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30/12/2015 | FRANCE | N°383294

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème ssr, 30 décembre 2015, 383294


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet 2014, 30 octobre 2014 et 19 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note n° JUSK1340027N du 8 novembre 2013 relative à la prise en charge des détenus particulièrement signalés, prise par la directrice de l'administration pénitentiaire et adressée aux directeurs et directrices int

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet 2014, 30 octobre 2014 et 19 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note n° JUSK1340027N du 8 novembre 2013 relative à la prise en charge des détenus particulièrement signalés, prise par la directrice de l'administration pénitentiaire et adressée aux directeurs et directrices interrégionaux des services pénitentiaires ainsi qu'au directeur de l'école nationale de l'administration pénitentiaire ;

2°) d'enjoindre à la directrice de l'administration pénitentiaire de procéder à la diffusion de la décision à intervenir auprès de l'ensemble de ses services ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 34 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 ;

- le décret n° 2014-558 du 30 mai 2014 ;

- la circulaire interministérielle du 30 octobre 2012 ;

- l'instruction ministérielle du 15 octobre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la section française de l'Observatoire international des prisons ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la garde des sceaux, ministre de la justice :

1. Considérant que l'interprétation que, par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de tout caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

2. Considérant que la note attaquée du 8 novembre 2013, adressée par la directrice de l'administration pénitentiaire aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires et au directeur de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, a pour objet de présenter toutes les mesures spécifiques de surveillance des personnes détenues figurant au répertoire des détenus particulièrement signalés ; qu'elle comporte des prescriptions impératives à caractère général sur les modalités de surveillance et sur les informations à collecter et transmettre dans l'exercice de cette surveillance ; que, dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par la garde des sceaux, ministre de la justice, tirée de ce que la note attaquée serait dépourvue de caractère impératif, ne peut qu'être rejetée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne les moyens d'incompétence :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales. Il contribue à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines des personnes condamnées " ; qu'aux termes de l'article 22 de la même loi : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue " ; et qu'enfin, l'article D. 276-1 du code de procédure pénale prévoit qu' " en vue de la mise en oeuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'inscription d'un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés a pour seul effet d'appeler l'attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge sur ce détenu, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l'ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que, dans ce cadre, seules peuvent être apportées aux droits des détenus, garantis notamment par la loi du 24 novembre 2009, les restrictions résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes, dans les strictes limites prévues par la loi ;

5. Considérant que le pouvoir réglementaire est compétent pour édicter le régime applicable aux détenus particulièrement signalés, qui, ainsi qu'il a été dit, a pour seul effet de prescrire aux personnels et autorités pénitentiaires de faire preuve d'une vigilance particulière s'agissant de certains individus ; que les limites éventuellement portées aux droits des détenus par le régime ainsi défini ne peuvent cependant légalement intervenir que dans le respect des conditions définies par le législateur, notamment aux articles 22 et suivants de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire ; que le moyen tiré du défaut de base législative de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale, résultant selon l'association requérante de la décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 du Conseil constitutionnel, ne peut qu'être écarté, dès lors que ces dispositions demeuraient légalement en vigueur après l'intervention de la loi du 24 novembre 2009 qui avait abrogé l'article 728 du code de procédure pénale, dont la requête soutient qu'elles étaient le fondement légal de l'article D. 276-1 du même code ; qu'en application de cet article, l'instruction ministérielle du 15 octobre 2012 précise les conditions de surveillance des détenus particulièrement signalés ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que, au motif qu'elle édicte des mesures à caractère réglementaire, la circulaire attaquée, qui complète l'instruction ministérielle précitée, serait entachée d'incompétence ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 717-3 du code de procédure pénale : " Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande " et qu'aux termes de l'article D. 432-3 du même code : " Le travail est procuré aux détenus compte tenu du régime pénitentiaire auquel ceux-ci sont soumis, des nécessités de bon fonctionnement des établissements ainsi que des possibilités locales d'emploi " ; que la garde des sceaux et la directrice de l'administration pénitentiaire ne tenaient d'aucun texte compétence pour établir des modalités particulières d'exercice des activités par une catégorie de détenus en prescrivant de refuser en toute circonstance la participation des détenus particulièrement surveillés au service général en maison d'arrêt ; que si, au regard des motifs pour lesquels un détenu peut être classé comme détenu particulièrement surveillé, la participation au service général, par les mouvements et contacts qu'elle permet, peut souvent être regardée comme incompatible avec le degré de surveillance requis, ce n'est cependant qu'au terme d'un examen individuel des motifs pour lesquels le détenu est particulièrement surveillé que la décision de lui refuser d'y participer, établissant que la conciliation entre les nécessités de la surveillance et l'exercice du droit à une activité ne peut en l'espèce être opérée, peut être prise ; qu'ainsi l'association requérante est fondée à demander l'annulation, au deuxième alinéa du III 5 de la note attaquée, de la phrase : " Le classement d'un DPS au service général en maison d'arrêt est proscrit " ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du 6 janvier 1978 :

