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09/03/2016 | FRANCE | N°380814

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère ssr, 09 mars 2016, 380814


Vu la procédure suivante :

La société Sotraval-SPL a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 608 558 euros en réparation du préjudice résultant de la décision du 15 septembre 2006 par laquelle le préfet du Finistère avait soulevé une objection au transfert de cendres résiduelles et de résidus d'épuration des fumées d'incinération d'ordures ménagères produits par l'usine d'incinération du Spernot à Brest vers les installations de remblaiement des cavités de mines de sels exploitées par la société GSES GmbH à Sonde

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Vu la procédure suivante :

La société Sotraval-SPL a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 608 558 euros en réparation du préjudice résultant de la décision du 15 septembre 2006 par laquelle le préfet du Finistère avait soulevé une objection au transfert de cendres résiduelles et de résidus d'épuration des fumées d'incinération d'ordures ménagères produits par l'usine d'incinération du Spernot à Brest vers les installations de remblaiement des cavités de mines de sels exploitées par la société GSES GmbH à Sondershausen dans le land de Thuringe en Allemagne. Par un jugement n° 0904914 du 15 juin 2012, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12NT02122 du 28 mars 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Sotraval-SPL contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et le 1er septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sotraval SPL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement n° 259/93 du Conseil du 1er février 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Sotraval-SPL ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté urbaine Brest Métropole Océane est propriétaire d'une usine d'incinération de déchets situé au Spernot, à Brest ; qu'au mois d'août 2006, la société Mindest S.A., agissant au nom et pour le compte de cette communauté urbaine, a notifié au préfet du Finistère l'intention de transférer en République fédérale d'Allemagne des cendres et des résidus d'épuration des fumées d'incinération d'ordures ménagères (REFIOM) produits par cette usine et destinés à être valorisés ; que le préfet s'est opposé au transfert envisagé au motif qu'il devait être regardé comme ayant pour objet une opération d'élimination, et non de valorisation, de ces déchets ; que, par un jugement devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision, au motif que le préfet avait à tort qualifié ce transfert d'opération d'élimination de déchets ; que la société Sotraval-SPL a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice résultant de la décision illégale, en raison de laquelle elle s'est trouvée dans l'impossibilité, entre le 2 octobre 2006 et le 10 décembre 2008, de transférer ces cendres et résidus en Allemagne et, par suite, dans l'obligation d'en faire assurer l'élimination en France à un coût plus élevé ; que, par un arrêt du 28 mars 2014, contre lequel la société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes du g) de l'article 2 du règlement du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne en vigueur à la date de la décision du 15 septembre 2006, est définie comme notifiant " toute personne physique ou morale à qui incombe l'obligation de notifier, c'est-à-dire la personne visée ci-après qui se propose de transférer ou de faire transférer des déchets : / i) La personne dont l'activité a produit ces déchets (producteur initial) / ou / ii) si cela n'est pas possible, un collecteur agréé à cet effet par un Etat membre ou un négociant ou courtier enregistré ou agréé faisant le nécessaire pour l'élimination ou la valorisation des déchets / ou / iii) si ces personnes ne sont pas connues ou agréées, la personne en possession de ces déchets ou les contrôlant légalement (détenteur) (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce règlement : " 1. Lorsque le notifiant a l'intention de transférer d'un État membre dans un autre (...) des déchets destinés à être valorisés, (...) il en informe l'autorité compétente de destination et adresse copie de la notification aux autorités compétentes d'expédition et de transit ainsi qu'au destinataire. (...) / 4. Dans le cadre de cette notification, le notifiant remplit le document de suivi et joint, sur demande des autorités compétentes, des informations et des documents complémentaires. (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du même règlement : " (...) 