le ministre, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement par un arrêt du 30 décembre 2014 ; que M. B...se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain (...) ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 821-2 du même code : " L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : / 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ; / 2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 821-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. / Pour l'application de l'article L. 821-2, ce taux est de 50 % (...) " ;

4. Considérant que l'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation ; qu'elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France ; que l'autorité administrative ne peut, en revanche, se fonder exclusivement ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni sur le fait que les ressources dont dispose l'intéressé ont le caractère d'une allocation accordée en compensation d'un handicap pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française ;

5. Considérant que la cour administrative d'appel a relevé que le ministre s'était fondé, pour ajourner à deux ans la demande de réintégration de M.B..., sur le motif tiré de ce que l'intéressé ne disposait pas de revenus personnels et ne subvenait à ses besoins qu'à l'aide de prestations sociales ; qu'elle a souverainement constaté que les ressources de M. B... n'étaient constituées, à la date de la décision contestée, que de l'allocation aux adultes handicapés délivrée au titre de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Loire lui avait reconnu un taux d'incapacité d'au moins 80 % et un taux de capacité de travail inférieur à 5 % ; qu'en jugeant, au vu de ces constatations souveraines, que le ministre avait pu, sans illégalité, opposer à l'intéressé la nature de ses ressources, ce qui a pour effet de priver de toute possibilité d'accéder à la nationalité française les personnes qui ne disposent pas d'autres ressources que d'allocations liées à leur handicap, la cour a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

7. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Occhipinti, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Occhipinti ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 30 décembre 2014 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à Me Occhipinti, avocat de M.B..., une somme de 3 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 388836
Date de la décision : 11/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 2016, n° 388836
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : OCCHIPINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388836.20160511
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