7. Considérant que l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose : " I. Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et : / 1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ; / 2° Ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. (...) / II. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 8 sont autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission ; cet avis est publié avec le décret autorisant le traitement. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 8 de la même loi : " Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci " ;

8. Considérant que le décret du 6 juillet 2011portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE) a autorisé le ministère de la justice à créer un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux personnes placées sous main de justice et écrouées, dénommé gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), mis en oeuvre au sein de chaque établissement pénitentiaire ou établissement de santé habilité à recevoir des personnes détenues ; que ce traitement a pour finalités " l'exécution des sentences pénales et des décisions de justice s'y rattachant, la gestion de la détention des personnes placées sous main de justice et écrouées ainsi que la sécurité des détenus et des personnels et la mise en oeuvre dans les meilleures conditions d'efficacité et de coordination de l'ensemble des actions relatives au parcours de la personne détenue " et prévoit que " la prise en charge des détenus (...) donne lieu à la tenue d'un cahier électronique de liaison (CEL) destiné à faciliter la mise en oeuvre du parcours de détention, la prévention des comportements à risques, la tenue de la commission pluridisciplinaire unique de l'établissement pénitentiaire ainsi que la gestion des requêtes, des audiences, des rendez-vous, des visites et du courrier des détenus " ; que, par le décret du 30 mai 2014 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion nationale des personnes détenues en établissement pénitentiaire dénommé GENESIS, le ministère de la justice a été autorisé à créer un autre traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé gestion nationale des personnes détenues en établissement pénitentiaire (GENESIS), mis en oeuvre avec le même champ d'application et les mêmes finalités que le traitement GIDE, auquel il a vocation à se substituer avant le 31 décembre 2016 ; que ces décrets, qui ont pour objectif de prendre en compte toutes les personnes détenues, ainsi que leurs annexes techniques, mentionnent explicitement les personnes inscrites au répertoire des détenus particulièrement surveillés (DPS) ;

9. Considérant, cependant, que si, lorsqu'elle traite de l'observation des détenus particulièrement signalés, la note attaquée se réfère à plusieurs reprises aux deux traitements mentionnés ci-dessus, notamment au cahier électronique de liaison (CEL) inclus dans l'application GIDE, elle prévoit également qu' " en complément du CEL, l'encadrement peut demander aux personnels de renseigner des fiches en version papier d'observations pour un DPS ciblé durant une durée déterminée " et que ces fiches de suivi, qui concernent le comportement et la nature des relations des détenus concernés avec les tiers, sont collectées quotidiennement, font l'objet de synthèses et d'envois à divers niveaux hiérarchiques ; que ces fiches de suivi, dont le ministre de la justice ne peut sérieusement soutenir qu'elles se rattacheraient aux deux traitements GIDE et GENESIS, doivent être regardées comme ayant pour effet de créer un traitement de données à caractère personnel, dont ni la nature, ni les finalités ni les personnes qui ont besoin d'en connaître ne sont précisées et qui, en tout état de cause, n'a pas été autorisé en conformité avec les exigences de la loi du 6 janvier 1978 ; que, par suite, les dispositions des alinéas 2 à 6 du I 2.4 de la note attaquée, qui prescrivent la mise en oeuvre de ce traitement de données, doivent être annulées ;

