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15/02/2016 | FRANCE | N°388917

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 15 février 2016, 388917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé à la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire d'annuler les décisions des 14 décembre 2012 et 31 janvier 2013 par lesquelles le président du conseil général de Saône-et-Loire a, respectivement, interrompu, à compter du 1er janvier 2013, le versement de la prestation de compensation du handicap dont il était attributaire, décidé la récupération des sommes indûment perçues à ce titre entre le 1er janvier 2011 et le 31 janvier 2012 et rejeté sa demande de remise

gracieuse de l'indu correspondant. Par une décision du 14 mai 2013, la commission...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé à la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire d'annuler les décisions des 14 décembre 2012 et 31 janvier 2013 par lesquelles le président du conseil général de Saône-et-Loire a, respectivement, interrompu, à compter du 1er janvier 2013, le versement de la prestation de compensation du handicap dont il était attributaire, décidé la récupération des sommes indûment perçues à ce titre entre le 1er janvier 2011 et le 31 janvier 2012 et rejeté sa demande de remise gracieuse de l'indu correspondant. Par une décision du 14 mai 2013, la commission départementale a rejeté sa demande.

Par une décision n° 130471 du 12 décembre 2014, la Commission centrale d'aide sociale, à la demande de M.A..., a, d'une part, annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale ainsi que, en tant qu'elle statuait sur une demande de remise gracieuse, la décision du président du conseil général de Saône-et-Loire du 31 janvier 2013 et, d'autre part, accordé à M. A...une modération de 90 % du montant de la répétition de l'indu prononcé à son encontre.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi et un mémoire, enregistrés les 23 mars et 15 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de Saône-et-Loire demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 12 décembre 2014 en ce qu'elle modère l'indu de M. A...de 90 %.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte du I de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles que les personnes handicapées remplissant certaines conditions ont " droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces " et que, lorsque le bénéficiaire de ce droit " dispose d'un droit ouvert de même nature au titre d'un régime de sécurité sociale, les sommes versées à ce titre viennent en déduction du montant de la prestation de compensation dans des conditions fixées par décret " ; que l'article R. 245-40 du même code précise que, " pour fixer les montants attribués au titre des divers éléments de cette prestation, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées déduit les sommes versées correspondant à un droit de même nature ouvert au titre d'un régime de sécurité sociale " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 31 janvier 2013, le président du conseil général de Saône-et-Loire a prononcé une répétition d'indu des sommes versées à M.A..., entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2012, au titre de la prestation de compensation du handicap pour un montant estimé par la suite à 10 783,35 euros ; que cette décision se fonde sur le motif tiré de ce que le montant de la majoration pour tierce personne dont bénéficiait M. A...depuis le 1er avril 2010, et dont il n'avait pas informé le président du conseil général, aurait dû venir, en application de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, en déduction du montant de la prestation de compensation du handicap dû à l'intéressé et conduire, en raison de son montant supérieur, à en interrompre le versement ;

3. Considérant qu'il appartient au juge de l'aide sociale, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non seulement d'apprécier la légalité de la décision ordonnant la récupération d'un indu mais de se prononcer lui-même sur la décision rejetant explicitement ou implicitement la demande du bénéficiaire de la prestation tendant à la remise ou à la modération, à titre gracieux, de la somme ainsi mise à sa charge, en recherchant si, au regard de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie à la date de sa propre décision, la situation de précarité de l'intéressé et sa bonne foi justifient une telle mesure ;

4. Considérant qu'il ressort de la décision attaquée de la Commission centrale d'aide sociale que celle-ci, après avoir constaté que la légalité de la décision de répétition de l'indu n'était pas contestée, a interprété la demande de M. A...comme tendant à une remise gracieuse du montant mis à sa charge puis a estimé que la situation de précarité et la bonne foi de l'intéressé justifiaient de prononcer une modération de 90 % du montant de cet indu ;

5. Considérant que, pour apprécier la situation de précarité de M.A..., la Commission centrale d'aide sociale a pris en compte le fait qu'il était tenu au remboursement d'un prêt ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission a expressément écarté l'argumentation soulevée par le département, tirée de ce que ce prêt, dès lors qu'il était sans rapport avec l'objet de la prestation de compensation du handicap versée à l'intéressé, ne devait pas être pris en compte pour apprécier la situation financière de celui-ci ; qu'en prenant en considération, pour porter cette appréciation, les charges découlant de ce prêt contracté en vue de réaliser des travaux d'isolation thermique dans la résidence principale des épouxA..., la commission n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique des faits, ni de dénaturation ; que la circonstance que ce prêt aurait été contracté avant l'admission de M. A...au bénéfice de la prestation de compensation du handicap était sans incidence sur la nécessité de sa prise en compte dès lors que ni son existence, ni son montant à la date à laquelle la commission a statué n'étaient contestés ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article D. 245-50 du même code : " L'allocataire de la prestation de compensation informe la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et le président du conseil général de toute modification de sa situation de nature à affecter ses droits " ; que, si ces dispositions font obligation à tout bénéficiaire de la prestation de compensation de porter à la connaissance tant de la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) que du président du conseil général les sommes perçues au titre de la majoration pour tierce personne, la Commission centrale d'aide sociale ne les a nullement méconnues en jugeant, pour les besoins de la seule appréciation de la bonne foi de M. A... en vue de décider d'une remise gracieuse de sa dette, que, compte tenu de la relative complexité des textes applicables, l'intéressé avait pu croire qu'il appartenait à la CDAPH d'informer elle-même le président du conseil général de l'évolution de sa situation financière ;

7. Considérant, enfin, qu'il appartient aux juridictions de l'aide sociale, ainsi qu'il a été dit, de se prononcer sur la décision rejetant explicitement ou implicitement une demande tendant à la remise ou à la modération, à titre gracieux, d'une somme exigée au titre du reversement d'un indu en recherchant si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie à la date de leur décision, la situation de précarité de l'intéressé et sa bonne foi justifient une telle mesure ; que l'octroi d'une remise gracieuse n'est nullement subordonné à l'existence d'une faute de l'administration ; que la commission n'a par suite pas commis d'erreur de droit en accordant une telle remise en l'absence de toute faute du département ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de Saône-et-Loire n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 24 mai 2013 ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du département de Saône-et-Loire est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de Saône-et-Loire et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 388917
Date de la décision : 15/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2016, n° 388917
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388917.20160215
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