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15/04/2016 | FRANCE | N°380091

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 15 avril 2016, 380091


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 380091, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mai 2014, 1er août 2014 et 2 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-328 du 12 mars 2014 modifiant le décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 0

00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n°...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 380091, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mai 2014, 1er août 2014 et 2 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-328 du 12 mars 2014 modifiant le décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 380336, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 mai 2014 et 27 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union professionnelle des industries privées du gaz (Uprigaz) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-328 du 12 mars 2014 modifiant le décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel ainsi que l'arrêté du 11 mars 2014 modifiant l'arrêté du 7 février 2007 relatif aux profils et aux droits unitaires de stockage ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

- le règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 ;

- la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

- le code de commerce ;

- le code de l'énergie ;

- le décret n° 2006-366 du 27 mars 2006 ;

- le décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 ;

- l'arrêté du 7 février 2007 relatif aux profils et aux droits unitaires de stockage ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat des sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2016, présentée pour les sociétés Storengy et TIGF ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la recevabilité des interventions en défense des sociétés Storengy et TIGF :

2. Considérant que les sociétés Storengy et Total Infrastructures Gaz France (TIGF), en leur qualité d'opérateurs de stockage, justifient d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;

Sur le cadre juridique du litige :

3. Considérant que le stockage de gaz naturel, régi par les dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-16 du code de l'énergie, qui transposent la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE du 26 juin 2003, constitue l'un des moyens d'assurer la continuité de l'approvisionnement des clients en gaz ; que ces dispositions organisent un accès aux stockages de gaz dans le cadre des obligations de service public qui incombent aux fournisseurs ; que l'article L. 421-4 du même code impose notamment à chaque fournisseur de gaz l'obligation de détenir en France, au 31 octobre de chaque année, des stocks de gaz naturel suffisants, compte tenu de ses autres instruments de modulation, pour remplir pendant la période comprise entre le 1er novembre et le 31 mars ses obligations contractuelles d'alimentation directe ou indirecte de clients mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code ; que l'article L. 421-5 du même code garantit l'accès des fournisseurs aux stockages souterrains de gaz naturel ; que le décret du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel, désormais codifié aux articles R. 421-1 et suivants du code de l'énergie, est pris en application de l'article L. 421-7 et précise les conditions dans lesquelles est organisé l'accès à ces stockages en prévoyant, d'une part, l'attribution à chaque fournisseur de gaz naturel de droits de stockage, déterminés en fonction de son portefeuille de clients, pour lui permettre d'alimenter ces clients pendant la période hivernale et, d'autre part, la détermination d'obligations pesant sur les fournisseurs, qui doivent notamment détenir un minimum de stocks en début de période hivernale ;

4. Considérant que le décret du 12 mars 2014, contesté par les requêtes enregistrées sous les n°s 380091 et 380336, modifie le décret du 21 août 2006 ; qu'en particulier, son article 9 modifie les règles de déclaration et de détention des stocks de gaz naturel des fournisseurs ; qu'en vertu des dispositions issues de ce décret, d'une part, les obligations de stockage incombant aux fournisseurs sont calculées en fonction de " droits de stockage " correspondant non plus seulement à la consommation annuelle de leurs " clients domestiques " et de leurs clients assurant des missions d'intérêt général, comme le prévoyait le décret dans sa version antérieure, mais aussi à la consommation des clients raccordés au réseau de distribution n'ayant pas accepté contractuellement une fourniture interruptible ; qu'en contrepartie, le décret attaqué diminue le taux des obligations de stockage de 85 % à 80 % des droits de stockage ; que, d'autre part, afin de garantir le respect de l'obligation de stockage ainsi imposée aux fournisseurs, le décret attaqué crée une obligation de détention de capacités de stockage acquises au titre des droits de stockage correspondant à l'obligation de détention des stocks au 31 octobre de chaque année ; que ces obligations sont définies non plus seulement en volume, mais également en " débit de soutirage " afin d'assurer la sécurité de la fourniture de gaz en cas de pointe de consommation ; que l'article 13 du décret du 21 août 2006, dans sa rédaction issue du décret du 12 mars 2014, soumet chaque fournisseur à l'obligation de souscrire, au plus tard le 1er mai de chaque année, une déclaration établissant qu'il est en mesure, notamment, de satisfaire à ses obligations en matière de stockage ; qu'enfin, le ministre chargé de l'énergie peut, en vertu des dispositions issues du décret attaqué, adresser à tout fournisseur de gaz naturel, au vu de cette déclaration, une mise en demeure de souscrire, dans le délai de deux mois, des capacités de stockage additionnelles, " en tenant compte des autres instruments de modulation dont [le fournisseur] dispose ", lorsqu'il estime que les capacités de stockage détenues sont insuffisantes pour garantir le respect de l'obligation de stockage ;