En ce qui concerne le moyen tiré du caractère systématique des mesures de surveillance prescrites :

10. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", et de celles de son article 8 : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il en résulte que tout prisonnier a droit à être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d'exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention ; qu'en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend de leur vulnérabilité mais aussi des dangers qui résultent de leur personnalité, de leurs antécédents et de leur comportement en détention, eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l'intérêt des victimes ;

11. Considérant que l'association requérante soutient que, dès lors qu'elle prescrit aux agents de l'administration pénitentiaire une utilisation de moyens renforcés de surveillance et de contrainte à l'égard des détenus particulièrement signalés, la note attaquée méconnaît les obligations positives mises à la charge des Etats sur le fondement des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les principes de nécessité et de proportionnalité, qui sont seuls de nature à garantir que les détenus concernés ne subissent pas des contraintes excessives au regard de leurs libertés personnelles et ne soient pas détenus dans des conditions susceptibles de porter atteinte à leur dignité ; que, toutefois, d'une part, en vertu de l'instruction ministérielle du 15 octobre 2012, prise sur le fondement de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale, l'inscription d'un détenu sur le répertoire des détenus particulièrement signalés par le ministre de la justice, mesure périodiquement réexaminée et qui est prise sous le contrôle du juge, résulte de l'examen individuel de la situation du détenu au regard des antécédents de violence et des risques d'évasion qu'il présente ; que, d'autre part, si elle invite les personnels pénitentiaires qui prennent en charge les détenus particulièrement signalés à exercer une vigilance accrue et à user de contrôles renforcés, la note attaquée ne saurait les autoriser à prévoir des mesures systématiques, sans examen de la nécessité et de la proportionnalité de chaque mesure ;

En ce qui concerne les moyens relatifs aux mesures prescrites lors des extractions médicales :

12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 803 du code de procédure pénale : " Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite " et qu'aux termes de l'article D. 283-4 du même code : " Dans les conditions définies par l'article 803, et par mesure de précaution contre les évasions, les détenus peuvent être soumis au port des menottes ou, s'il y a lieu, des entraves pendant leur transfèrement ou leur extraction ou, lorsque les circonstances ne permettent pas d'assurer efficacement leur garde d'une autre manière (...) " ;

13. Considérant, par ailleurs, que, conformément aux dispositions de l'article L. 1110-4 du code la santé publique, le détenu a, comme tout malade, droit au secret médical et à la confidentialité de son entretien avec son médecin ; qu'aux termes de l'article 46 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l'ensemble de la population " ; que l'article D. 397 du code de procédure pénale dispose : " Lors des hospitalisations et des consultations ou examens (...) les mesures de sécurité adéquates doivent être prises dans le respect de la confidentialité des soins " ;

14. Considérant, enfin, que la circulaire interministérielle du 30 octobre 2012 relative à la publication du guide méthodologique sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice précise que " lors des consultations médicales, quel que soit le niveau de surveillance retenu, le chef d'escorte doit veiller à ce que les mesures de sécurité mises en oeuvre n'entravent pas la confidentialité de l'entretien médical (...) les modalités de prise en charge médicale doivent permettre de préserver la confidentialité des soins, ainsi que la dignité des personnes tant en terme de surveillance que de soins proprement dit. Le personnel de 1'escorte est soumis au secret concernant les éléments médicaux portés à sa connaissance lors de ces consultations " ;

