Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 octobre 2015 et 2 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 octobre 2014 rapportant le décret du 20 décembre 2001 qui lui avait accordé la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ; que selon l'article 59 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, applicable en vertu de l'article 62 du même décret en cas de retrait de décret de naturalisation ou de réintégration décidé en application de l'article 27-2 du code civil, lorsque le Gouvernement a l'intention de retirer un tel décret, il notifie, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de droit et de fait motivant le retrait à l'intéressé, qui dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification pour faire parvenir ses observations en défense ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...A..., ressortissante tunisienne, a déposé une demande de naturalisation le 15 mars 2001 par laquelle elle a indiqué être célibataire et s'est engagée sur l'honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale ; que le 22 juin 2001, elle a déclaré sur l'honneur qu'aucune modification n'est intervenue dans sa situation personnelle et familiale depuis la date de dépôt de sa demande ; qu'au vu de ses déclarations, elle a été naturalisée par décret du 20 décembre 2001 ; que, par bordereau reçu le 12 octobre 2012, le ministre des affaires étrangères a toutefois informé le ministre chargé des naturalisations que Mme A...avait épousé en Tunisie, le 25 août 2000, un ressortissant tunisien résidant habituellement en Tunisie, et que deux enfants étaient nés de cette union les 11 mai 2002 et 23 mai 2004 ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret du 20 décembre 2001 prononçant la naturalisation de Mme A...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressée quant à sa situation familiale ;
3. Considérant que le délai de deux ans imparti pour rapporter le décret de naturalisation de Mme A...a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressée a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce ministre en a été informé par un envoi de documents effectué par le ministre des affaires étrangères le 1er octobre 2012, qui a été reçu par le ministre chargé des naturalisations le 12 octobre 2012 ; que, le décret du 9 octobre 2014 a ainsi été pris dans le délai prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé des naturalisations a indiqué à Mme A...les motifs justifiant le retrait du décret ayant prononcé sa naturalisation par une lettre du 31 janvier 2013, reçue par l'intéressée le 18 mars 2013 ; que par un courrier reçu le 7 mai 2013, cette dernière a présenté ses observations ; que le ministre produit l'avis conforme émis sur le projet de décret par la section de l'intérieur du Conseil d'Etat le 30 septembre 2014 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ne peuvent qu'être écartés ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a déclaré sur l'honneur, dans sa demande de naturalisation faite 15 mars 2001, qu'elle était célibataire, alors qu'elle était à cette date déjà mariée avec un ressortissant tunisien résidant en Tunisie ; que si Mme A...soutient qu'elle croyait de bonne foi n'être pas tenue d'informer l'administration de ce mariage célébré en Tunisie, il ressort des pièces du dossier qu'elle maîtrise la langue française et ne pouvait se méprendre sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, non plus que sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'elle a ultérieurement signée le 22 juin 2001, confirmant ses déclarations quant à sa situation familiale ; qu'elle doit, en conséquence, être regardée comme ayant sciemment dissimulé sa situation familiale ; que, par suite, en rapportant sa naturalisation, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'intérieur, que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 9 octobre 2014 rapportant le décret du 20 décembre 2001 qui lui avait accordé la nationalité française ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.