Sur légalité externe des actes attaqués :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence est " obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet :/ 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ;/ 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ;/ 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que le décret attaqué modifie le décret du 21 août 2006, pris en application de l'article L. 421-7 du code de l'énergie, pour fixer les conditions dans lesquelles est organisé l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel et, notamment, les modalités de mise en oeuvre de l'obligation de détention des stocks prévue à l'article L. 421-4 du même code ; qu'il n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer un régime nouveau soumettant l'exercice de l'activité de fourniture de gaz ou l'accès au marché de fourniture de gaz à des restrictions quantitatives ou d'octroyer aux opérateurs de stockage un droit exclusif au sens des dispositions rappelées ci-dessus du code de commerce ou encore de réglementer les prix ; que l'arrêté attaqué n'a pas davantage un tel effet ; que, dès lors, l'Autorité de la concurrence n'avait pas à être consultée et le moyen tiré de ce que le décret et l'arrêté attaqués auraient été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'une telle consultation, ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 134-10 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie " est préalablement consultée sur les projets de dispositions à caractère réglementaire relatifs à l'accès aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, aux ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel et aux installations de gaz naturel liquéfié et à leur utilisation. Elle est également consultée sur le projet de décret en Conseil d'Etat fixant les obligations d'Electricité de France et des fournisseurs bénéficiant de l'électricité nucléaire historique et les conditions de calcul des volumes et conditions d'achat de cette dernière prévu à l'article L. 336-10 " ;

8. Considérant que si les sociétés requérantes font valoir que les activités de stockage sont intrinsèquement liées aux activités de transport et de distribution de gaz, cette seule circonstance ne peut conduire à regarder les mesures prévues par le décret et l'arrêté attaqués comme étant au nombre de celles qui doivent être obligatoirement soumises pour avis à la Commission de régulation de l'énergie ; que le moyen tiré du défaut de consultation de cette autorité doit, dès lors, être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 1er du décret du 27 mars 2006 relatif à sa composition et à son fonctionnement, le Conseil supérieur de l'énergie comporte 38 membres ; que l'article 9 de ce même décret précise que le quorum est de 18 membres ; qu'à supposer même que, lors de la séance au cours de laquelle les projets de décret et d'arrêté ont été examinés, trois membres de ce Conseil n'aient pas disposé d'un mandat valide et que quatre autres membres et leurs suppléants aient été absents, le quorum était atteint ; dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de cette instance doit être écarté ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que l'organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'une décision doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par cette décision ; que, par suite, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l'autorité compétente pour prendre cette décision envisage d'apporter à son projet des modifications qui posent des questions nouvelles, elle doit le consulter à nouveau ; qu'il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'énergie a été saisi en même temps du projet de décret modifiant le décret du 21 août 2006 relatif à l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel et du projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 7 février 2007 relatif aux profils et droits unitaires de stockage pour lesquels il a donné un avis favorable le 10 décembre 2013 ; qu'il a ainsi été saisi de l'ensemble des questions soulevées par le renforcement de l'obligation de stockage prévue par ces textes ; que si le projet de décret adopté diffère de celui qui lui a été soumis, les modifications apportées ne posaient pas de questions nouvelles ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du Conseil supérieur de l'énergie doit donc être écarté ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution, " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de l'exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que l'exécution du décret attaqué n'appelle aucune mesure que le ministre chargé de l'économie et le ministre du redressement productif auraient été compétents pour signer ou contresigner ; que, par suite, quels que soient les termes des décrets relatifs aux attributions des ministres et bien que le décret attaqué modifie un décret revêtu du contreseing du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué chargé de l'industrie, le contreseing de ces ministres n'était pas requis ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions des articles L. 421-4 et L. 421-8 du code de l'énergie :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-4 du code de l'énergie : " Tout fournisseur doit détenir en France, à la date du 31 octobre de chaque année, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un mandataire, des stocks de gaz naturel suffisants, compte tenu de ses autres instruments de modulation, pour remplir pendant la période comprise entre le 1er novembre et le 31 mars ses obligations contractuelles d'alimentation directe ou indirecte de clients mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 421-3 " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de faire du stockage de gaz l'unique instrument de modulation permettant aux fournisseurs de gaz de remplir leur obligation d'assurer la continuité de la fourniture de gaz à leurs clients ; que le moyen tiré de la méconnaissance, sur ce point, de l'article L. 421-4 du code de l'énergie doit dès lors être écarté ;

13. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article L. 421-8 du code de l'énergie : " Les modalités de l'accès aux capacités de stockage mentionné aux articles L. 421-5 et L. 421-6 et en particulier son prix sont négociés dans des conditions transparentes et non discriminatoires./(...) " ; qu'en dépit du caractère très concentré du marché du stockage français, le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire ou d'empêcher un accès négocié aux stockages conformément au principe fixé par ces dispositions ;

En ce qui concerne l'atteinte portée aux libertés économiques :

14. Considérant que le renforcement des obligations des fournisseurs de gaz naturel en matière de stockage prévu par les dispositions du décret attaqué est justifié par un objectif d'intérêt général lié à la sécurité de l'approvisionnement des clients et est proportionné à cet objectif ; qu'en particulier, l'obligation de stockage reste limitée à la période hivernale, du 1er novembre au 31 mars de chaque année, l'élargissement du champ des clients pris en compte est associé à une diminution du taux des droits de stockage à respecter, et, s'il joue un rôle stratégique, le stockage n'exclut pas le recours à d'autres instruments de modulation ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure critiquée induirait des coûts supplémentaires de stockage de nature à affecter le bon fonctionnement du marché du gaz ; que, par suite, le décret attaqué ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre ou à la liberté du commerce et de l'industrie, ni à la liberté d'entreprise garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il ne porte pas davantage atteinte, par lui-même, à la liberté contractuelle des fournisseurs de gaz garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

En ce qui concerne le détournement de pouvoir allégué :

15. Considérant que le détournement de pouvoir allégué au profit de la société Storengy n'est pas établi ;

En ce qui concerne les moyens relatifs aux sanctions :

16. Considérant, en premier lieu, que la mise en demeure de souscrire des capacités de stockage additionnelles constitue une simple mesure administrative qui n'est pas assortie de sanction ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le décret attaqué n'a pas institué de nouvelle sanction et les seules sanctions encourues sont celles, mentionnées à l'article L. 421-4 du code de l'énergie, qui sont liées au manquement à l'obligation de détention de stocks suffisants au 31 octobre de chaque année ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut qu'être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que le décret attaqué ne modifie ni les sanctions applicables, lesquelles relèvent du seul domaine de la loi, ni les conditions de leur mise en oeuvre ; que le moyen tiré de l'existence d'un cumul illégal de sanctions pécuniaires au titre des articles L. 421-4 et L. 142-32 du code de l'énergie et de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines est, dès lors, inopérant ;

