Vu la procédure suivante :
La société Carrières et Travaux de Navarre a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation des arrêtés des 18 août et 5 octobre 1981 du préfet des Pyrénées-Atlantiques autorisant la SCI de l'Arradoy, dans les conditions qu'ils fixent, à disposer de l'énergie de la rivière Laurhibar en vue d'alimenter une micro-centrale hydroélectrique. Par un jugement n° 1002290 du 6 mars 2012, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12BX01175 du 26 juin 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société Carrières et Travaux de Navarre par laquelle elle demandait à la cour d'annuler le jugement du 6 mars 2012 du tribunal administratif de Pau, de reconnaître comme fondé en titre le moulin d'Erromatéguy et d'annuler les arrêtés contestés, ainsi que l'arrêté du 7 mars 1914 du préfet des Basses-Pyrénées portant règlement d'eau du moulin d'Erromatéguy.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 août et 25 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Carrières et Travaux de Navarre demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Decubber, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bénabent, Jehannin, avocat de la société Carrières et Travaux de Navarre ;
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que par acte notarié du 29 décembre 2011, la SCI de l'Arradoy a cédé à la société Carrières et travaux de Navarre un bâtiment à usage d'usine électrique et un bâtiment à usage de moulin, dit moulin d'Erromatéguy, situés sur le territoire de la commune d'Ahaxe-Alciette-Bascassan (Pyrénées-Atlantiques), avec le droit d'usage de l'eau attaché à ces bâtiments ; que la société Carrières et Travaux de Navarre a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation des arrêtés des 18 août et 5 octobre 1981 par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé, sous certaines conditions, notamment de débit réservé, l'exploitant à disposer de l'énergie de la rivière Laurhibar en vue d'alimenter sa microcentrale hydroélectrique ; que, par un jugement du 6 mars 2012, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que par un arrêt du 26 juin 2014, contre lequel la société Carrières et travaux de Navarre se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du tribunal administratif et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 1914 du préfet des Basses-Pyrénées portant règlement d'eau du moulin d'Erromatéguy ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel, et notamment de l'ensemble des mémoires produits par la société Carrières et Travaux de Navarre devant elle, que si la société a présenté des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 1914 du préfet des Basses-Pyrénées, elle n'a pas soulevé d'exception d'illégalité de cet arrêté au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 18 août et 5 octobre 1981 ; que la cour a, par plusieurs motifs, écarté les moyens dirigés contre les arrêtés de 1981 ; que, par suite, le motif tiré de ce " qu'à supposer que la société Carrières et travaux de Navarre ait entendu invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de ce règlement d'eau du 7 mars 1914, un tel moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que cette décision à caractère individuel est devenue définitive " présentait dans l'arrêt de la cour un caractère surabondant ; que dès lors, les moyens tirés de ce que la cour aurait méconnu le principe du contradictoire en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'arrêté du 7 mars 1914 est une décision individuelle devenue définitive, et de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt sur ce point, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants ;
3. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à l'argumentation de la société Carrières et Travaux de Navarre développée devant la cour, celle-ci a suffisamment motivé son arrêt en estimant que, si la société faisait valoir que le débit réservé, en tant qu'il doit être au moins équivalent à 1300 litres par seconde ou au débit naturel du cours d'eau en amont de la prise si le débit est inférieur à ce chiffre, est excessif, elle n'apportait aucun élément de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur les intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique : " Nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État " ; qu'en application de son article 2, sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance excède 4 500 kilowatts et sous le régime de l'autorisation les autres entreprises ; que l'article 29 de la loi exempte les usines ayant une existence légale de la soumission à ces régimes ;
5. Considérant qu'un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l'origine ; que dans le cas où des modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du débit du cours d'eau ou du canal d'amenée, ces transformations n'ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre ;
6. Considérant qu'après avoir relevé qu'à la suite de sa surélévation intervenue à la fin du XIXème siècle, et ayant eu pour effet d'augmenter sa force motrice, le moulin d'Erromatéguy était soumis au droit commun de l'autorisation pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre et que l'autorisation résultant de l'arrêté du 7 mars 1914 demeurait valable, après la promulgation de la loi du 16 octobre 1919, pendant soixante-quinze ans, la cour a pu juger, sans erreur de droit, que les arrêtés des 18 août et 5 octobre 1981 portant la puissance maximale brute de l'installation de 407 à 446 kilowatts ont été édictés dans le cadre du régime d'autorisation auquel le moulin d'Erromatéguy était légalement soumis jusqu'au 18 octobre 1994 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il appartient au juge de plein contentieux des installations soumises à la législation sur l'eau de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants d'installations hydro-électriques par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue ; que, par suite, en se prononçant, pour apprécier la légalité du débit réservé prévu par l'article 3 de l'arrêté du 18 août 1981, sur le fondement des dispositions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement, applicable à la date de sa décision, et non sur celui de l'article 103 du code rural, en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Carrières et Travaux n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Carrières et travaux de Navarre est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Carrières et travaux de Navarre et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de mer, chargée des relations internationales sur le climat.