Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 février et 22 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Girard publicité demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2013-606 du 9 juillet 2013 portant diverses modifications du code de l'environnement relatives à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du b) du 5° du I de l'article 67 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Girard publicité ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 581-43 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 : " Les publicités, enseignes et préenseignes, qui ont été mises en place avant l'entrée en vigueur des actes pris pour l'application des articles L. 581-4, avant-dernier alinéa, L. 581-7, L. 581-8, L. 581-14 et L. 581-18, deuxième et troisième alinéas et qui ne sont pas conformes à leurs prescriptions, ainsi que celles mises en place dans des lieux entrés dans le champ d'application des articles L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-44 en vertu d'actes postérieurs à leur installation, peuvent, sous réserve de ne pas contrevenir à la réglementation antérieure, être maintenues pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur des actes précités. / Les publicités, enseignes et préenseignes soumises à autorisation en vertu du présent chapitre qui ne sont pas conformes à des règlements visés à l'alinéa précédent et entrés en vigueur après leur installation peuvent être maintenues, sous réserve de ne pas contrevenir à la réglementation antérieure, pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de ces règlements. / Les publicités, enseignes et préenseignes qui ont été mises en place avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et des décrets en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article 36 de cette loi peuvent, sous réserve de ne pas contrevenir aux dispositions antérieurement applicables, être maintenues pendant un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi et des décrets en Conseil d'Etat précités " ; que la loi du 12 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives a, par le a) du 5° du I de son article 67, modifié ces dispositions afin de porter à six ans le délai prévu aux premier, deuxième et dernier alinéas ; que toutefois, les dispositions du b) du même 5° de cet article ont ajouté un alinéa prévoyant que : " Pour les publicités et préenseignes, un décret peut prévoir un délai moindre, qui ne peut être inférieur à deux ans à compter de sa publication " ;
3. Considérant que, pour demander au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions du b) du 5° du I de l'article 67 de la loi du 12 mars 2012, la société Girard publicité soutient qu'en prévoyant qu'un décret pourrait fixer, pour les publicités et préenseignes, un délai de mise en conformité moindre que celui prévu pour les enseignes, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et porté atteinte au principe d'égalité ainsi qu'à la liberté de communication ;
4. Considérant, en premier lieu, que par les dispositions rappelées ci-dessus du a) du 5° du I de l'article 67, le législateur a prévu un allongement des délais de mise en conformité aux dispositions issues de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement pour les enseignes, dispositifs apposés sur un immeuble et relatifs à une activité qui s'y exerce, nécessaires à son identification et de ce fait largement employés notamment par les petites entreprises, pour lesquelles cette mise en conformité pouvait imposer des contraintes techniques et financières difficilement supportables ; que si les dispositions contestées du b) du 5° du I de cet article confient au pouvoir réglementaire la possibilité de fixer le cas échéant un délai plus bref pour les publicités et préenseignes, supports publicitaires indépendants de l'immeuble où s'exerce l'activité, ni la fonction, ni les modalités de modification de ces dernières ne sont les mêmes que celles des enseignes ; que le législateur pouvait sans méconnaître le principe d'égalité opérer une différence entre les différents supports publicitaires en prenant en compte les contraintes matérielles tenant à leur mise en conformité ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi " ; que les dispositions critiquées, n'ont nullement pour effet d'interdire toute communication publicitaire par affichage et se bornent à fixer un délai pour la mise en conformité des dispositifs d'enseignes dans les zones où la réglementation relative à la protection de l'environnement l'impose ; que ce faisant, le législateur a adopté, dans l'intérêt général et sans méconnaître l'étendue de sa compétence, une mesure qui ne porte pas atteinte à la liberté de communication ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Girard publicité.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Girard publicité et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.