18. Considérant, en troisième lieu, que les sociétés requérantes soutiennent que le décret attaqué confère au ministre chargé de l'énergie un pouvoir d'appréciation trop important, voire discrétionnaire, dans la mise en oeuvre de la procédure de mise en demeure, laquelle est susceptible de déboucher sur des sanctions ; qu'il résulte toutefois des termes du II du nouvel article 13 issu du décret attaqué que l'envoi d'une mise en demeure de souscrire des capacités de stockage additionnelles n'est, ainsi qu'il a été dit, qu'une faculté accordée au ministre chargé de l'énergie ; que celui-ci apprécie si les capacités de stockage détenues par un fournisseur de gaz sont suffisantes au vu des éléments mentionnés dans sa déclaration, qui sont énumérés au I de ce même article, en tenant compte des autres instruments de modulation dont il dispose ; que ces dispositions encadrent de manière suffisamment claire et précise le pouvoir d'appréciation ainsi donné au ministre ; que, comme il vient d'être dit, le non-respect de cette mise en demeure a pour seule conséquence la mise en oeuvre des sanctions prévues à l'article L. 421-4 du code de l'énergie en cas de manquement à l'obligation de détention de stocks suffisants à la date du 31 octobre de chaque année ; que les moyens tirés de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du principe de proportionnalité garanti par l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;

En ce qui concerne le moyen relatif au principe de sécurité juridique :

19. Considérant que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;

20. Considérant que les nouvelles modalités de l'obligation de stockage imposée aux fournisseurs de gaz naturel résultant du décret attaqué sont entrées en vigueur le 15 mars 2014 ; que les sociétés requérantes soutiennent que l'absence de mesures transitoires pour la mise en oeuvre de leur obligation déclarative, qui doit être respectée au 1er mai, et l'application immédiate des nouvelles dispositions, pendant les campagnes de souscription des capacités de stockage, conduisent à une situation préjudiciable pour les fournisseurs de gaz naturel et les exposent à de lourdes sanctions ; que, toutefois, les seules sanctions encourues sont celles qui sont liées au manquement à l'obligation de détention de stocks suffisants au 31 octobre de chaque année, ce qui laissait aux fournisseurs, comme l'admettent d'ailleurs les sociétés requérantes, environ six mois pour se conformer à leurs nouvelles obligations, compte tenu des dates limites de souscription du troisième tour de réservation des capacités de stockage dans les conditions fixées par les articles 8 et 9 de l'arrêté du 7 février 2007 relatifs aux profils et aux droits unitaires de stockage ; qu'en dehors des trois tours de réservation ainsi prévus, les articles 8 et 14 du décret du 21 août 2006, tels que modifiés par le décret attaqué, permettent aussi d'attribuer des capacités de stockage supplémentaires par une mise sur le marché ; que la circonstance qu'à la date du 1er mai, les fournisseurs de gaz naturel n'auraient pu établir dans leur déclaration qu'ils étaient en mesure de satisfaire à leurs nouvelles obligations de stockage les exposait seulement au risque que le ministre chargé de l'énergie les mette en demeure, dans un délai de deux mois, de souscrire des capacités de stockage additionnelles ; qu'eu égard à l'intérêt public qui s'attachait à la préservation de la sécurité de l'approvisionnement en gaz pour l'hiver 2014-2015, et alors que les fournisseurs de gaz naturel avaient déjà été informés des axes de réforme envisagés dans le cadre de la large consultation publique lancée par le Gouvernement, l'application immédiate des nouvelles obligations de stockage ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive aux intérêts des fournisseurs de gaz ; que, par suite, le décret litigieux n'appelait pas de dispositions transitoires destinées à en différer ou à en aménager l'application ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne le droit de l'Union européenne :

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

21. Considérant qu'aux termes de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation./(...)" ; que le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre l'activité des fournisseurs de gaz situés sur le territoire de l'Union et proposant leurs services sur le territoire national ;

22. Considérant, par ailleurs, que l'obligation de stockage sur le territoire national telle que définie par le décret attaqué, ne constitue pas, par elle-même, une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives aux importations et aux exportations prohibées par les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors que ce décret ne comporte aucune disposition s'appliquant spécifiquement aux fournisseurs important ou exportant du gaz naturel ;

