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03/02/2016 | FRANCE | N°380296

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème ssr, 03 février 2016, 380296


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France, d'une part, d'annuler la décision implicite, née du silence gardé sur sa demande du 19 avril 2012, par laquelle le sous-préfet du Marin a refusé de lui accorder le concours de la force publique pour l'exécution du jugement du 14 décembre 1993 du tribunal de grande instance de Fort-de-France, confirmé par un arrêt du 20 juin 1997 de la cour d'appel de Fort-de-France, ordonnant l'expulsion des occupants sans titre du terrain situé dans le quartier Mansarde sur le territoire de la commu

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Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France, d'une part, d'annuler la décision implicite, née du silence gardé sur sa demande du 19 avril 2012, par laquelle le sous-préfet du Marin a refusé de lui accorder le concours de la force publique pour l'exécution du jugement du 14 décembre 1993 du tribunal de grande instance de Fort-de-France, confirmé par un arrêt du 20 juin 1997 de la cour d'appel de Fort-de-France, ordonnant l'expulsion des occupants sans titre du terrain situé dans le quartier Mansarde sur le territoire de la commune du François, dont il est propriétaire, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 556 900 euros à ce titre. Par un jugement n° 1200762 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de cette décision et a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par une ordonnance n° 14BX00894 du 14 avril 2014, enregistrée le 14 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, transmis le pourvoi formé contre ce jugement par M.B....

Par ce pourvoi, enregistré le 20 mars 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il limite l'indemnité mise à la charge de l'Etat à la somme de 10 000 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 14 décembre 1993, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France du 20 juin 1997, le tribunal de grande instance de Fort-de-France a ordonné l'expulsion des occupants sans titre d'un terrain situé sur le territoire de la commune du François dont M. B... est propriétaire ; que, par un acte d'huissier de justice du 17 juin 2002, M. B... a demandé au sous-préfet du Marin de lui accorder le concours de la force publique en vue de procéder à l'expulsion de ces occupants ; qu'il a réitéré cette demande à plusieurs reprises et, en dernier lieu, par un acte du 19 avril 2012 ; que n'ayant pas obtenu satisfaction, il a, par lettre reçue le 27 juillet 2012, demandé à l'Etat de lui verser une indemnité au titre de ses préjudices résultant du refus opposé à cette réquisition ; que l'administration ayant gardé le silence sur ces demandes, M. B... a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France d'annuler la décision implicite, née du silence gardé sur sa demande du 19 avril 2012 et de condamner l'Etat à lui verser diverses sommes en réparation de ses préjudices ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 31 décembre 2013, en tant que le tribunal administratif a limité à 10 000 euros le montant de l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui verser ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué qu'elle comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette minute ne comporterait pas l'ensemble des signatures exigées par ces dispositions réglementaires manque en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'en application de ces dispositions, les délais de prescription relatifs aux indemnités nées d'un refus de concours de la force publique pour l'exécution d'un jugement d'expulsion commencent à courir, pour les créances nées au cours de chacune des années en cause, le 1er janvier de l'année suivante ; qu'ainsi, le tribunal administratif de Fort-de-France n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les créances nées du refus d'accorder le concours de la force publique sollicité pour la première fois le 17 juin 2002 ont été acquises au cours de l'année 2002 et des années suivantes et que les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante ;

4. Considérant, toutefois, qu'en jugeant que les créances contre l'Etat au titre de la période comprise entre le 18 août 2002 et le 31 décembre 2008 dont M. B...se prévalait étaient prescrites le 19 avril 2012, alors qu'à cette date, la quatrième année comptée à partir du 1er janvier 2009 n'était pas encore écoulée et qu'ainsi, les créances nées au cours de l'année 2008 n'étaient pas encore prescrites, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, en conséquence et dans cette mesure, être annulé ;

5. Considérant, en dernier lieu, que, pour rejeter les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de l'Etat à être indemnisé du préjudice matériel résultant de la privation de jouissance de sa propriété, les premiers juges ont notamment relevé au point 12 du jugement que M. B... " n'établit, ni même n'allègue, qu'il ait fait les diligences nécessaires pour obtenir des occupants le paiement " d'une indemnité d'occupation par les occupants sans titre ; qu'en statuant ainsi, alors que la réalité de la perte de jouissance d'une propriété qui résulte du maintien des occupants sans titre sur celle-ci n'est pas subordonnée à l'administration d'une telle preuve, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, son jugement doit également être annulé en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation de M. B...au titre de la perte de jouissance de son terrain à compter du 1er janvier 2009 ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à M.B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 31 décembre 2013 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires présentées par M. B...au titre de l'année 2008 et en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel pour perte de jouissance à compter du 1er janvier 2009.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, au tribunal administratif de Fort-de-France.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 380296
Date de la décision : 03/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2016, n° 380296
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Perrière
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:380296.20160203
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