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01/02/2016 | FRANCE | N°387309

France | France, Conseil d'État, 2ème ssjs, 01 février 2016, 387309


Vu la procédure suivante :

Mme A...C..., agissant en qualité d'ayant droit de son époux décédé M. D... C..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande du 27 décembre 2010, tendant à la réparation des préjudices subis du fait des législations antisémites pendant l'Occupation. Par un jugement n° 1107484/6-2 du 26 mars 2013, le tribunal administratif sa rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA02044 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de Mme

C..., annulé la décision implicite de rejet du Premier ministre en tant qu'ell...

Vu la procédure suivante :

Mme A...C..., agissant en qualité d'ayant droit de son époux décédé M. D... C..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande du 27 décembre 2010, tendant à la réparation des préjudices subis du fait des législations antisémites pendant l'Occupation. Par un jugement n° 1107484/6-2 du 26 mars 2013, le tribunal administratif sa rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA02044 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de MmeC..., annulé la décision implicite de rejet du Premier ministre en tant qu'elle avait rejeté la demande tendant à l'indemnisation de la perte de revenus pour la période comprise entre le 8 octobre 1940 et le 4 août 1941, enjoint au Premier ministre de prendre une nouvelle décision accordant à Mme C...une somme de 7 500 euros et annulé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif.

Par un pourvoi, enregistré le 21 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Premier ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il a fait droit à l'appel de Mme C...;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel de MmeC....

Le pourvoi du Premier ministre a été communiqué à MmeC..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

1. Considérant que le décret du 10 septembre 1999 institue auprès du Premier ministre une commission chargée, aux termes de l'article 1er de ce décret, " d'examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l'Occupation, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy " et, à ce titre, " de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D...C...a saisi la commission d'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) en vue de l'indemnisation de la spoliation des biens de ses parents, M. B...C...et Mme E...épouseC..., qui exploitaient un restaurant à Paris dont il a repris l'activité après la guerre ; que, par une recommandation en date du 3 avril 2001, la commission a proposé de lui reconnaître la qualité de victime de spoliations du fait des législations antisémites pendant l'Occupation et qu'une indemnité de 20 000 francs, soit 3 048,98 euros, lui soit allouée au titre des biens professionnels composant le restaurant et des valeurs confisquées à ses parents ; que, le 7 novembre 2008, Mme A...C..., agissant en qualité d'ayant droit de son époux décédé, a saisi la commission d'une demande de réexamen que la commission n'a pas recommandé d'accueillir le 14 décembre 2009 ; que, par un jugement du 26 mars 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme C...tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 162 816,45 euros au titre de la perte des éléments incorporels du fonds de commerce et de la perte de revenus ; que, par un arrêt en date du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a toutefois annulé la décision implicite du Premier ministre pour ce qui concerne l'indemnisation de la perte de revenus pour la période comprise entre le 8 octobre 1940 et le 4 août 1941, évalué ce chef de préjudice à la somme de 7 500 euros, enjoint au Premier ministre de prendre une nouvelle décision accordant cette somme à Mme C...et annulé, dans cette mesure, le jugement du tribunal administratif ; que le Premier ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt en ce qu'il a fait droit à l'appel de Mme C...;

3. Considérant que le dispositif institué par les dispositions précitées du décret du 10 septembre 1999, aboutit, au terme d'une procédure de conciliation, à ce que la commission recommande, le cas échéant, au Premier ministre de prendre une mesure de réparation, de restitution ou d'indemnisation ; que les décisions prises par le Premier ministre doivent notamment permettre la restitution à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit des biens dont ils ont été spoliés ; que, dans le cas où cette restitution est impossible, les propriétaires ou leurs ayants droit sont indemnisés selon les règles particulières issues du décret du 10 septembre 1999 ; que si, s'agissant d'une entreprise ou d'un commerce, l'indemnisation doit permettre de réparer sa perte définitive en prenant en compte l'ensemble des éléments corporels et incorporels, le manque à gagner lié à l'impossibilité de l'exploiter ne saurait être assimilé à une spoliation de biens indemnisable ;

4. Considérant, par suite, qu'en jugeant que le préjudice constitué par une telle perte de revenus était au nombre de ceux dont le décret du 10 septembre 1999 prévoit l'indemnisation, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que le Premier ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a fait droit à l'appel de Mme C...;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions relatives à l'indemnisation d'une perte de revenus à raison de la spoliation du fonds de commerce de ses beaux-parents ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 novembre 2014 est annulé en tant qu'il a fait droit à l'appel de MmeC....

Article 2 : Les conclusions de la requête de Mme C...devant la cour administrative d'appel de Paris relatives à l'indemnisation de la perte de revenus liée à la spoliation du fonds de commerce de ses beaux-parents sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Premier ministre et à Mme A...C....


Synthèse
Formation : 2ème ssjs
Numéro d'arrêt : 387309
Date de la décision : 01/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2016, n° 387309
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Luc Briand
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387309.20160201
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