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30/03/2016 | FRANCE | N°382995

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 30 mars 2016, 382995


Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête sommaire, une requête sommaire rectificative et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet, 24 juillet et 24 octobre 2014 sous le n° 382995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, la Fédération de la protection sociale, du travail et de l'emploi CFDT, la Fédération nationale des cadres des caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales et des organismes assimilés CFE-CGC, la Fédération de la protection sociale et de l'emploi CFTC, la Féd

ération nationale CGT des personnels des organismes sociaux et le Syndicat n...

Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête sommaire, une requête sommaire rectificative et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet, 24 juillet et 24 octobre 2014 sous le n° 382995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, la Fédération de la protection sociale, du travail et de l'emploi CFDT, la Fédération nationale des cadres des caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales et des organismes assimilés CFE-CGC, la Fédération de la protection sociale et de l'emploi CFTC, la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux et le Syndicat national Force Ouvrière des cadres des organismes sociaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 5 mai 2014 fixant les conditions d'agrément des agents chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête sommaire, une requête sommaire rectificative et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet, 24 juillet et 24 octobre 2014 sous le n° 383001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, la Fédération de la protection sociale, du travail et de l'emploi CFDT, la Fédération nationale des cadres des caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales et des organismes assimilés CFE-CGC, la Fédération de la protection sociale et de l'emploi CFTC, la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux et le Syndicat national Force Ouvrière des cadres des organismes sociaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 5 mai 2014 fixant les conditions d'agrément des agents et des praticiens-conseils chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 ;

- le décret n° 2014-965 du 22 août 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière et autres ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité de l'arrêté du 5 mai 2014 du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social :

2. Considérant que les syndicats requérants demandent l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2014 par lequel les ministres chargés de la sécurité sociale et du travail ont fixé les conditions d'agrément des agents chargés des missions de contrôle prévues par l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et, dans la limite de leurs compétences, par l'article L. 8271-1 du code du travail ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale dispose que : " Le conseil ou les conseils d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et la commission prévue à l'article L. 221-4 sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 243-7 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le contrôle de l'application des dispositions du présent code par les employeurs (...) ainsi que par toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général est confié à ces organismes. Les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale (...) " ; que l'arrêté attaqué ne concerne que les conditions d'agrément des agents des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général et n'entre ainsi pas dans le domaine de compétence de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, de la Caisse nationale des allocations familiales ni de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles ; qu'il n'a pas d'incidence directe sur l'équilibre financier de ces branches ; que le moyen tiré du défaut de consultation des organes de ces caisses et de cette commission doit donc être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a créé le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, les dispositions des articles L. 2 et L. 6123-1 du code du travail prévoyant sa consultation n'ont pu entrer en vigueur avant l'intervention du décret du 22 août 2014 relatif aux missions, à la composition et au fonctionnement du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles ; qu'à la date de signature de l'arrêté attaqué, le 5 mai 2014, ces dispositions n'étaient donc pas entrées en vigueur ; que, par suite, les syndicats requérants ne peuvent, en tout état de cause, se prévaloir utilement de leur méconnaissance ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'article 5 de l'arrêté attaqué dispose que : " L'agrément est automatiquement suspendu dans les cas suivants : / - suspension du contrat de travail de l'agent de contrôle ; / - affectation sur un nouvel emploi sans fonction de contrôle. / L'agrément peut en outre être suspendu, par décision motivée de l'autorité qui l'a délivré, lorsque les garanties d'intégrité ou les aptitudes professionnelles ne sont plus avérées (...) / Lorsque la durée de la suspension excède deux années, l'employeur de l'agent amené à exercer à nouveau des fonctions de contrôle a l'obligation de vérifier ses aptitudes professionnelles et de lui proposer un accompagnement dans ce cadre aux fins d'un nouvel agrément " ; qu'aux termes de l'article 6 du même arrêté : " L'agrément est automatiquement retiré dans les cas suivants : / - rupture du contrat de travail de l'agent, à l'exception des cas où cette rupture est occasionnée par une mobilité au sein du réseau des organismes de la même branche ; / - communication de fausses informations ou de faux documents à l'appui de la demande d'agrément. / L'agrément peut en outre être retiré, par décision motivée de l'autorité qui l'a délivré, lorsque les garanties d'intégrité ou les aptitudes professionnelles ne sont plus avérées (...) " ;

6. Considérant que les pouvoirs de suspension et de retrait d'un agrément reconnus par l'arrêté attaqué au directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ont pour objet d'assurer le bon déroulement des opérations de contrôle, en garantissant la compétence et l'intégrité des agents investis, à cet effet, de prérogatives de puissance publique, ainsi que de tirer les conséquences de la modification de la situation des agents qui ont cessé d'exercer des fonctions de contrôle du fait de la suspension de leur agrément ; qu'ainsi et quand bien même une décision de suspension ou de retrait peut être liée au comportement de l'agent voire à une faute qu'il aurait commise, l'exercice de ces pouvoirs, sauf à être détourné de leur objet, n'a pas de finalité répressive ; que les syndicats requérants ne peuvent donc utilement se prévaloir, pour contester la légalité des articles 5 et 6 de l'arrêté attaqué, du principe de légalité des délits et des peines ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité du droit ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que si ces dispositions ne prévoient pas de procédure contradictoire préalable, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exclure l'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, désormais codifié à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui, s'agissant notamment des mesures de police, garantit à la personne intéressée d'être mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ; qu'elles ne sauraient davantage faire obstacle au respect du principe général des droits de la défense qui impose, en outre, à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations lorsqu'elle prend une décision en considération de sa personne ; que le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit donc être écarté ;

