La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2016 | FRANCE | N°387977

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème ssr, 15 février 2016, 387977


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 16 février 2012 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse. Par un jugement n° 1200710 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14BX01104 du 16 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. A...tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges, en deuxièm

e lieu, à l'annulation de la décision du préfet du 16 février 2012, enfin, à...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 16 février 2012 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse. Par un jugement n° 1200710 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14BX01104 du 16 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. A...tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges, en deuxième lieu, à l'annulation de la décision du préfet du 16 février 2012, enfin, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, d'admettre son épouse au bénéfice du regroupement familial dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un pourvoi, enregistré le 16 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, son avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par une décision du 16 février 2012, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté la demande de M.A..., de nationalité algérienne, tendant au bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, avec laquelle il s'est marié en Algérie le 6 février 2011 ;

2. Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...) " ;

3. Considérant que les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien ne sauraient être interprétées comme permettant d'opposer une condition de ressources à un demandeur titulaire de l'allocation aux adultes handicapés définie par l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ; que l'autorité compétente ne saurait, pour rejeter une demande de regroupement familial présentée par un ressortissant algérien qui, du fait de son handicap, est titulaire de cette allocation, se fonder sur l'insuffisance de ses ressources, sans introduire, dans l'appréciation de son droit à une vie privée et familiale normale, une discrimination à raison de son handicap prohibée par les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet avait pu légalement retenir un tel motif ; que le requérant est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème ssr
Numéro d'arrêt : 387977
Date de la décision : 15/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DISCRIMINATION À RAISON DU HANDICAP - EXISTENCE - REFUS DE REGROUPEMENT FAMILIAL FONDÉ SUR UNE CONDITION DE RESSOURCES OPPOSÉ À UN DEMANDEUR TITULAIRE DE L'AAH.

26-055-01-14 L'autorité compétente ne saurait, pour rejeter une demande de regroupement familial présentée par un ressortissant algérien qui, du fait de son handicap, est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) définie par l'article L 821-1 du code de la sécurité sociale (CSS), se fonder sur l'insuffisance de ses ressources, sans introduire, dans l'appréciation de son droit à une vie privée et familiale normale, une discrimination à raison de son handicap prohibée par les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH).

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - TEXTES APPLICABLES - CONVENTIONS INTERNATIONALES - ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968 - REGROUPEMENT FAMILIAL (ART - 4) - REFUS FONDÉ SUR UNE CONDITION DE RESSOURCES OPPOSÉ À UN DEMANDEUR TITULAIRE DE L'AAH - DISCRIMINATION PROHIBÉE PAR LES ART - 8 ET 14 DE LA CONVENTION EDH [RJ1].

335-01-01-02 L'article 4 de l'accord franco-algérien ne saurait être interprété comme permettant d'opposer une condition de ressources à un demandeur titulaire de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) définie par l'article L 821-1 du code de la sécurité sociale (CSS). L'autorité compétente ne saurait, pour rejeter une demande de regroupement familial présentée par un ressortissant algérien qui, du fait de son handicap, est titulaire de cette allocation, se fonder sur l'insuffisance de ses ressources, sans introduire, dans l'appréciation de son droit à une vie privée et familiale normale, une discrimination à raison de son handicap prohibée par les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH).


Références :

[RJ1]

Cf., sur l'applicabilité de la convention EDH aux demandes relevant de l'accord franco-algérien, CE, 22 mai 1992, Mme,, n° 99475, p. 203.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2016, n° 387977
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387977.20160215
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award