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16/03/2016 | FRANCE | N°372768

France | France, Conseil d'État, 9ème ssjs, 16 mars 2016, 372768


Vu la procédure suivante :

La société HSBC France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles la société Crédit commercial de France a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000, à raison de la réintégration dans ses résultats imposables des bénéfices réalisés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0502585 du 19 mai 2

009, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arr...

Vu la procédure suivante :

La société HSBC France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles la société Crédit commercial de France a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000, à raison de la réintégration dans ses résultats imposables des bénéfices réalisés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0502585 du 19 mai 2009, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 09VE02296 du 12 mai 2011, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de la société HSBC France, annulé ce jugement et prononcé la décharge sollicitée.

Par une décision n° 350366 du 26 décembre 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles.

Par un arrêt n° 13VE00291 du 18 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et prononcé la décharge sollicitée.

Par un pourvoi, enregistré le 11 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de la société HSBC France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Crédit commercial de France a été assujettie, au titre des exercices clos en 1999 et 2000, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt ainsi qu'aux pénalités correspondantes, à raison de l'inclusion dans son résultat imposable, en application de l'article 209 B du code général des impôts, d'une fraction des bénéfices de la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd, sa sous-filiale établie à Nassau (Bahamas). Après avoir vainement réclamé auprès de l'administration contre les impositions supplémentaires ainsi mises à sa charge, la société HSBC France, venant aux droits de la société Crédit commercial de France, a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par un jugement du 19 mai 2009, a rejeté sa demande. Le ministre délégué, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et prononcé la décharge sollicitée.

2. Aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. / Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. (...) / II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local ". Aux termes de l'article 238 A du même code alors applicable : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France ".

3. Afin de dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales créées par elles ou par une de leurs filiales, dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code, le premier alinéa du I de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable aux exercices en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 25 % des actions ou parts d'une société implantée dans un tel Etat ou territoire, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient. Il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français.

4. En premier lieu, pour juger que la société HSBC France apportait la preuve que les opérations de la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd, établie à Nassau (Bahamas) et détenue indirectement par la société Crédit commercial de France, n'avaient pas principalement pour objet d'échapper à l'impôt français, la cour s'est fondée sur ce qu'elle justifiait par les pièces produites de l'effectivité de l'activité en cause, ce qui n'est pas argué de dénaturation, et qu'elle faisait valoir que l'acquisition de cette société avait pour finalité le développement de l'activité de banque privée auprès d'une clientèle internationale attirée par la règlementation bancaire et fiscale et le système juridique des Bahamas. Eu égard, d'une part, à l'activité en cause et, d'autre part, aux particularités du territoire d'implantation, dont la règlementation bancaire et fiscale ainsi que le système juridique étaient en effet susceptibles d'attirer les clients de la banque, la cour n'a pas inversé la charge de la preuve en se fondant sur ces éléments.

5. En second lieu, les dispositions précitées de l'article 209 B du code général des impôts ont pour finalité la lutte contre l'évasion fiscale de sociétés françaises désirant minorer leurs bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés en France et non contre celle des particuliers qui placent une partie de leur épargne dans un établissement de crédit établi dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la présence de résidents fiscaux français dans la clientèle de la société établie aux Bahamas ainsi que la circonstance que des fonds aient été collectés en France ne faisaient pas obstacle à ce que la société requérante bénéficiât des dispositions du II de l'article 209 B du code général des impôts.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, doit être rejeté. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société HSBC France d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société HSBC France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société HSBC France.


Synthèse
Formation : 9ème ssjs
Numéro d'arrêt : 372768
Date de la décision : 16/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2016, n° 372768
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:372768.20160316
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