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06/05/2016 | FRANCE | N°391151

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 06 mai 2016, 391151


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges :

- d'annuler la décision du 12 mars 2013 par laquelle la mutualité sociale agricole (MSA) du Limousin lui a notifié un indu de revenu de solidarité active (RSA) d'un montant de 19 530,57 euros pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 ;

- d'annuler la décision du 28 mars 2013 par laquelle le président du conseil général de la Creuse a refusé de lui accorder une remise gracieuse de cette dette ;

- d'enjoindre à la MSA de la rétablir dans ses droits au R

SA à compter de mars 2013.

Par un jugement n° 1300972 du 5 mars 2015, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges :

- d'annuler la décision du 12 mars 2013 par laquelle la mutualité sociale agricole (MSA) du Limousin lui a notifié un indu de revenu de solidarité active (RSA) d'un montant de 19 530,57 euros pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 ;

- d'annuler la décision du 28 mars 2013 par laquelle le président du conseil général de la Creuse a refusé de lui accorder une remise gracieuse de cette dette ;

- d'enjoindre à la MSA de la rétablir dans ses droits au RSA à compter de mars 2013.

Par un jugement n° 1300972 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15BX001837 du 15 juin 2015, enregistrée le 18 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 1er juin 2015 au greffe de cette cour, présenté par MmeB.... Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 7 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 mars 2015 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance, en assortissant le rétablissement dans ses droits des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du département de la Creuse la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de MmeB..., et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat du département de la Creuse ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 mars 2016, présentée pour le département de la Creuse ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. (...) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général (...) en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration (...) ". Aux termes de l'article L. 262-47 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil général (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 12 mars 2013, le directeur général de la mutualité sociale agricole (MSA) du Limousin a décidé de récupérer un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 19 530,57 euros perçu par Mme B...au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 en raison de " rentrées d'argent " non déclarées, qui n'avaient " pu être justifiées en totalité comme des revenus d'activité ". Par un courrier du 17 mars 2013, que le tribunal administratif a regardé comme valant à la fois recours préalable obligatoire contre la décision de récupération de l'indu et demande de remise gracieuse, Mme B...a demandé au président du conseil général de la Creuse de revenir sur cette décision. Par une décision du 28 mars 2013, cette autorité a rejeté sa demande, au motif qu'il ressortait d'un " rapport de contrôle effectué par les services de la MSA, [qu'elle n'avait] pas hésité à établir de fausses déclarations pour bénéficier de sommes qui ne [lui] étaient pas dues en ne déclarant pas l'intégralité de [ses] ressources ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Limoges que l'avocat de Mme B...a accusé réception, le 20 janvier 2015, de l'avis d'audience qui lui a été adressé par le greffe de la juridiction au moyen de l'application informatique " Télérecours ", ainsi que le permet l'article R. 711-2-1 du code de justice administrative, en vue de l'audience du 19 février 2015. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que son avocat n'aurait pas été régulièrement convoqué à l'audience et que le jugement aurait, de ce fait, été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

4. En second lieu, le tribunal n'a pas omis de statuer sur certaines des conclusions dont Mme B...l'avait saisi.

Sur le bien-fondé du jugement, en ce qu'il statue sur la décision du 28 mars 2013 en tant qu'elle vaut rejet du recours administratif préalable obligatoire de Mme B... :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) imposent des sujétions (...) / rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ".

6. Le tribunal administratif de Limoges a jugé que la décision du 28 mars 2013, en tant qu'elle rejetait le recours présenté par Mme B...contre la décision de récupération de l'indu, n'entrait dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. En statuant ainsi, alors que les dispositions de cet article imposent la motivation des décisions qui rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire, comme en l'espèce en vertu de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles, et qu'au surplus la décision de récupération d'un indu est au nombre des décisions imposant une sujétion, le tribunal a commis une erreur de droit.

Sur le bien-fondé du jugement, en ce qu'il statue sur la décision du 28 mars 2013 en tant qu'elle vaut rejet de la demande de remise gracieuse de Mme B... :

7. En premier lieu, lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise gracieuse d'un indu de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux de l'aide sociale, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire. Par suite, la circonstance que la décision attaquée, en tant qu'elle valait rejet d'une demande de remise gracieuse, aurait été insuffisamment motivée, à supposer qu'elle aurait dû l'être, était sans incidence sur le litige. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n'appelle aucune appréciation de circonstances de fait, au motif retenu par le tribunal dans son jugement, dont il justifie légalement le dispositif sur ce point.

8. En second lieu, en jugeant que Mme B...n'apportait aucun élément permettant d'apprécier sa situation financière, le tribunal a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant seulement que celui-ci statue sur la décision du 28 mars 2013 en ce qu'elle vaut rejet de son recours administratif préalable obligatoire.

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de la Creuse la somme de 1 500 euros à verser à cette SCP.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 mars 2015 est annulé en ce qu'il statue sur la décision du 28 mars 2013 en tant qu'elle vaut rejet du recours administratif préalable obligatoire formé par MmeB....

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Limoges dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B...est rejeté.

Article 4 : Le département de la Creuse versera à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de MmeB..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au département de la Creuse.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 391151
Date de la décision : 06/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2016, n° 391151
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:391151.20160506
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