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20/04/2016 | FRANCE | N°396467

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 20 avril 2016, 396467


Vu la procédure suivante :

La société Pierre Fabre Médicament a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

- d'enjoindre à l'Etat de cesser la diffusion d'indications erronées quant aux modalités de facturation et de prise en charge de la spécialité Javlor, notamment auprès des établissements publics de santé et des observatoires du médicament, des dispositifs médicaux et de l'innovation thérapeutique, et de leur communiquer une information rectificative indiquant qu

e, conformément à la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 27 ...

Vu la procédure suivante :

La société Pierre Fabre Médicament a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

- d'enjoindre à l'Etat de cesser la diffusion d'indications erronées quant aux modalités de facturation et de prise en charge de la spécialité Javlor, notamment auprès des établissements publics de santé et des observatoires du médicament, des dispositifs médicaux et de l'innovation thérapeutique, et de leur communiquer une information rectificative indiquant que, conformément à la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 27 juin 2015, la spécialité Javlor est actuellement inscrite sur la liste fixée en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale et que, en conséquence, ce médicament peut et doit faire l'objet d'une facturation et d'un remboursement en sus ;

- d'assortir cette injonction d'une astreinte d'un montant de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai qu'il appartiendra au juge de fixer, dans la limite de 5 jours à compter de la notification à l'Etat de l'ordonnance à intervenir.

Par une ordonnance n° 1519436 du 8 janvier 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 27 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Pierre Fabre Médicament demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 8 janvier 2016 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande d'injonction sous astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société Pierre Fabre Médicament ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 avril 2016, présentée par le ministre des affaires sociales et de la santé ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

2. Par une décision n° 363164 du 17 juin 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêté du 21 février 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, en tant que cet arrêté portait radiation de la spécialité Javlor 25 mg/ml, et jugé qu'aucun des motifs invoqués par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ne justifiait que les effets de sa décision soient différés. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que la direction générale de l'offre de soins a toutefois indiqué aux observatoires des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques, en juillet 2015, que la spécialité en cause ne pouvait être prise en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale tant que les tarifs de ces prestations n'avaient pas été modifiés, soit, par application de l'article L. 162-22-10 du même code, jusqu'au 1er mars 2016.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d'injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. En raison du caractère subsidiaire du référé régi par l'article L. 521-3, le juge saisi sur ce fondement ne peut prescrire les mesures qui lui sont demandées lorsque leurs effets pourraient être obtenus par les procédures de référé régies par les articles L. 521-1 et L 521-2. Enfin, il ne saurait faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative, même celle refusant la mesure demandée, à moins qu'il ne s'agisse de prévenir un péril grave.

4. Le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Pierre Fabre Médicament tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de mettre fin à la diffusion d'indications erronées quant aux modalités de facturation et de prise en charge de la spécialité Javlor et de diffuser une information rectificative, au motif qu'une telle injonction aurait fait obstacle à l'exécution de la décision par laquelle le directeur général de l'offre de soins avait rejeté sa demande du 24 juillet 2015, tendant aux mêmes fins, et qu'une procédure en demande d'aide à l'exécution de la décision du 17 juin 2015 était en cours devant la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.

5. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le refus implicite opposé à la demande de la société requérante ne portait que sur les modalités de prise en charge de la spécialité Javlor par l'assurance maladie jusqu'au 29 février 2016. Or les mesures sollicitées du juge des référés ne se limitaient pas à cette période, si bien que celui-ci ne pouvait juger sans erreur de droit qu'elles auraient fait obstacle à l'exécution de la décision prise par l'administration.

6. D'autre part, il ressort de ces mêmes pièces que, par un courrier du 19 novembre 2015, le président de la section du rapport et des études a répondu à la société Pierre Fabre Médicament que la spécialité Javlor devait être regardée comme n'ayant jamais été radiée de la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, par l'effet de l'annulation pour excès de pouvoir prononcée par le Conseil d'Etat, de sorte que cette décision n'appelait pas de mesure d'exécution. Par suite, le juge des référés s'est fondé, en tout état de cause, sur des faits matériellement inexacts en estimant que la décision du Conseil d'Etat faisait l'objet d'une demande d'aide à l'exécution en cours d'examen.

7. Dès lors, l'ordonnance du juge des référés du 8 janvier 2016 doit être annulée. Les moyens retenus suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les mesures demandées par la requérante :

9. Il résulte de la décision par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 février 2012 en tant qu'il radie la spécialité Javlor 25 mg/ml de la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation, mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, que cette décision de radiation est réputée n'être jamais intervenue et que cette spécialité doit, par suite, être prise en charge en sus de ces prestations.

10. Par un mémoire enregistré le 8 avril 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé a indiqué que rien ne s'opposait désormais à la prise en charge de la spécialité en sus des prestations d'hospitalisation et que l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation avait mis à jour les informations correspondantes sur son site internet. Toutefois, et alors même que par un arrêté du 4 mars 2016, publié au Journal officiel de la République française le 8 mars suivant, le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales et de la santé ont fixé pour l'année 2016 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, il résulte de l'instruction que la diffusion d'informations erronées dans la base des médicaments et informations tarifaires de l'assurance maladie s'est poursuivie pendant plusieurs semaines après cette publication.

11. Par suite, eu égard à l'ambiguïté persistant même au-delà du 1er mars 2016 quant aux conditions de prise en charge de la spécialité Javlor, la société requérante est fondée à soutenir que l'injonction au ministre des affaires sociales et de la santé de diffuser une information exacte sur ces conditions présente un caractère d'utilité au sens de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.

12. Contrairement à ce que soutient le ministre, une telle mesure revêt un caractère conservatoire et ne fait obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. Pour les motifs indiqués au point 9, elle ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Enfin, destinée à faire cesser la violation de la chose jugée, elle présente un caractère d'urgence au sens de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.

13. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre des affaires sociales et de la santé de diffuser aux agences régionales de santé, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, une information rectificative relative à la prise en charge du Javlor en sus des prestations d'hospitalisation, à charge pour elles de la répercuter aux établissements de santé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros à verser à la société Pierre Fabre Médicament, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais que cette société a exposés tant devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris que devant le Conseil d'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 8 janvier 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires sociales et de la santé de diffuser aux agences régionales de santé, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, une information rectificative relative à la prise en charge de la spécialité Javlor en sus des prestations d'hospitalisation, à charge pour elles de la répercuter aux établissements de santé.

Article 3 : Une astreinte de 1 000 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il n'est pas justifié de l'exécution de la présente décision dans le délai mentionné à l'article 2. Le ministre des affaires sociales et de la santé communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la société Pierre Fabre Médicament une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Pierre Fabre Médicament et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 396467
Date de la décision : 20/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 avr. 2016, n° 396467
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Thoumelou
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:396467.20160420
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