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26/02/2016 | FRANCE | N°387428

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème ssr, 26 février 2016, 387428


Vu la procédure suivante :

La commune de Rennes-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Montpellier, le 26 mars 2012, de condamner solidairement M. A...B..., la société OTCE et la société CEGELEC Perpignan, ainsi que leurs assureurs, à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des préjudices résultant de la fermeture d'un établissement thermal municipal.

Par un jugement n° 1201721 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais d'honoraire et d'expertise pour un montant de 41 747,77 eur

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Par un arrêt n° 13MA02214 du 24 novembre 2014, la cour administrativ...

Vu la procédure suivante :

La commune de Rennes-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Montpellier, le 26 mars 2012, de condamner solidairement M. A...B..., la société OTCE et la société CEGELEC Perpignan, ainsi que leurs assureurs, à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des préjudices résultant de la fermeture d'un établissement thermal municipal.

Par un jugement n° 1201721 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais d'honoraire et d'expertise pour un montant de 41 747,77 euros.

Par un arrêt n° 13MA02214 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté au fond les conclusions dirigées contre la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la société Allianz Iart, a rejeté les conclusions dirigées contre ces deux sociétés comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, et a rejeté le surplus des conclusions d'appel de la commune.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 janvier, 24 avril et 15 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Rennes-les-Bains demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant que, par celui-ci, la cour administrative d'appel a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre M. B...et les sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan ;

2°) de mettre à la charge de M.B..., des sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan la somme totale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Rennes-les-Bains, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société OTCE, de M. B...et de la SMABTP, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société CEGELEC Perpignan et de la société Allianz Iart ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Rennes-les-Bains a décidé, en 2005, de faire réaliser des travaux de rénovation et de remise aux normes d'une partie des installations de l'établissement thermal dont elle était propriétaire, affectée à la délivrance de soins aux usagers ; qu'elle a conclu à cet effet en juin 2005 un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage avec M. A...B...et un marché de maîtrise d'oeuvre avec la société OTCE ; que, le 2 octobre 2006, elle a conclu un marché de travaux dont le lot n° 6 (plomberie, sanitaire, chauffage, ventilation, process thermal, zones balnéo et fango) a été confié à la société CEGELEC Sud Ouest ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 5 mai 2007 ; que, suite au constat de la présence de bactéries, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a ordonné la fermeture de l'établissement du 15 au 31 mai 2007 puis, de nouveau, à partir du 6 juillet 2007 ; qu'à la demande de la commune, le tribunal administratif de Montpellier a désigné le 16 novembre 2007 un expert, qui a rendu son rapport le 19 octobre 2010 ; que le 26 mars 2012, sur la base de ce rapport, la commune a demandé au tribunal, sur le fondement, d'une part, de la responsabilité décennale des constructeurs et, d'autre part, de la responsabilité contractuelle, de condamner solidairement M. B...et les sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des préjudices résultant de la perte de bénéfice induite par la fermeture des thermes de 2007 à 2008, de la perte de revenus fonciers et de la perte de la taxe de séjour ; que, par un jugement du 12 avril 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande ; que, par un arrêt du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de la commune contre ce jugement ; que celle-ci se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant que, par celui-ci, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les conclusions indemnitaires dirigées contre M. B... et les sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la responsabilité décennale des sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan :

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ;

3. Considérant que pour juger que la contamination des thermes de Rennes-les-Bains n'était pas imputable à la rénovation du système de " sanitation " réalisée par la société CEGELEC Perpignan sous la maîtrise d'oeuvre de la société OTCE, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que la prolifération des bactéries pouvait avoir été causée par leur présence dans le forage lui-même ainsi que par différents dysfonctionnements dans la zone amont de l'installation, située en dehors du périmètre des travaux ; qu'en se fondant, pour exonérer le maître d'oeuvre et le constructeur de leur responsabilité décennale, sur la seule circonstance que le dommage aurait pu trouver son origine dans d'autres causes, alors qu'une telle exonération ne pouvait procéder que du constat que la prolifération des bactéries n'était en aucune manière imputable aux travaux réalisés par les sociétés mises en cause, la cour a méconnu les principes rappelés au point 2 et, ce faisant, commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi sur ce point, que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé en tant qu'il statue sur la responsabilité décennale des sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la responsabilité contractuelle de M. B...et de la société OTCE :

5. Considérant que pour écarter la responsabilité contractuelle de M.B..., assistant au maître d'ouvrage, ainsi que celle de la société OTCE, maître d'oeuvre, au motif que les manquements qui leur étaient imputables ne pouvaient être considérés comme la cause certaine et directe des préjudices invoqués, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir relevé que la commune avait fait le choix de n'engager qu'un programme partiel de rénovation, et non, comme elle aurait dû le faire, un programme général, a déduit de cette circonstance que l'assistant au maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ne disposaient que d'éléments parcellaires pour conduire leur mission et avaient été, de ce fait, dans l'impossibilité de prévoir les travaux nécessaires à un fonctionnement correct de l'ensemble du site ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui n'était pas tenue de répondre au détail de l'argumentation de la commune, a suffisamment motivé son arrêt ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Rennes-les-Bains n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de M. B...et de la société OTCE ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge, d'une part, de la société OTCE une somme de 1 000 euros, d'autre part, de la société CEGELEC Perpignan une somme de 1 500 euros, à verser à la commune de Rennes-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a également lieu de mettre à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre de ces dispositions ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre, d'une part, par la société OTCE et la SMABTP, d'autre part, par les sociétés CEGELEC Perpignan et Allianz Iart ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 novembre 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur la responsabilité décennale des sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les sociétés OTCE et CEGELEC Perpignan verseront respectivement à la commune de Rennes-les-Bains les sommes de 1 000 et de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La commune de Rennes-les-Bains versera une somme de 1 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice d'administrative, d'une part, par la société OTCE et la SMABTP, d'autre part, par les sociétés CEGELEC Perpignan et Allianz Iart, sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Rennes-les-Bains, à M. A...B..., à la société OTCE, à la société CEGELEC Perpignan, à la SMABTP et à la société Allianz Iart.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 387428
Date de la décision : 26/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 fév. 2016, n° 387428
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP ODENT, POULET ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387428.20160226
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