2. Les autorités compétentes de destination, d'expédition et de transit disposent d'un délai de trente jours à compter de l'expédition de l'accusé de réception pour soulever des objections contre le transfert. Ces objections sont fondées sur le paragraphe 4. Elles sont communiquées par écrit au notifiant et aux autres autorités compétentes concernées au cours du délai précité. (...) / 4. Les autorités compétentes de destination et d'expédition peuvent soulever des objections motivées contre le transfert envisagé : conformément à la directive 75/442/CEE, et notamment à son article 7 / ou / s'il n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires nationales en matière de protection de l'environnement, d'ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé / ou / si le notifiant ou le destinataire s'est, dans le passé, rendu coupable de transferts illicites (...) / 5. Si, dans le délai prévu au paragraphe 2, les autorités compétentes estiment que les problèmes motivant leurs objections ont été résolus et que les conditions en matière de transport seront respectées, elles le font immédiatement savoir par écrit au notifiant avec copie au destinataire et aux autres autorités compétentes concernées. / Si une modification essentielle des modalités du transfert intervient par la suite, une nouvelle notification doit être faite. " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) " ; que le juge administratif, saisi de conclusions mettant en jeu la responsabilité de la puissance publique, n'est pas tenu de procéder à la communication ainsi prescrite lorsqu'il constate, au vu des pièces du dossier qui lui est soumis, qu'une des conditions d'engagement de la responsabilité publique n'est pas remplie, alors même qu'il fonde ce constat sur des dispositions législatives ou réglementaires non invoquées en défense ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu ces dispositions en jugeant, sans en avertir les parties, que le préjudice invoqué n'avait pas de lien direct et certain avec l'illégalité fautive, dès lors que le défaut d'une notification du transfert de déchets par le producteur initial des déchets faisait obstacle à un tel transfert, ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du point g) de l'article 2 du règlement du 1er février 1993 citées ci-dessus que la personne à qui incombe l'obligation de notifier est, en priorité, le producteur initial des déchets ; qu'ainsi, en jugeant que le producteur initial des cendres et REFIOM issus du fonctionnement de l'usine d'incinération du Spernot était la société SOTRAVAL ou la société GEVAL, chargées de l'exploitation de cette usine, et non la communauté urbaine de Brest, en sa qualité de propriétaire des équipements, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'application de l'article 7, paragraphe 4, de ce règlement, qui définit les cas dans lesquels les autorités compétentes d'expédition, de transit ou de destination peuvent soulever des objections aux transferts de déchets destinés à être valorisés, suppose que l'autorité compétente dispose des informations nécessaires pour vérifier si un transfert correspond ou non à un de ces cas ; qu'à cet effet, l'article 6, paragraphe 5, du règlement prévoit que le notifiant doit fournir certaines informations ; qu'il résulte du paragraphe 4 du même article 6 que les autorités compétentes peuvent demander des informations et des documents complémentaires au notifiant ; que, dès lors que ce règlement ne prévoit pas de procédure spécifique en cas de non-respect d'une telle demande d'informations ou de documents complémentaires, l'autorité compétente peut formuler une " objection ", prévue à l'article 7, paragraphe 2, de ce règlement, si elle ne dispose pas des informations nécessaires pour vérifier si un transfert soulève des problèmes à la lumière de l'article 7, paragraphe 4, du même règlement ; que l'identité du notifiant est au nombre des informations nécessaires pour effectuer ce contrôle ; qu'il suit de là que l'autorité compétente peut formuler une objection au transfert au motif que la notification n'a pas été effectuée par la personne à qui incombe cette obligation ; qu'ainsi, en jugeant que le défaut d'une telle notification par le producteur initial de ces déchets faisait obstacle à un tel transfert, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, enfin, que l'illégalité de la décision du 15 septembre 2006 du préfet du Finistère constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, pour autant qu'elle entraîne un préjudice direct et certain ; que, pour juger que l'impossibilité dans laquelle la société Sotraval s'était trouvée d'assurer le transfert de ces déchets en Allemagne entre octobre 2006 et décembre 2008, la cour a relevé que la notification de transfert avait été réalisée par la communauté urbaine de Brest, qui n'était pas le producteur initial des cendres et REFIOM issus du fonctionnement de l'usine d'incinération du Spernot, et non par la société requérante ; qu'en estimant ainsi qu'il n'existait pas de lien de causalité entre la décision du 15 septembre 2006 opposée par le préfet du Finistère à cette demande et le préjudice invoqué par cette société, elle n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Sotraval SPL n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que son pourvoi ne peut, par suite, qu'être rejeté ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Sotraval SPL est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sotraval-SPL et à la ministre de l'environnement, de l'écologie et de la mer.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 380814
Date de la décision : 09/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mar. 2016, n° 380814
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Xavier De Lesquen
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:380814.20160309
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