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03/02/2016 | FRANCE | N°387323

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème ssr, 03 février 2016, 387323


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés les 22 janvier et 14 septembre 2015 et le 11 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat l'annulation de la décision du 4 septembre 2014 par laquelle l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant trois ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives françaises et a demandé à la féd

ération française de triathlon d'annuler ses résultats individuels obten...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés les 22 janvier et 14 septembre 2015 et le 11 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat l'annulation de la décision du 4 septembre 2014 par laquelle l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant trois ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives françaises et a demandé à la fédération française de triathlon d'annuler ses résultats individuels obtenus le 8 septembre 2013 lors du triathlon de Quiberon.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale contre le dopage dans le sport, ainsi que ses annexes et appendices ;

- le code du sport ;

- le décret n° 2012-1426 du 19 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de M.B..., et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de l'agence française de lutte contre le dopage ;

1. Considérant que M.B..., alors licencié par la Fédération française de triathlon, a fait l'objet d'un contrôle antidopage le 8 septembre 2013 à Quiberon (Morbihan) ; que les analyses effectuées ont fait ressortir la présence de produits interdits ; que la fédération a engagé une procédure disciplinaire à son encontre ; que, M. B...n'ayant pas renouvelé sa licence après le 31 octobre 2013, date d'expiration de la licence pour l'année 2013, la fédération a transmis son dossier à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) conformément au 1° de l'article L. 232-22 du code du sport ; que l'Agence a, par une décision du 4 septembre 2014, prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant trois ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives françaises et demandé à la Fédération française de triathlon d'annuler ses résultats individuels obtenus le 8 septembre 2013 lors du triathlon de Quiberon ; que M. B...demande l'annulation de cette décision ;

Sur la compétence de l'Agence française de lutte contre le dopage :

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 232-21 du code du sport, dans sa rédaction alors en vigueur, toute personne qui a contrevenu aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-10 et L. 232-17 de ce code encourt des sanctions disciplinaires de la part de la fédération dont elle est licenciée ; que ces sanctions sont prononcées par les fédérations sportives mentionnées à l'article L. 131-8 dont l'organe disciplinaire de première instance se prononce, après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, dans un délai de dix semaines à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée ; que, faute d'avoir statué dans ce délai, l'organe disciplinaire de première instance est dessaisi de l'ensemble du dossier lequel est alors transmis à l'instance disciplinaire d'appel qui rend, dans tous les cas, sa décision dans un délai maximum de quatre mois à compter de la même date ; qu'en vertu de l'article L. 232-22 du même code, en cas d'infraction aux mêmes dispositions de ce code, " l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction disciplinaire dans les conditions suivantes :/ 1° Elle est compétente pour infliger des sanctions disciplinaires aux personnes non licenciées (...) ;/ 2° Elle est compétente pour infliger des sanctions disciplinaires aux personnes relevant du pouvoir disciplinaire d'une fédération sportive lorsque celle-ci n'a pas statué dans les délais prévus à l'article L. 232-21. Dans ce cas, l'agence se saisit d'office dès l'expiration de ces délais " ;

3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'Agence a été informée, par une lettre de la Fédération française de triathlon, datée du 7 novembre 2013, de ce que M. B... n'était plus licencié au sein de cette fédération ; qu'en vertu du 1° de l'article L. 232-22 du code du sport, l'Agence était devenue compétente pour exercer le pouvoir disciplinaire à l'endroit du sportif non licencié et en a informé l'intéressé par une lettre datée du 14 novembre 2013 confirmée par les lettres qu'elle lui a adressées, les 24 janvier et 24 février 2014, dans le cadre de la suite de la procédure ; que ce n'est qu'à l'appui de la présente requête, enregistrée le 22 janvier 2015, que M.B..., qui avait dissimulé à l'Agence la circonstance qu'il avait demandé puis obtenu une nouvelle licence de la Fédération française de triathlon, a produit une copie de cette licence, validée le 6 janvier 2014 et effective jusqu'au 31 octobre 2014 ;

4. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

5. Considérant que, s'il est soutenu que l'Agence n'était pas compétente pour prononcer la sanction litigieuse sur le fondement du 1° de l'article L. 232-22 du code du sport, la décision attaquée trouve, en tout état de cause, son fondement dans le 2° du même article, qui prévoit que l'Agence est compétente pour infliger des sanctions disciplinaires aux personnes relevant du pouvoir disciplinaire d'une fédération sportive lorsque celle-ci n'a pas statué dans le délai maximum de quatre mois à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée ; qu'en effet, à la date du 4 septembre 2014, à laquelle l'Agence a statué, le délai de quatre mois imparti aux organes disciplinaires de la fédération pour statuer sur l'infraction constatée à la suite du contrôle antidopage réalisé le 8 septembre 2013 et dont, comme il a été dit ci-dessus, les résultats ont été communiqués à la Fédération le 4 octobre 2013, était expiré ; que ces dispositions du 2° peuvent être substituées à celles du 1° du même article dès lors que cette substitution de base légale ne prive l'intéressé d'aucune garantie, notamment de son droit d'accès à un juge consacré par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les décisions de l'Agence pouvant être déférées au Conseil d'Etat, statuant comme juge du plein contentieux, et que l'Agence dispose du même pouvoir d'appréciation dans le cas où elle est compétente en application de l'une ou l'autre de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'Agence était incompétente à la date à laquelle elle a prononcé la sanction litigieuse ne peut être accueilli ;