9. Considérant, enfin, que si la suspension, à la différence du retrait, n'a qu'un effet provisoire, il était loisible au pouvoir réglementaire de prévoir que l'agrément de l'agent qui a été suspendu plus de deux ans doit être renouvelé, afin de s'assurer que celui-ci a conservé les compétences professionnelles propres à lui permettre d'exercer les prérogatives de puissance publique dont il est doté ; que l'agent doit se voir proposer par son employeur un accompagnement à cette fin ; qu'une telle exigence, qui est sans incidence sur les droits nés du contrat de travail de l'intéressé, notamment sur ses droits à réintégration, et qui est proportionnée à l'objectif légitime poursuivi, n'est pas entachée d'erreur de droit et ne peut notamment pas être regardée comme de nature à constituer une discrimination à raison de l'état de santé ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2014 du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social ;

Sur la légalité de l'arrêté du 5 mai 2014 du ministre des affaires sociales et de la santé :

11. Considérant que les syndicats requérants demandent l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2014 par lequel le ministre chargé de la sécurité sociale a fixé les conditions d'agrément des agents chargés des missions de contrôle prévues par l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale ;

12. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, dispose que : " Les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. (...) Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux agents mentionnés à l'article L. 243-7 " ; que les agents des organismes chargés du recouvrement des cotisations n'étant ainsi pas concernés par ses dispositions, l'arrêté contesté n'entrait pas dans le domaine de compétence de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ; que le moyen tiré de ce que son conseil d'administration n'aurait pas été consulté en méconnaissance de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale cité au point 3 doit donc être écarté ;

13. Considérant, en second lieu, que l'arrêté attaqué prévoit les mêmes hypothèses et conditions de suspension et de retrait de l'agrément que l'arrêté du même jour pris par les ministres chargés de la sécurité sociale et du travail pour fixer les conditions d'agrément des agents chargés des missions de contrôle prévues par l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ; que les autres moyens de la requête, tirés du défaut de consultation du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, de la méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines, d'intelligibilité du droit et des droits de la défense, ainsi que de l'erreur de droit dont serait entachée l'exigence d'un nouvel agrément à l'issue d'une période de suspension de deux ans, doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 4 à 9 de la présente décision ; que, par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, les sommes demandées à ce titre par les syndicats requérants ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière et autres sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, premier requérant dénommé, à la ministre des affaires sociales et de la santé et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Les autres requérants seront informés de la présente décision par Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 382995
Date de la décision : 30/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE NATURE DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - DISTINCTION SANCTION ADMINISTRATIVE ET MESURE DE POLICE - SUSPENSION OU RETRAIT DE L'AGRÉMENT DES AGENTS DE CONTRÔLE DES ORGANISMES CHARGÉS DU RECOUVREMENT DES COTISATIONS DU RÉGIME GÉNÉRAL - CARACTÈRE DE SANCTION - ABSENCE.

59-02-01-02 Les pouvoirs de suspension et de retrait d'un agrément reconnus au directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ont pour objet d'assurer le bon déroulement des opérations de contrôle, en garantissant la compétence et l'intégrité des agents investis, à cet effet, de prérogatives de puissance publique, ainsi que de tirer les conséquences de la modification de la situation des agents qui ont cessé d'exercer des fonctions de contrôle du fait de la suspension de leur agrément. Ainsi et quand bien même une décision de suspension ou de retrait peut être liée au comportement de l'agent voire à une faute qu'il aurait commise, l'exercice de ces pouvoirs, sauf à être détourné de leur objet, n'a pas de finalité répressive.

SÉCURITÉ SOCIALE - ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE - PERSONNEL DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE - AGENTS DE CONTRÔLE DES ORGANISMES CHARGÉS DU RECOUVREMENT DES COTISATIONS DU RÉGIME GÉNÉRAL - AGRÉMENT - POUVOIRS DE SUSPENSION ET DE RETRAIT DE L'AGRÉMENT RECONNUS AU DIRECTEUR DE L'ACOSS - POUVOIRS DE SANCTION - ABSENCE.

62-01-04 Les pouvoirs de suspension et de retrait d'un agrément reconnus au directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ont pour objet d'assurer le bon déroulement des opérations de contrôle, en garantissant la compétence et l'intégrité des agents investis, à cet effet, de prérogatives de puissance publique, ainsi que de tirer les conséquences de la modification de la situation des agents qui ont cessé d'exercer des fonctions de contrôle du fait de la suspension de leur agrément. Ainsi et quand bien même une décision de suspension ou de retrait peut être liée au comportement de l'agent voire à une faute qu'il aurait commise, l'exercice de ces pouvoirs, sauf à être détourné de leur objet, n'a pas de finalité répressive.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2016, n° 382995
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:382995.20160330
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