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04/05/2016 | FRANCE | N°389033

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 04 mai 2016, 389033


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Garage Jean Jaurès demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation de l'article R. 147 du code de procédure pénale :

2°) d'enjoindre au Premier ministre de réexaminer sa demande de revalorisation du barème fixé par l'article R. 147 du code de procédure pénale ou, à titre subsidiaire, d'abrog

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Garage Jean Jaurès demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation de l'article R. 147 du code de procédure pénale :

2°) d'enjoindre au Premier ministre de réexaminer sa demande de revalorisation du barème fixé par l'article R. 147 du code de procédure pénale ou, à titre subsidiaire, d'abroger cet article sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la présente décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Decubber, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er mars 2016, présentée par la société Garage Jean Jaurès ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 800 du code de procédure pénale : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les frais qui doivent être compris sous la dénomination de frais de justice criminelle, correctionnelle et de police ; il en établit le tarif ou fixe les modalités selon lesquelles ce tarif est établi, en règle le paiement et le recouvrement, détermine les voies de recours, fixe les conditions que doivent remplir les parties prenantes et, d'une façon générale, règle tout ce qui touche aux frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police " ; qu'aux termes de l'article 800-1 du même code : " Les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours contre le condamné ou la partie civile, sous réserve des cas prévus aux deux derniers alinéas du présent article (...) / Lorsque la personne condamnée est une personne morale, les frais de justice exposés au cours de la procédure sont mis à sa charge. La juridiction peut toutefois déroger à cette règle et décider de la prise en charge de tout ou partie des frais de justice par l'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 147 du code de procédure pénale, pris pour l'application de ces dispositions : " Dans les cas prévus aux articles 54, 56, 97 et 151, il n'est accordé d'indemnité pour la garde des scellés que lorsqu'il n'a pas été jugé à propos de confier cette garde à des habitants de l'immeuble où les scellés ont été apposés. / Dans ces cas, il est alloué pour chaque jour, pendant le premier mois, au gardien nommé d'office : (...) Lorsque les scellés sont apposés sur des véhicules automobiles, les tarifs des frais de garde journalière sont fixés ainsi qu'il suit : / Pour les véhicules poids lourds d'un poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes : 6,10 euros ; / Pour les voitures particulières et les autres véhicules poids lourds : 3,20 euros ; / Pour les autres véhicules immatriculés : 2,44 euros " ; que la société requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation de ces dispositions réglementaires ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 800 du code de procédure pénale, le pouvoir réglementaire était compétent pour fixer le tarif applicable aux frais de garde des véhicules sous scellés judiciaires ; que le moyen tiré de ce que, ce faisant, il aurait porté atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et au droit de propriété et ainsi méconnu le champ de sa compétence n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que les dispositions critiquées ne sauraient être regardées comme fixant des règles en matière de procédure pénale, au sens de l'article 34 de la Constitution ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en adoptant les dispositions de l'article R. 147 du code de procédure pénale le pouvoir réglementaire aurait empiété sur la compétence que la Constitution réserve au législateur doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 325-9 du code de la route : " Les frais d'enlèvement, de garde en fourrière, d'expertise et de vente ou de destruction du véhicule sont à la charge du propriétaire. (...) / Le montant des redevances pour frais de fourrière est fixé par arrêté et tient compte des difficultés de mise en oeuvre des opérations d'enlèvement et de garde liées à l'importance des communes dans lesquelles ces opérations sont effectuées et à l'existence des problèmes de circulation et de stationnement que connaissent ces communes " ; qu'il résulte de ces dispositions législatives que le montant des redevances pour frais de fourrière, lesquelles sont à la charge des propriétaires de véhicules, est fixé sur la base de critères spécifiques, qui ne sont pas applicables à la fixation du tarif applicable aux frais de garde des scellés ; que, dès lors, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'en fixant, pour les véhicules, un tarif applicable aux frais de garde des scellés inférieur au montant retenu pour les redevances pour frais de fourrière, le pouvoir réglementaire aurait méconnu le principe d'égalité ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article R. 147 du code de procédure pénale, qui ont pour seul objet de fixer le tarif applicable aux frais de garde des scellés judiciaires, ne sauraient être regardées comme instituant un travail forcé ou obligatoire au sens de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions litigieuses ne sauraient être regardées comme procurant un enrichissement sans cause de l'Etat ; que la requérante ne saurait donc utilement souvenir que la décision contestée aurait méconnu les principes permettant de mettre en cause, le cas échéant, la responsabilité des personnes publiques au titre de l'enrichissement sans cause ;

6. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir n'est pas établi ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ; que le surplus de ses conclusions ne peut, par suite, qu'être rejeté ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Garage Jean Jaurès est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Garage Jean Jaurès, au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 389033
Date de la décision : 04/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2016, n° 389033
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Decubber
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389033.20160504
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