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance de la directive 2009/73/CE du Parlement et du Conseil du 13 juillet 2009 :

23. Considérant, d'une part, que le paragraphe 2 de l'article 3 de la directive du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE exige notamment que les obligations de service public imposées par les Etats membres soient " clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables et garantissent aux entreprises de gaz naturel de la Communauté un égal accès aux consommateurs nationaux " et, d'autre part, que le paragraphe 11 du même article prévoit que les Etats membres doivent notifier à la Commission, tous les deux ans, toute modification apportée aux mesures prises pour remplir les obligations de service public, que celles-ci nécessitent ou non une dérogation à la directive ; que, toutefois, le décret attaqué, qui réglemente l'accès aux stockages souterrains de gaz naturel, lesquels constituent un des moyens mis en oeuvre pour satisfaire à l'obligation de service public que constitue la continuité de la fourniture, n'a pas en lui-même pour objet de définir une obligation de service public ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive mentionnée ci-dessus est inopérant ;

Quant au moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 2 et du paragraphe 2 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 :

24. Considérant, d'une part, que le paragraphe 1 de l'article 2 du règlement du 20 octobre 2010 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil définit les " clients protégés " comme désignant " tous les ménages qui sont connectés à un réseau de distribution de gaz " ; qu'il précise que les Etats membres peuvent en outre inclure dans cette définition : " a) les petites et moyennes entreprises, pour autant qu'elles soient connectées à un réseau de distribution de gaz, et les services sociaux essentiels, pour autant qu'ils soient connectés à un réseau de distribution ou de transport de gaz, et que l'ensemble de ces clients supplémentaires ne représente pas plus de 20 % de la consommation finale de gaz; et/ou / b) les installations de chauffage urbain, dans la mesure où elles fournissent du chauffage aux ménages et aux clients visés au point a), pour autant que ces installations ne soient pas en mesure de passer à d'autres combustibles et qu'elles soient connectées à un réseau de distribution ou de transport de gaz./ " ; que les Etats membres qui entendent faire usage de cette faculté doivent le notifier à la Commission " dans les meilleurs délais, et au plus tard le 3 décembre 2011 " ;

25. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 8 de ce même règlement : " 1. L'autorité compétente exige que les entreprises de gaz naturel qu'elle identifie prennent les mesures visant à garantir l'approvisionnement en gaz des clients protégés de l'État membre dans les cas suivants :/ a) températures extrêmes pendant une période de pointe de sept jours, se produisant avec une probabilité statistique d'une fois en vingt ans ;/ b) une période d'au moins trente jours de demande en gaz exceptionnellement élevée, se produisant avec une probabilité statistique d'une fois en vingt ans; et/ c) pour une période d'au moins trente jours en cas de défaillance de la plus grande infrastructure gazière dans des conditions hivernales moyennes. L'autorité compétente identifie les entreprises de gaz naturel visées au premier alinéa, avant le 3 juin 2012 au plus tard. " ; qu'aux termes des paragraphes 2 et 3 du même article 8 : " 2. Toute norme d'approvisionnement renforcée d'une durée supérieure à la période de trente jours visée au paragraphe 1, points b) et c), ou toute obligation supplémentaire imposée pour des raisons de sécurité de l'approvisionnement en gaz, repose sur l'évaluation des risques visée à l'article 9, figure dans le plan d'action préventif et :/ a) est conforme à l'article 3, paragraphe 6 ; / b) ne fausse pas indûment la concurrence ou n'entrave pas le fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel ;/ c) ne porte pas préjudice à la capacité de tout autre État membre d'assurer l'approvisionnement de ses clients protégés conformément au présent article en cas d'urgence au niveau national, au niveau de l'Union ou au niveau régional ; et d) est conforme aux critères précisés à l'article 11, paragraphe 5, en cas d'urgence à l'échelle de l'Union ou au niveau régional./ (...) 3. Au terme des périodes définies par l'autorité compétente conformément aux paragraphes 1 et 2, ou dans des conditions plus rigoureuses que celles définies au paragraphe 1, les autorités compétentes et les entreprises de gaz naturel s'efforcent de maintenir l'approvisionnement en gaz, dans toute la mesure du possible, en particulier pour les clients protégés. " ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus que, conformément aux dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-4 du code de l'énergie, le décret attaqué inclut dans la définition nationale des " clients protégés " non seulement les clients domestiques, qui correspondent aux " " ménages qui sont connectés à un réseau de distribution de gaz " mentionnés au paragraphe 1 de l'article 2 du règlement du 20 octobre 2010, et les clients non domestiques assurant des missions d'intérêt général liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation, mais aussi les clients non domestiques raccordés au réseau de distribution n'ayant pas accepté contractuellement une fourniture susceptible d'interruption, qui ne sont pas nécessairement des " petites et moyennes entreprises " mentionnées au a) du paragraphe 1 de l'article 2 du règlement du 20 octobre 2010 ;

