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10/03/2016 | FRANCE | N°392421

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 10 mars 2016, 392421


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 3 avril 2012 ayant prononcé son maintien au répertoire des détenus particulièrement signalés et la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1302373 du 16 octobre 2014, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14MA04852 du 5 juin 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice contre ce jugement. <

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Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 3 avril 2012 ayant prononcé son maintien au répertoire des détenus particulièrement signalés et la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1302373 du 16 octobre 2014, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14MA04852 du 5 juin 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 6 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire visée ci-dessus : " Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales. Il contribue à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines des personnes condamnées " ; qu'aux termes de l'article 22 de la même loi : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue " ; qu'enfin, l'article D. 276-1 du code de procédure pénale prévoit qu' " en vue de la mise en oeuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction ministérielle du 15 octobre 2012, prise pour la mise en oeuvre de ces dispositions, que l'inscription d'un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés a pour seul effet d'appeler l'attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge sur ce détenu, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l'ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que, dans ce cadre, seules peuvent être apportées aux droits des détenus les restrictions résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes, dans les conditions rappelées par les articles 22 et suivants de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ;

3. Considérant que le pouvoir réglementaire est compétent pour édicter le régime applicable aux détenus particulièrement signalés, qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, a pour seul effet de prescrire aux personnels et autorités pénitentiaires de faire preuve d'une vigilance particulière s'agissant de certains individus ; que les limites éventuellement portées aux droits des détenus par le régime ainsi défini ne peuvent cependant légalement intervenir que dans le respect des conditions définies par le législateur ;

4. Considérant que, pour confirmer l'annulation de la décision du 3 avril 2012 du garde des sceaux, ministre de la justice, prononçant le maintien de M. B...au répertoire des détenus particulièrement signalés, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que les dispositions de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale, sur le fondement desquelles a été prise la décision du 3 avril 2012 par laquelle le garde des sceaux a maintenu l'inscription de l'intéressé au répertoire des détenus particulièrement signalées, étaient dépourvues de base légale, du fait de la décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 du Conseil constitutionnel par laquelle ce dernier a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 728 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, aux termes desquelles " Un décret détermine l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires. " ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 2 que le pouvoir réglementaire était compétent pour édicter les dispositions de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale ; que, par suite, c'est au prix d'une erreur de droit que la cour a jugé que l'abrogation de l'article 728 du code de procédure pénale avait eu pour effet de priver de base légale l'article D. 276-1 du code de procédure pénale ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 5 juin 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 392421
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2016, n° 392421
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mireille Le Corre
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392421.20160310
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