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30/03/2016 | FRANCE | N°383546

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème ssr, 30 mars 2016, 383546


Vu la procédure suivante :

L'association France nature environnement a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, née du silence gardé pendant plus d'un mois à compter de la date de saisine de la commission d'accès aux document administratifs, par laquelle le Premier ministre a refusé de lui communiquer l'avis rendu par le Conseil d'Etat sur le projet de décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans ayant une incidence sur l'environnement. Par un jugement n° 1217221/6-3 du 6 juin 2014, le tr

ibunal administratif de Paris a ordonné, avant-dire-droit, tous dro...

Vu la procédure suivante :

L'association France nature environnement a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, née du silence gardé pendant plus d'un mois à compter de la date de saisine de la commission d'accès aux document administratifs, par laquelle le Premier ministre a refusé de lui communiquer l'avis rendu par le Conseil d'Etat sur le projet de décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans ayant une incidence sur l'environnement. Par un jugement n° 1217221/6-3 du 6 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a ordonné, avant-dire-droit, tous droits et moyens des parties réservés, la production par le Premier ministre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, selon les conditions et motifs qu'il a précisés, de l'avis émis par le Conseil d'Etat préalablement à l'édiction de ce décret et de toutes les pièces qui l'ont éventuellement assorti.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 7 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 ;

- l'ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'association France nature environnement ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques (...) " ; que l'article L. 124-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 26 octobre 2005 qui transpose la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003, prévoit : " Le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l'article L. 124-3 ou pour leur compte s'exerce dans les conditions définies par les dispositions du titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, sous réserve des dispositions du présent chapitre " ; que l'article L. 124-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'environnement, dispose : " I. Après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, l'autorité publique peut rejeter la demande d'une information relative à l'environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : / 1° Aux intérêts mentionnés à l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° du I de cet article (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, aujourd'hui codifiées aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l'administration : " I.- Ne sont pas communicables : /1° Les avis du Conseil d'Etat (...)/ 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif (...) " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 112-1 du code de justice administrative : " (...) Le Conseil d'Etat donne son avis sur les projets de décrets et sur tout autre projet de texte pour lesquels son intervention est prévue par les dispositions constitutionnelles, législatives ou réglementaires ou qui lui sont soumis par le Gouvernement./ Saisi d'un projet de texte, le Conseil d'Etat donne son avis et propose les modifications qu'il juge nécessaires (...) " ;

3. Considérant que si l'avis émis le 13 mars 2012 par le Conseil d'Etat sur le projet de décret du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans ayant une incidence sur l'environnement, dont la communication est en litige, a fait l'objet d'une mention dans le rapport public 2013 du Conseil d'Etat, le tribunal administratif, qui ne disposait pas de la copie intégrale de l'avis, n'était pas à même d'apprécier dans quelle mesure le document publié comportait les informations relatives à l'environnement figurant dans cet avis ; qu'ainsi, il n'a pas commis d'erreur de droit en ne prononçant pas un non-lieu à statuer sur la demande de communication ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 124-1 et L. 124-4 du code de l'environnement, ainsi que des dispositions de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 aujourd'hui codifiées, en premier lieu, que si les avis du Conseil d'Etat ne sont pas communicables, les informations relatives à l'environnement qu'ils pourraient le cas échéant contenir sont quant à elles communicables et, en second lieu, qu'il appartient au Premier ministre d'apprécier au cas par cas si la préservation du secret des délibérations du Gouvernement est de nature à faire obstacle à leur communication ; qu'en effet, les avis du Conseil d'Etat mentionnés par les dispositions précitées, au vu desquels le Gouvernement adopte ses textes, sont couverts par le secret de ses délibérations ; que, par suite, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que le secret des délibérations du Gouvernement ne pouvait faire obstacle à la communication des informations relatives à l'environnement qui seraient contenues dans des avis du Conseil d'Etat ; que son jugement doit en conséquence être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, ni qu'il y ait lieu de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l'association France nature environnement demande soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 6 juin 2014 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Les conclusions de l'association France nature environnement tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Premier ministre, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et à l'association France nature environnement.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 383546
Date de la décision : 30/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCÈS AUX INFORMATIONS EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT - INFORMATIONS RELATIVES À L'ENVIRONNEMENT CONTENUES DANS LES AVIS DU CONSEIL D'ETAT - COMMUNICABILITÉ - SOUS RÉSERVE DU SECRET DES DÉLIBÉRATIONS DU GOUVERNEMENT - CAS DES AVIS AU VU DESQUELS LE GOUVERNEMENT ADOPTE SES TEXTES - INFORMATIONS COUVERTES PAR LE SECRET.

26-06-04 Il résulte des dispositions combinées des articles L. 124-1 et L. 124-4 du code de l'environnement, ainsi que des dispositions de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 aujourd'hui codifiées, en premier lieu, que si les avis du Conseil d'Etat ne sont pas communicables, les informations relatives à l'environnement qu'ils pourraient le cas échéant contenir sont quant à elles communicables et, en second lieu, qu'il appartient au Premier ministre d'apprécier au cas par cas si la préservation du secret des délibérations du Gouvernement est de nature à faire obstacle à leur communication. Les avis du Conseil d'Etat au vu desquels le Gouvernement adopte ses textes sont couverts par le secret de ses délibérations.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - ACCÈS AUX INFORMATIONS EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT - INFORMATIONS RELATIVES À L'ENVIRONNEMENT CONTENUES DANS LES AVIS DU CONSEIL D'ETAT - COMMUNICABILITÉ - SOUS RÉSERVE DU SECRET DES DÉLIBÉRATIONS DU GOUVERNEMENT - CAS DES AVIS AU VU DESQUELS LE GOUVERNEMENT ADOPTE SES TEXTES - INFORMATIONS COUVERTES PAR LE SECRET.

44-006 Il résulte des dispositions combinées des articles L. 124-1 et L. 124-4 du code de l'environnement, ainsi que des dispositions de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 aujourd'hui codifiées, en premier lieu, que si les avis du Conseil d'Etat ne sont pas communicables, les informations relatives à l'environnement qu'ils pourraient le cas échéant contenir sont quant à elles communicables et, en second lieu, qu'il appartient au Premier ministre d'apprécier au cas par cas si la préservation du secret des délibérations du Gouvernement est de nature à faire obstacle à leur communication. Les avis du Conseil d'Etat au vu desquels le Gouvernement adopte ses textes sont couverts par le secret de ses délibérations.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2016, n° 383546
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:383546.20160330
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