27. Considérant que, dans la note du 9 janvier 2012 adressée à la Commission européenne dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement du 20 octobre 2010, les autorités françaises ont notifié leur intention de regarder comme protégés tous les clients raccordés aux réseaux de distribution et d'inclure ainsi des sites de taille modeste qui, même s'ils appartiennent à de grandes entreprises, partagent un grand nombre de caractéristiques avec les petites et moyennes entreprises et représentent au total moins de 8 % de la consommation nationale ; qu'elles ont précisé que cette définition, qui vise à offrir une protection adéquate à ces consommateurs, compte tenu du mode de gestion du système gazier français, est justifiée par des raisons techniques et organisationnelles liées aux difficultés de mettre en place un dispositif fiable et contrôlable permettant d'identifier préalablement les sites raccordés aux réseaux de distribution par taille d'entreprise conformément à la définition retenue par le règlement et aux risques pesant sur l'approvisionnement de l'ensemble des consommateurs, y compris les ménages ou les services sociaux essentiels, en cas de délestages sélectifs ; que la définition élargie des " clients protégés " a ensuite été reprise dans le cadre du plan d'action préventif et du plan d'urgence prévus à l'article 5 du règlement du 20 octobre 2010, qui ont été notifiés à la Commission le 24 avril 2013 par les autorités françaises ;

28. Considérant que si la définition des " clients protégés " retenue par le décret attaqué excède les termes de l'article 2 du règlement du 20 octobre 2010, le ministre soutient que cette définition élargie, qui contribue à déterminer le périmètre des normes d'approvisionnement minimales imposées aux entreprises de gaz naturel en vertu de l'article 8 du règlement, se rattache aux obligations supplémentaires imposées pour des raisons de sécurité de l'approvisionnement en gaz que le paragraphe 2 de ce même article autorise les Etats membres à imposer aux entreprises de gaz naturel, sous réserve du respect des conditions qu'il énumère ; qu'il souligne qu'aucune disposition du règlement du 20 octobre 2010 n'interdit à un Etat membre de fixer des normes d'approvisionnement allant au-delà du socle minimal défini par ce règlement ;

29. Considérant, toutefois, que la définition des " clients protégés " est fixée à l'article 2 du règlement n° 994/2010 avec des possibilités d'extension précisément définies, avec obligation de notification à la Commission européenne ; que la question se pose de savoir si les obligations supplémentaires mentionnées au paragraphe 2 de l'article 8 du règlement permettent à un Etat membre de retenir une définition des " clients protégés " allant au-delà de ce que prévoit cet article 2 ou si elles permettent seulement de prendre des mesures visant à garantir l'approvisionnement des " clients protégés " définis à cet article dans des cas plus larges que ceux qui sont prévus au paragraphe 1 de l'article 8 ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la légalité du décret attaqué dépend de la question de savoir si le paragraphe 2 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations supplémentaires qui résultent de l'inclusion parmi " les clients protégés ", dont la consommation contribue à définir le périmètre des obligations de stockage visant à assurer la continuité de l'approvisionnement, de clients qui ne sont pas mentionnés au paragraphe 1 de l'article 2 de ce même règlement ;

