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23/12/2015 | FRANCE | N°382439

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 23 décembre 2015, 382439


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juillet 2014, 6 octobre 2014, 2 septembre 2015 et 1er octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le syndicat national de l'équipement de la cuisine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet opposée par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à sa demande du 25 octobre 2010 tendant à l'extension de

la convention collective nationale des magasins prestataires de services de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juillet 2014, 6 octobre 2014, 2 septembre 2015 et 1er octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le syndicat national de l'équipement de la cuisine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet opposée par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à sa demande du 25 octobre 2010 tendant à l'extension de la convention collective nationale des magasins prestataires de services de cuisine à usage domestique du 17 juillet 2008 et de l'ensemble de ses avenants et accords associés ;

2°) d'enjoindre au ministre chargé du travail de procéder à l'extension de la convention collective nationale et de ses avenants, ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat du syndicat national de l'équipement de la cuisine ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon le premier alinéa de l'article L. 2222-1 du code du travail : " Les conventions et accords collectifs de travail (...) déterminent leur champ d'application territorial et professionnel. Le champ d'application professionnel est défini en termes d'activités économiques ". En vertu de l'article L. 2261-15 du code du travail, les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel répondant à certaines conditions peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail. Le ministre, saisi d'une demande en ce sens, doit notamment rechercher si le champ d'application professionnel pour lequel l'extension est envisagée n'est pas compris dans le champ professionnel d'une autre convention ou d'un autre accord collectif précédemment étendu. Lorsqu'il apparaît que les champs d'application professionnels définis par les textes en cause se recoupent, il lui appartient au préalable, s'il entend procéder à l'extension, soit d'exclure du champ de l'extension envisagée les activités économiques déjà couvertes par la convention ou l'accord collectif précédemment étendu, soit d'abroger l'arrêté d'extension de cette convention ou de cet accord collectif, en tant qu'il s'applique à ces activités. Les dispositions combinées des articles L. 2222-1 et L. 2261-15 du code du travail attribuent également au ministre chargé du travail un pouvoir d'appréciation lui permettant de refuser l'extension sollicitée, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, pour des motifs d'intérêt général tenant notamment à la cohérence d'ensemble des champs conventionnels concernés et à la stabilité juridique des règles applicables aux entreprises et à leurs salariés.

2. Il ressort des pièces du dossier que la convention collective nationale des magasins prestataires de services de cuisine à usage domestique du 17 juillet 2008 définit son champ d'application professionnel, à son article 1.1 tel que modifié par l'avenant n° 4 du 16 septembre 2010, comme incluant " tout point de vente dont l'activité principale est caractérisée par la conception et la réalisation d'un projet de cuisine à usage domestique ". Elle exclut explicitement les entreprises dont l'activité principale consiste à fabriquer des éléments de cuisine, à vendre, poser ou faire poser des meubles ou des matériels électroménagers " sans avoir préalablement conçu et réalisé un projet de cuisine au magasin et chez le particulier ", ou encore à réaliser des travaux de plomberie, d'électricité ou de pose de carrelages.

3. En dépit des précisions ainsi apportées par l'avenant du 16 septembre 2010, le champ d'application professionnel de la convention collective nationale du 17 juillet 2008 recoupe notamment celui des conventions collectives nationales des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment du 8 octobre 1990, étendues par arrêtés des 8 et 12 février 1991, qui incluent les entreprises d'installation de cuisine, et celui de la convention collective nationale du négoce d'ameublement du 31 mai 1995, étendue par arrêté du 15 juillet 2002, qui inclut le commerce de détail de l'ameublement, y compris la vente de meubles de cuisine.

4. Si le requérant fait valoir que la convention collective des magasins prestataires de services de cuisine à usage domestique est plus avantageuse pour les salariés que celle du négoce d'ameublement sur plusieurs points, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette convention, ni d'ailleurs celles des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment, ne répondraient pas à la situation des entreprises visées par la convention dont il demande l'extension. Eu égard, d'une part, aux recoupements existants et, d'autre part, en cas d'extension, au risque d'incertitudes quant à la convention applicable compte tenu de la variété des offres à la clientèle, accompagnées d'un service intégré plus ou moins poussé, ainsi qu'à l'intérêt qui s'attache à l'extension de conventions ayant un champ d'application professionnel suffisamment large, le ministre chargé du travail, qui pouvait légalement décider de maintenir leur champ d'application aux conventions précédemment étendues, a fait une exacte application des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2261-15 du code du travail en refusant l'extension sollicitée.

5. Il résulte de ce qui précède que le syndicat national de l'équipement de la cuisine n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a refusé de faire droit à sa demande du 25 octobre 2010 tendant à l'extension de la convention collective nationale des magasins prestataires de services de cuisine à usage domestique du 17 juillet 2008 et de l'ensemble de ses avenants et accords associés.

6. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'il présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat national de l'équipement de la cuisine est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national de l'équipement de la cuisine et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 382439
Date de la décision : 23/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2015, n° 382439
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382439.20151223
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