Sur la régularité de la procédure disciplinaire :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 232-92 du code du sport, le sportif mis en cause et son défenseur sont convoqués devant la formation disciplinaire de l'Agence par lettre recommandée avec demande d'avis de réception quinze jours au moins avant la date de la séance au cours de laquelle l'Agence est appelée à se prononcer ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé a été avisé par une lettre du 24 janvier 2014 de l'Agence, dont il a accusé réception le 31 janvier, qu'il allait être convoqué ultérieurement, par lettre recommandée avec accusé de réception, au moins quinze jours avant la séance au cours de laquelle son dossier disciplinaire serait examiné ; que, par une lettre reçue le 24 février, M. B...a fait connaître à l'Agence sa nouvelle adresse de résidence aux Etats-Unis ; que l'Agence lui a notifié à cette adresse, le 25 février, par lettre recommandée internationale, une convocation à une séance prévue le 10 avril ; qu'en l'absence d'accusé de réception de cette convocation, l'Agence lui a adressé le 11 avril une nouvelle convocation à une réunion prévue le 3 juillet, que l'intéressé a reçue le 26 avril ; que, par une télécopie reçue à l'Agence le 2 juillet, M. B...a demandé un nouveau report de la tenue de la réunion et l'a informée d'un nouveau changement d'adresse aux Etats-Unis ; que, le 3 juillet, l'Agence a envoyé à cette nouvelle adresse, par lettre recommandée internationale, une troisième convocation à une réunion prévue le 4 septembre ; que le courrier contenant cette convocation a fait l'objet d'une tentative de distribution infructueuse le 12 juillet ; que l'intéressé, auquel un avis avait été laissé à la même date afin qu'il retire le pli, ne l'a pas fait avant la date limite annoncée du 20 août ; qu'enfin, par message électronique daté du 17 juillet, l'Agence a également adressé à l'intéressé la confirmation de sa convocation en lui demandant d'en accuser réception, ce qu'il n'a pas fait ; que M.B..., s'est ainsi soustrait volontairement à plusieurs convocations et, en dernier lieu, à la convocation pour la séance du 4 septembre, qui doit être regardée comme ayant été reçue par l'intéressé le 12 juillet, date à laquelle le pli lui a été présenté ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être écarté ;

Sur les analyses de contrôle :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 232-64 du code du sport : " Le département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage ou le laboratoire auquel il a été fait appel en application de l'article L. 232-18 procède à l'analyse de l'échantillon A, transmis en application de l'article R. 232-62./ Il conserve l'échantillon B en vue d'une éventuelle analyse de contrôle. Celle-ci est de droit à la demande de l'intéressé. Elle est effectuée à ses frais et en présence éventuellement d'un expert convoqué par ses soins et choisi par lui, le cas échéant, sur une liste arrêtée par l'agence et transmise à l'intéressé... " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a été informé par la fédération, par une lettre datée du 4 octobre 2013, de la possibilité qui lui était offerte de demander à ses frais une seconde expertise par l'analyse de l'échantillon B ; qu'après avoir demandé à la fédération la réalisation de cette expertise et désigné un expert pour le représenter, M. B...a refusé de s'acquitter du montant des frais prescrits par les dispositions de l'article R. 232-64 du code du sport et justifiés au regard des moyens devant être mobilisés ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ayant renoncé à exiger l'analyse de l'échantillon B ; que, par suite, il ne peut soutenir que les règles du procès équitable et du principe du contradictoire auraient été méconnues ; qu'il ne peut, en tout état de cause, pas davantage soutenir que l'Agence n'aurait pas respecté les règles de procédure édictées par l'Agence mondiale antidopage tirées de l'article 5.2.4.3.2.6 du standard international pour les laboratoires, qui ne s'appliquent pas lorsque le sportif doit être regardé comme ayant renoncé à exiger l'analyse de l'échantillon B ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la sanction qui lui a été infligée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros à verser à l'AFLD au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à l'AFLD une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à l'Agence française de lutte contre le dopage. Copie en sera adressée au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème ssr
Numéro d'arrêt : 387323
Date de la décision : 03/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2016, n° 387323
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : RICARD ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387323.20160203
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