Quant au moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 5 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 :

31. Considérant qu'aux termes du paragraphe 5 de l'article 8 de ce règlement : " Les entreprises de gaz naturel sont autorisées à satisfaire à ces obligations au niveau régional ou au niveau de l'Union, le cas échéant. L'autorité compétente n'exige pas que les normes établies par le présent article soient respectées en tenant compte uniquement des infrastructures situées sur son territoire " ;

32. Considérant que, ainsi qu'il a été dit, l'article L. 421-4 du code de l'énergie impose aux fournisseurs de détenir en France des stocks de gaz naturel suffisants, compte tenu des autres instruments de modulation dont ils disposent, pour assurer la continuité de l'approvisionnement des clients en gaz ; que le décret attaqué, qui, pour l'application de ces dispositions, détermine le périmètre et l'étendue de cette obligation de stockage, implique que 80 % des droits de stockage soient réalisés sur le territoire national ; qu'il prévoit néanmoins que le ministre chargé de l'énergie tient compte des autres instruments de modulation dont dispose un fournisseur de gaz pour apprécier si les capacités de stockage qu'il détient sont suffisantes pour garantir le respect de son obligation de stockage, avant d'adresser au fournisseur une éventuelle mise en demeure de souscrire des capacités de stockage additionnelles ;

33. Considérant que le ministre fait valoir que les termes de l'article L. 421-4 du code de l'énergie ne font pas obstacle à ce que les fournisseurs de gaz utilisent, au titre de leurs " autres instruments de modulation ", des infrastructures de stockage qui se situent sur le territoire d'un autre Etat ; qu'il soutient toutefois qu'il est légitime pour un Etat membre d'exiger que l'obligation de stockage soit exécutée exclusivement sur le territoire national, " eu égard à son objet, qui est de garantir la continuité de la fourniture en gaz non seulement face aux modulations saisonnières mais aussi en cas d'événements extérieurs, d'ordre notamment géopolitique, pouvant affecter la sécurité d'approvisionnement " ;

34. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la légalité du décret attaqué dépend de la question de savoir si les dispositions du paragraphe 5 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 font obstacle à ce qu'un Etat membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations portant sur les volumes de gaz stockés et les débits de soutirage assortis, ainsi que sur la détention de capacités de stockage acquises au titre des droits correspondant à l'obligation de détention des stocks sur le territoire de cet Etat membre, tout en prévoyant que le ministre, dans son appréciation des capacités de stockage détenues par un fournisseur, tient compte des autres instruments de modulation dont il dispose ;

Quant aux autres moyens tirés de la méconnaissance du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 :

35. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 8 du même règlement : " les obligations imposées aux entreprises de gaz naturel pour le respect des normes d'approvisionnement prévues au présent article sont non discriminatoires et n'imposent pas de charge excessive à ces entreprises " ; que, d'une part, si les sociétés requérantes font valoir que le décret attaqué bénéficierait aux opérateurs historiques, les obligations qu'il impose s'adressent indifféremment à tous les fournisseurs de gaz, en fonction de leur portefeuille de clients ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les charges supplémentaires induites par les modifications apportées par le décret attaqué à l'obligation de stockage, rappelées au point 4 ci-dessus, seraient manifestement excessives au regard de l'objectif poursuivi de sécurité de l'approvisionnement ;

36. Considérant, en deuxième lieu, que selon le paragraphe 6 de l'article 3 et le b du paragraphe 2 de l'article 8 du règlement, les obligations supplémentaires imposées par les Etats membres pour des raisons de sécurité de l'approvisionnement en gaz ne doivent pas fausser indûment la concurrence ni entraver le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz naturel ; que, toutefois, le décret attaqué, qui ne fait que conforter la place privilégiée accordée au stockage dans le dispositif français de sécurisation de l'approvisionnement en gaz, ne peut être regardé, comme le soutiennent les sociétés requérantes, comme ayant pour effet d'affecter, de manière durable et irréversible, la concurrence sur le marché de gros du gaz naturel, ni comme faussant la concurrence sur le marché de détail de gaz naturel du fait de la répercussion sur le prix du gaz des coûts supplémentaires de stockage induits par la mesure critiquée, ni comme entravant le bon fonctionnement du marché, au sens de ces dispositions ;

37. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des considérants 26, 5 et 22 de ce règlement est inopérant, dès lors qu'ils ne fixent aucune obligation à la charge des Etats membres ;

Sur l'arrêté attaqué :

38. Considérant que l'arrêté du 11 mars 2014, contesté par la requête enregistrée sous le n° 380336, modifie l'arrêté du 7 février 2007 relatif aux profils et aux droits unitaires de stockage, pris notamment pour l'application des articles 5 et 11 du décret du 21 août 2006 ; qu'il actualise la méthode de calcul des droits de stockage des fournisseurs de gaz naturel alimentant des clients finals, par profil de consommation et par station météo, et précise le périmètre des obligations de détention de stock de gaz naturel ;

39. Considérant que l'article 5 de l'arrêté du 11 mars 2014 insère à l'arrêté du 7 février 2007 un article 3-1 dont le premier alinéa dispose : " Pour les consommateurs industriels, identifiés par le gestionnaire du réseau de distribution auquel ces consommateurs sont raccordés comme ne présentant aucun risque en cas de délestage et dont la consommation annuelle de référence est supérieure à 5 000 000 kWh ou qui ont la possibilité au titre des textes applicables de se raccorder directement à un réseau de transport de gaz naturel, le pourcentage des droits de stockage soumis à obligation de détention de stock est fixé à 0. " ;

40. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

41. Considérant que les consommateurs industriels auxquels s'appliquent les dispositions citées au point 39 ci-dessus contribuent à la sécurité de l'approvisionnement soit en permettant le recours à des mesures de délestage soit en se raccordant directement à un réseau de transport de gaz naturel ; qu'ainsi, ils ne se trouvent pas, au regard de l'obligation de stockage des fournisseurs, dans la même situation que les autres consommateurs de gaz ; que la condition cumulative tenant au seuil de consommation de 5 GWh critiquée par l'Uprigaz est quant à elle justifiée par les contraintes techniques et humaines liées aux mesures de délestage sélectif sur le réseau de distribution de gaz naturel et par un souci d'efficacité de ces mesures ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;

42. Considérant que les questions formulées aux points 30 et 34 ci-dessus sont déterminantes pour la décision que doit prendre le Conseil d'Etat ; qu'elles présentent une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les requêtes des sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA ainsi que de l'Union professionnelle des industries privées du gaz ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions des sociétés Storengy et TIGF sont admises.

Article 2 : Il est sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :

- le paragraphe 2 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 doit-il être interprété en ce sens qu'il fait obstacle à ce qu'un Etat membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations supplémentaires résultant de l'inclusion parmi les " clients protégés ", dont la consommation contribue à définir le périmètre des obligations de stockage visant à assurer la continuité de l'approvisionnement, de clients qui ne sont pas mentionnés au paragraphe 1 de l'article 2 de ce même règlement '

- le paragraphe 5 de l'article 8 du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 doit-il être interprété en ce sens qu'il fait obstacle à ce qu'un Etat membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations portant sur les volumes de gaz stockés et les débits de soutirage assortis, ainsi que sur la détention de capacités de stockage acquises au titre des droits correspondant à l'obligation de détention des stocks sur le territoire de cet Etat membre, tout en prévoyant que le ministre, dans son appréciation des capacités de stockage détenues par un fournisseur, tient compte des autres instruments de modulation dont celui-ci dispose '

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Eni SpA et Eni Gas et Power France SA, à l'Union professionnelle des industries privées du gaz, aux sociétés Storengy et TIGF, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne.

Copie en sera adressée à la Commission de régulation de l'énergie.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 380091
Date de la décision : 15/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2016, n° 380091
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:380091.20160415
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