La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2016 | FRANCE | N°387856

France | France, Conseil d'État, 7ème / 2ème ssr, 25 janvier 2016, 387856


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon :

- d'annuler la décision du 9 août 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté le recours qu'il a formé contre l'arrêté du 28 octobre 2010 le rayant des contrôles, pour réforme définitive ;

- d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2010 ;

- d'annuler l'ordre de cessation de l'état militaire du 25 octobre 2010 ;

- d'annuler le courrier de constitution et de transmission de la déclaration préalable à la concession d'une pension de retraite daté du 28 octob

re 2010 ;

- d'annuler la transmission du 5 novembre 2010 adressée par le centre des allocations...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon :

- d'annuler la décision du 9 août 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté le recours qu'il a formé contre l'arrêté du 28 octobre 2010 le rayant des contrôles, pour réforme définitive ;

- d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2010 ;

- d'annuler l'ordre de cessation de l'état militaire du 25 octobre 2010 ;

- d'annuler le courrier de constitution et de transmission de la déclaration préalable à la concession d'une pension de retraite daté du 28 octobre 2010 ;

- d'annuler la transmission du 5 novembre 2010 adressée par le centre des allocations financières de la Marine ;

- d'annuler la fiche individuelle du 4 octobre 2010 ainsi que le constat d'inaptitude du 24 août 2010 auquel cette fiche se réfère ;

- d'annuler le procès-verbal de la commission de réforme réunie le 8 octobre 2010, ensemble le courrier du 13 octobre 2010 lui communiquant ce procès-verbal ;

- d'annuler la mention de l'absence d'imputabilité au service figurant dans l'extrait de registre du 25 juillet 2007 ;

- d'annuler la décision du 23 août 2011 par laquelle le président de la commission des recours des militaires a constaté son renoncement à son deuxième recours formé le 28 juin 2011 et comportant des conclusions indemnitaires ;

- d'annuler les rapports circonstanciés des 20 juin et 23 juillet 2007 ainsi que tous les documents annexes dont ces rapports étaient le support nécessaire et les décisions individuelles implicites allant dans le même sens ;

- d'enjoindre au ministre de la défense de lui accorder le bénéfice de la législation sur les accidents de service ;

- d'enjoindre au ministre de la défense de le réintégrer dans la position statutaire dans laquelle il se trouvait le 3 novembre 2010 avec bénéfice de sa solde entière et reconstitution de sa carrière depuis cette date ;

- d'enjoindre au ministre de la défense de reconstituer sa carrière et de lui verser rétroactivement les rémunérations dont il a été privé depuis le 3 novembre 2008, assorties des intérêts au taux légal ;

- d'enjoindre à l'administration de procéder immédiatement à la rédaction d'un nouveau rapport circonstancié et de modifier l'extrait du registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service ;

- de condamner l'État à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice financier et moral qu'il estime avoir subi, assortie des intérêts au double du taux légal en vigueur ;

- de condamner l'État à lui verser la somme de 111 628 euros en réparation des préjudices financiers, matériels et moraux qu'il estime avoir subis, somme à actualiser en fonction des pertes à venir.

Par un jugement nos 1101974, 1102906 du 8 février 2013, le tribunal administratif de Toulon a partiellement fait droit à cette demande en annulant la décision du 9 août 2011 prise par le ministre de la défense et en enjoignant au ministre de la défense de procéder, à compter de la date d'effet de la réforme définitive de M.A..., d'une part, à la réintégration juridique de l'intéressé dans ses fonctions de maître de la Marine nationale, d'autre part, à la reconstitution de sa carrière en cette qualité, ainsi qu'au rétablissement de ses droits sociaux, notamment de ses droits à pension, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Par un arrêt n° 13MA01413 du 9 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M.A..., annulé ce jugement en tant qu'il n'a pas reconnu l'imputabilité au service de l'accident survenu le 3 mai 2007 et n'a pas fait droit aux conclusions indemnitaires présentées par M.A..., enjoint au ministre de la défense de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime M. A...le 3 mai 2007 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, condamné l'Etat à verser à M. A...la somme de 65 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M.A....

Par un pourvoi, enregistré le 11 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de M. A...;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur l'imputabilité au service de l'accident de trajet survenu le 3 mai 2007 :

1. Considérant que la cour administrative d'appel de Marseille a jugé, d'une part, que les troubles, notamment psychologiques, dont est atteint M. A...pouvaient être rattachés à l'accident de trajet dont il a été victime le 3 mai 2007 et devaient être regardés comme imputables au service et, d'autre part, que le ministre ne pouvait utilement invoquer la circonstance que la demande de l'intéressé n'avait pu être instruite, faute pour ce dernier d'avoir sollicité une pension militaire d'invalidité ;

