Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des redevances syndicales mises à sa charge au titre des années 2001 à 2007 par l'association syndicale du canal Saint-Julien. Par un jugement nos 0700427, 0801615 du 20 février 2009, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande de M.B.applicables jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci
Par une décision n° 327253 du 6 octobre 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé le jugement du 20 février 2009 du tribunal administratif de Nîmes et renvoyé l'affaire au même tribunal.
Par un jugement n°s 1104014, 1104015 du 11 juillet 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M.B.applicables jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 12 septembre 2013, 12 décembre 2013 et 3 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce dernier jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'association syndicale du canal Saint-Julien la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi du 21 juillet 1865 relative aux associations syndicales ;
- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
- le décret du 18 décembre 1927 sur les associations syndicales ;
- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. B...et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l'association syndicale autorisée du canal Saint-Julien ;
1. Considérant, d'une part, que l'article 54 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires dispose que " (...) l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé de la redevance liquidée par l'association suspend la force exécutoire du titre [de recette]. L'exercice de ce recours par le débiteur se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuites (...) " ; que ces dispositions instituent un recours de plein contentieux spécial ayant pour objet de permettre aux membres d'une association syndicale autorisée qui entendent contester le bien-fondé des redevances mises à leur charge de faire opposition, devant le juge administratif, aux titres de recettes exécutoires émis à leur encontre pour le recouvrement de ces créances publiques ; qu'à l'appui de ce recours, il est loisible aux propriétaires d'un bien immobilier compris dans le périmètre de l'association syndicale autorisée de présenter, par voie d'exception, un moyen tiré de l'illégalité de la délibération budgétaire annuelle par laquelle le syndicat a prévu et autorisé les dépenses et les recettes de l'association ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004: " Les associations syndicales de propriétaires constituées en vertu des lois des 12 et 20 août 1790, 14 floréal an XI, 16 septembre 1807, 21 juin 1865 et 8 avril 1898 sont régies par les dispositions de la présente ordonnance. / Toutefois, leurs statuts en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance demeurent.applicables jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci Cette mise en conformité doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62. A l'exception de celle des associations syndicales libres, la mise en conformité est approuvée par un acte de l'autorité administrative ou, à défaut d'approbation, et après mise en demeure adressée au président de l'association et restée sans effet à l'expiration d'un délai de trois mois, l'autorité administrative procède d'office aux modifications statutaires nécessaires " ; qu'aux termes de l'article 102 du décret du 3 mai 2006: " La mise en conformité des statuts des associations syndicales autorisées, des associations syndicales constituées d'office et de leurs unions prescrite à l'article 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée est adoptée, sur proposition du syndicat, par l'assemblée des propriétaires ou l'assemblée des associations selon l'une des modalités de consultation prévues à l'article 12 et dans les conditions prévues aux articles 19 et 20. / L'arrêté préfectoral approuvant cette mise en conformité fait l'objet des mesures de publicité et de notification prévues à l'article 13 " ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions des associations syndicales de propriétaires constituées en vertu des lois des 12 et 20 août 1790, 14 floréal an XI, 16 septembre 1807, 21 juin 1865 et 8 avril 1898 ont été soumises aux nouvelles règles prévues par l'ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006 dès l'entrée en vigueur de ce décret, sauf pour celles de ces règles qui nécessitent au préalable une mise en conformité de leurs statuts ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., propriétaire de terres agricoles situées dans le périmètre de l'association syndicale autorisée du canal Saint-Julien, a demandé la décharge des redevances appelées par l'association au titre des années 2001 à 2007 ; que les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 et du décret du 3 mai 2006 applicables à ce litige ne nécessitaient pas de modification des statuts de l'association ; qu'en conséquence, pour statuer sur les demandes de M.B..., il incombait aux juges du fond d'appliquer ces dernières dispositions au titre de l'année 2007 et les dispositions de la loi du 21 juillet 1865 relative aux associations syndicales et de son décret d'application du 18 décembre 1927 au titre des années 2001 à 2006 ;
4. Considérant que le premier alinéa de l'article 57 du décret du 18 décembre 1927 relatif aux associations syndicales de propriétaires prescrit qu'avant le 1er janvier de chaque année " le directeur rédige un projet de budget qui est déposé pendant quinze jours à la mairie des communes intéressées " ; qu'il est précisé au deuxième alinéa du même article que ce dépôt est annoncé " par affiches et publications ou à son de trompe ou de caisse ", chaque personne intéressée étant admise à présenter ses observations ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article, " le projet de budget (...) est ensuite voté par le syndicat " ;
5. Considérant que l'article 59 du décret du 3 mai 2006 prévoit qu'" avant le 31 décembre de l'année précédant l'exercice, le projet de budget établi par le président de l'association syndicale autorisée est déposé au siège de l'association pendant quinze jours. Ce dépôt est annoncé par affichage ou publication ou par tout autre moyen de publicité au choix du président de l'association. Chaque membre de l'association peut présenter des observations au président. / Le projet de budget accompagné d'un rapport explicatif du président et, le cas échéant, des observations des intéressés, est ensuite voté par le syndicat avant le 31 janvier de l'année de l'exercice (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au titre de chacune des années en litige, l'association syndicale du canal Saint-Julien a porté à la connaissance des membres de l'association non le projet de budget qui devait ensuite être soumis au vote du syndicat, mais le budget qui avait déjà été adopté ; que le tribunal administratif de Nîmes a dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le document ainsi soumis à consultation était, conformément aux dispositions citées aux points 4 et 5 ci-dessus, le projet de budget de l'association ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;
7. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
8. Considérant que les demandes de M. B...présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
9. Considérant que chaque demande de M. B...comporte, conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative, des conclusions et des moyens propres et a été présentée dans le délai de recours applicable ;
10. Considérant que, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ; que la consultation des membres de l'association préalablement à l'adoption du budget d'une association syndicale, qui a pour objet de recueillir leurs observations afin d'éclairer ce syndicat et de lui permettre, le cas échéant, de modifier le projet initialement préparé, constitue une garantie pour les membres de l'association ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, les projets de budget n'ont pas été soumis à consultation, contrairement aux dispositions de l'article 57 du décret du 18 décembre 1927, pour les années 2001 à 2006, et de l'article 59 du décret du 3 mai 2006, pour l'année 2007 ; que cette absence de consultation a entaché d'irrégularité les délibérations budgétaires au titre des années 2001 à 2007 ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de ses demandes, M. B... est fondé à demander la décharge des redevances auxquelles il a été assujetti au titre de chacune de ces années ;
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association syndicale du canal Saint-Julien, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 4 500 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2013 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : M. B...est déchargé des redevances syndicales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2007.
Article 3 : L'association syndicale du canal Saint-Julien versera à M. B...une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'association syndicale du canal Saint-Julien au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à l'association syndicale du canal Saint-Julien.