La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2016 | FRANCE | N°387310

France | France, Conseil d'État, 2ème ssjs, 01 février 2016, 387310


Vu la procédure suivante :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande qu'elle avait formée le 17 décembre 2010, tendant à la réparation des préjudices subis du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation. Par un jugement n° 1106765/6-3 du 16 mai 2013, le tribunal administratif sa rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA02714 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de MmeA..., annulé la décision implicite de rej

et du Premier ministre en tant qu'elle rejette la demande tendant à l'indemn...

Vu la procédure suivante :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande qu'elle avait formée le 17 décembre 2010, tendant à la réparation des préjudices subis du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation. Par un jugement n° 1106765/6-3 du 16 mai 2013, le tribunal administratif sa rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA02714 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de MmeA..., annulé la décision implicite de rejet du Premier ministre en tant qu'elle rejette la demande tendant à l'indemnisation de la perte de revenus, enjoint au Premier ministre de prendre une nouvelle décision accordant à Mme A...une somme de 15 000 euros et réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif.

Par un pourvoi, enregistré le 21 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Premier ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il a fait droit à l'appel de Mme A...;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel de MmeA....

Le pourvoi du Premier ministre a été communiqué à MmeA..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

1. Considérant que le décret du 10 septembre 1999 institue auprès du Premier ministre une commission chargée, aux termes de l'article 1er de ce décret, " d'examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l'Occupation, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy " et, à ce titre, " de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a saisi la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) en vue de l'indemnisation de la spoliation des biens de son grand-père, M. C...A..., mort en déportation, et de son père, M. B...A..., qui détenaient respectivement 30 % et 20 % des parts d'une société spécialisée dans le négoce de tissus de gros ; que, le 10 décembre 2009, la commission a émis une recommandation tendant à ce que soit allouée à Mme A...une somme de 200 000 euros au titre de la spoliation des biens matériels et immatériels personnels dont avaient été victimes ses grands-parents et son père et 50 % de la somme de 97 000 euros au titre des éléments corporels du fonds de commerce spolié ; que Mme A...a formé, le 17 décembre 2010, un recours auprès du Premier ministre contre cette recommandation en tant qu'elle écartait toute indemnisation au titre de la perte des éléments incorporels de la société et de la perte de dividendes constitutive d'une perte de revenus ; que, par un jugement du 16 mai 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A...tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande et, d'autre part, à ce l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 079 968,20 euros ; que, par un arrêt en date du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision implicite du Premier ministre rejetant la demande de Mme A...tendant à l'indemnisation de la perte de revenus, évalué ce chef de préjudice à la somme de 15 000 euros, enjoint au Premier ministre de prendre une nouvelle décision accordant cette somme à Mme A...et annulé, dans cette mesure, le jugement du tribunal administratif ; que le Premier ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt en ce qu'il a fait droit à l'appel de Mme A...;

3. Considérant que le dispositif institué par les dispositions précitées du décret du 10 septembre 1999, aboutit, au terme d'une procédure de conciliation, à ce que la commission recommande, le cas échéant, au Premier ministre de prendre une mesure de réparation, de restitution ou d'indemnisation ; que les décisions prises par le Premier ministre doivent notamment permettre la restitution à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit des biens dont ils ont été spoliés ; que, dans le cas où cette restitution est impossible, les propriétaires ou leurs ayants droit sont indemnisés selon les règles particulières issues du décret du 10 septembre 1999 ; que si, s'agissant d'une entreprise ou d'un commerce, l'indemnisation doit permettre de réparer sa perte définitive, en prenant en compte l'ensemble des éléments corporels et incorporels, le manque à gagner lié à l'impossibilité de l'exploiter ne saurait être assimilé à une spoliation de biens indemnisable ;

4. Considérant, par suite, qu'en jugeant que le préjudice constitué par une telle perte de revenus était au nombre de ceux dont le décret du 10 septembre 1999 prévoit l'indemnisation, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que le Premier ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a fait droit à l'appel de Mme A...;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions relatives à l'indemnisation d'une perte de revenus à raison de la spoliation de la société de son grand-père et de son père ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 novembre 2014 est annulé en tant qu'il a fait droit à l'appel de MmeA....

Article 2 : Les conclusions de la requête de Mme A...devant la cour administrative d'appel de Paris relatives à l'indemnisation de la perte de revenus liée à la spoliation de la société de son grand-père et de son père sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Premier ministre et à Mme D...A....


Synthèse
Formation : 2ème ssjs
Numéro d'arrêt : 387310
Date de la décision : 01/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2016, n° 387310
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Luc Briand
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387310.20160201
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award