2. Considérant que si le ministre soutient que les troubles dont souffre M. A... seraient antérieurs à l'accident et en déduit que l'arrêt attaqué serait entaché d'erreur de qualification juridique, un tel moyen, nouveau en cassation, ne peut qu'être écarté ; que, par ailleurs, en relevant que l'administration était à même de se prononcer sur l'imputabilité de ces troubles au service, la cour administrative d'appel a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; que, par suite, les conclusions du ministre dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur l'imputabilité au service de l'accident de trajet survenu le 3 mai 2007 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il fait droit aux conclusions indemnitaires de M. A...:

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) " ; qu'en application des dispositions du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense, et sous réserve des exceptions prévues au II du même article, tout recours contentieux formé par un militaire contre des actes relatifs à sa situation personnelle doit être précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif préalable, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision ayant lié le contentieux ; qu'aux termes de l'article R. 4125-2 du même code : " A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par lettre recommandée avec avis de réception adressée au secrétariat permanent placé sous l'autorité du président de la commission./ La lettre de saisine de la commission est accompagnée d'une copie de l'acte. Dans le cas d'une décision implicite de rejet, la lettre de saisine est accompagnée d'une copie de la demande./ Si la copie de l'acte ou, dans le cas d'une décision implicite de rejet, la copie de la demande ne sont pas jointes à l'envoi, le secrétariat permanent de la commission met l'intéressé en demeure de la produire dans un délai de deux semaines ; en l'absence de production dans ce délai, l'intéressé est réputé avoir renoncé à son recours (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la commission des recours des militaires ne peut être régulièrement saisie que d'un recours formé contre une décision administrative, y compris en matière indemnitaire ; que le président de la commission a le pouvoir de rejeter le recours formé par un militaire devant la commission au motif qu'il doit être réputé, en l'absence de décision administrative préalable, y avoir renoncé ; qu'il incombe au juge, s'il est saisi par le militaire d'un recours qui n'a ainsi été valablement précédé d'aucun recours administratif préalable, de le rejeter comme irrecevable, alors même que l'administration présenterait devant lui des observations au fond ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...ait saisi l'administration d'une demande tendant à la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi ; que le président de la commission des recours des militaires a, pour ce motif, estimé le 23 août 2011 que M. A...avait renoncé à son recours du 28 juin 2011 en matière indemnitaire ; que, dès lors, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en accueillant les conclusions indemnitaires de M.A..., lesquelles, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus, étaient irrecevables; que, par suite, le ministre de la défense, qui est recevable à soulever ce moyen en cassation, est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les conclusions de M. A...tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice étaient irrecevables ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon les a rejetées ;

Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. A...;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 décembre 2014 est annulé en tant qu'il fait droit aux conclusions indemnitaires de M. A...et annule le jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 février 2013 sur ce point.

Article 2 : Les conclusions de la requête d'appel de M. A...tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 février 2013 en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre de la défense est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 7ème / 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 387856
Date de la décision : 25/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ARMÉES ET DÉFENSE - PERSONNELS MILITAIRES ET CIVILS DE LA DÉFENSE - QUESTIONS COMMUNES À L'ENSEMBLE DES PERSONNELS MILITAIRES - RAPO DEVANT LA COMMISSION DES RECOURS DES MILITAIRES - ABSENCE DE DÉCISION ADMINISTRATIVE PRÉALABLE - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ DE REJET DU RECOURS PAR LA COMMISSION ET ABSENCE DE LIAISON DU CONTENTIEUX DEVANT LE JUGE - Y COMPRIS SI L'ADMINISTRATION DÉFEND AU FOND.

08-01-01 La commission des recours des militaires ne peut être régulièrement saisie que d'un recours formé contre une décision administrative, y compris en matière indemnitaire. Le président de la commission a le pouvoir de rejeter le recours formé par un militaire devant la commission au motif qu'il doit être réputé, en l'absence de décision administrative préalable, y avoir renoncé. Il incombe au juge, s'il est saisi par le militaire d'un recours qui n'a ainsi été valablement précédé d'aucun recours administratif préalable, de le rejeter comme irrecevable, alors même que l'administration présenterait devant lui des observations au fond.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - LIAISON DE L'INSTANCE - RECOURS ADMINISTRATIF PRÉALABLE - COMMISSION DES RECOURS DES MILITAIRES - ABSENCE DE DÉCISION ADMINISTRATIVE PRÉALABLE - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ DE REJET DU RECOURS PAR LA COMMISSION ET ABSENCE DE LIAISON DU CONTENTIEUX DEVANT LE JUGE - Y COMPRIS SI L'ADMINISTRATION DÉFEND AU FOND.

54-01-02-01 La commission des recours des militaires ne peut être régulièrement saisie que d'un recours formé contre une décision administrative, y compris en matière indemnitaire. Le président de la commission a le pouvoir de rejeter le recours formé par un militaire devant la commission au motif qu'il doit être réputé, en l'absence de décision administrative préalable, y avoir renoncé. Il incombe au juge, s'il est saisi par le militaire d'un recours qui n'a ainsi été valablement précédé d'aucun recours administratif préalable, de le rejeter comme irrecevable, alors même que l'administration présenterait devant lui des observations au fond.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2016, n° 387856
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Grégory Rzepski
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387856.20160125
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award