15 Considérant que si la mise en oeuvre de mesures de sécurité particulières et le recours le cas échéant à des mesures de coercition sous la forme d'entraves, ne se limitent pas au seul transport des détenus, mais peuvent, si nécessaires, être étendus à la consultation et aux soins médicaux eux-mêmes lorsqu'ils ne peuvent être dispensés au sein de l'établissement de détention, les mesures de sécurité mises en oeuvre par l'administration pénitentiaire lors de l'extraction et du séjour dans un établissement hospitalier d'un détenu doivent toutefois, d'une part, être adaptées et proportionnées à la dangerosité du détenu et au risque d'évasion que présente chaque cas particulier et, d'autre part, assurer en toute hypothèse, la confidentialité des relations entre les détenus et les médecins qu'ils consultent ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si la note attaquée, lorsqu'elle traite des extractions médicales et des hospitalisations hors unités hospitalières sécurisées interrégionales ou spécialement aménagées (UHSI-UHSA), précise que " les DPS font systématiquement l'objet d'une prise en charge de niveau escorte 3, voire 4 " et que " le niveau d'escorte 3 induit que (...) les moyens de contrainte sont renforcés (l'utilisation de la ceinture abdominale est privilégiée) " et si, pour les seules consultations qui se déroulent hors établissements pénitentiaires et hors unités hospitalières sécurisées interrégionales ou spécialement aménagées (UHSI-UHSA), elle prévoit que " le niveau de surveillance III s'applique pendant les consultations médicales (consultation sous la surveillance constante du personnel pénitentiaire avec moyen de contrainte) ", elle ne saurait avoir légalement ni pour objet ni pour effet d'autoriser l'administration pénitentiaire à méconnaître les exigences prévues par la loi rappelées ci-dessus ; qu'elle doit être interprétée comme invitant les personnels en charge des détenus particulièrement signalés à déterminer pour chaque détenu, dans le respect de ces exigences, les mesures de sécurité adaptées et proportionnées aux risques qu'il présente et, conformément à ce que prévoit l'instruction précitée du 30 octobre 2012, à veiller à ce que la confidentialité des soins soit respectée ; qu'ainsi, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la note qu'elle attaque méconnaîtrait le secret médical, le droit à la santé et le droit à la dignité des détenus concernés ;

En ce qui concerne le moyen relatif à la surveillance de nuit :

17. Considérant qu'aux termes de l'article D. 270 du code de procédure pénale : " Hormis les cas visés aux articles D. 136 à D. 147, les personnels pénitentiaires doivent être constamment en mesure de s'assurer de la présence effective des détenus./ Pendant la nuit, les cellules doivent pouvoir être éclairées en cas de besoin " ; et qu'aux termes de l'article D. 272 du même code : " Des rondes sont faites après le coucher et au cours de la nuit, suivant un horaire fixé et quotidiennement modifié par le chef de détention, sous l'autorité du chef d'établissement " ; que la note attaquée prévoit que " la nuit, le contrôle oeilleton est réalisé à chaque ronde sur l'ensemble des cellules occupées par les DPS " et que, au titre de la vigilance de nuit, " l'agent rondier a pour mission de veiller à ce que le barreaudage soit visible et s'assurer de son intégrité " ;

18. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 11 ci-dessus, les dispositions précitées de la note attaquée ne sauraient dispenser les personnels en charge des détenus particulièrement signalés d'un examen de la nécessité et de la proportionnalité des mesures de surveillance qu'elles prescrivent, notamment en tant qu'elles impliquent l'allumage des lumières, au regard des risques que présente chaque détenu ; que, dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la note attaquée méconnaîtrait le respect de la dignité humaine sur ce point ;

Sur les autres conclusions de la requête :

19. Considérant que l'association requérante demande au Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de diffuser la présente décision au sein des administrations compétentes ; que de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la section française de l'Observatoire international des prisons, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La phrase " Le classement d'un DPS au service général en maison d'arrêt est proscrit ", au deuxième alinéa du point III 5, et les alinéas 2 à 6 du point I 2.4 de la note du 8 novembre 2013 de la directrice de l'administration pénitentiaire sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la section française de l'Observatoire international des prisons est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à la section française de l'Observatoire international des prisons une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la section française de l'Observatoire international des prisons et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 383294
Date de la décision : 30/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2015, n° 383294
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:383294.20151230
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