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03/12/2015 | FRANCE | N°388806

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème ssr, 03 décembre 2015, 388806


Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars, 18 juin et 5 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fosmax A...demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler les articles II, III et VI de la sentence n° 18466/ND/MHM du 13 février 2015 par lesquels le tribunal de la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale a, en premier lieu, limité à 68 805 345 euros, dont 48 217 345 euros assortis des intérêts à compter du 28 février 2009 et de leur

capitalisation, la somme que le groupement d'entreprises STS, composé de...

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars, 18 juin et 5 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fosmax A...demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler les articles II, III et VI de la sentence n° 18466/ND/MHM du 13 février 2015 par lesquels le tribunal de la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale a, en premier lieu, limité à 68 805 345 euros, dont 48 217 345 euros assortis des intérêts à compter du 28 février 2009 et de leur capitalisation, la somme que le groupement d'entreprises STS, composé des sociétés TCM FR, Tecnimont et Saipem, devra lui verser, en deuxième lieu, condamné la société Fosmax A...à payer au groupement d'entreprises STS la somme de 128 162 021 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation et, en troisième lieu, rejeté le surplus des demandes ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler intégralement la même sentence ;

3°) de mettre à la charge des sociétés TCM FR, Tecnimont et Saipem le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;

- la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 ;

- la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 ;

- le décret n° 93-990 du 3 août 1993 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la Société FosmaxA..., et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat des sociétés TCM FR, Tecnimont et Saipem ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un avis publié au Journal officiel de l'Union européenne le 27 novembre 2001, Gaz de France, alors établissement public industriel et commercial, a lancé une consultation en vue de l'attribution d'un contrat ayant pour objet la construction d'un terminal méthanier de réception sur la presqu'île de Fos Cavaou, ouvrage comprenant principalement des installations de déchargement des navires méthaniers, des réservoirs de stockage et des unités de regazéification ; que le contrat a été attribué au groupement momentané d'entreprises conjoint " STS ", composé des sociétés Sofregaz, SN Technigaz et Saipem, et conclu le 17 mai 2004 ; que, par un avenant du 17 juin 2005, Gaz de France, devenu société anonyme, a cédé le contrat à sa filiale, la société du terminal méthanier de Fos Cavaou, laquelle a ensuite pris le nom de B...A...; que, par un nouvel avenant conclu le 11 juillet 2011, les parties au contrat y ont inséré une clause compromissoire prévoyant que tout différend relatif au contrat serait tranché définitivement suivant le règlement de conciliation et d'arbitrage de la chambre de commerce et d'industrie internationale par trois arbitres nommés conformément à ce règlement ; que la société Fosmax A...demande l'annulation de la sentence rendue le 13 février 2015 par le tribunal de la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale en tant, d'une part, que le tribunal a limité le montant de la condamnation du groupement STS à la somme de 68 805 345 euros et, d'autre part, qu'il l'a condamnée à payer à ce dernier la somme de 128 162 021 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 35 du décret du 27 février 2015 : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence " ;

3. Considérant que lorsque le litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat administratif ne mettant pas en jeu les intérêts du commerce international est soumis à l'arbitrage et donne lieu à une sentence arbitrale rendue en France, le recours dirigé contre cette sentence relève de la compétence du juge administratif et est porté devant le Conseil d'Etat en application de l'article L. 321-2 du code de justice administrative ; que, toutefois, lorsque le litige né de l'exécution ou de la rupture du contrat met en jeu les intérêts du commerce international, le juge administratif n'est compétent que si ce contrat relève d'un régime administratif d'ordre public ; que tel est notamment le cas des contrats administratifs soumis aux règles de la commande publique ; que le litige est alors porté devant le Conseil d'Etat en application de l'article L. 321-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant que le contrat litigieux conclu par l'établissement public industriel et commercial Gaz de France, soumis en application des articles 1er et 4 de la loi du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, à une procédure de publicité et de mise en concurrence définie par le décret du 3 août 1993 relatif à ces procédures, avait pour objet de concevoir et réaliser ou faire réaliser des travaux et ouvrages de bâtiment ou génie civil ; que ce contrat a été conclu par Gaz de France pour satisfaire à ses obligations de service public en matière de fourniture de gaz naturel définies par l'article 16 de la loi du 3 janvier 2003 relative au marché du gaz et de l'électricité, obligations portant, en particulier, sur la continuité de la fourniture de gaz et la sécurité d'approvisionnement ; que les travaux mis à la charge du groupement STS par le contrat litigieux, qui avaient ainsi pour but de permettre à Gaz de France de satisfaire à ces obligations, étaient, à la date de conclusion du contrat, réalisés pour le compte d'une personne publique, dans un but d'intérêt général, et présentaient, en conséquence, le caractère de travaux publics ; que, par suite, à la date de sa conclusion, le contrat litigieux présentait le caractère d'un contrat administratif ressortissant à la compétence de la juridiction administrative ;

5. Considérant, toutefois, que, par un avenant du 17 juin 2005, les parties ont accepté la cession du contrat par Gaz de France à la société du terminal méthanier de Fos Cavaou, devenue ensuite Fosmax A...; qu'en vertu de l'article 4.3 de cet avenant, les parties au contrat sont convenues que cette cession présentait un caractère rétroactif et substituait cette société à Gaz de France en qualité de maître d'ouvrage dès la date de signature du contrat ; que la question se pose de savoir si une telle clause a pu avoir régulièrement pour effet de modifier la nature du contrat, initialement de droit administratif, en faisant un contrat de droit privé dès la date de sa conclusion, et si, par suite, le litige relatif à la sentence arbitrale rendue en application de la clause compromissoire insérée dans le contrat postérieurement à la cession ne relève pas de la compétence du juge judiciaire ; que le litige présente ainsi à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 27 février 2015 ; que, par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par la société Fosmax A...relève ou non de la compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à sa décision ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Fosmax A...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de son action tendant à la réformation ou à l'annulation de la sentence arbitrale n° 18466/ND/MHM du 13 février 2015 du tribunal de la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société FosmaxA..., à la société TCM FR, à la société Tecnimont et à la société Saipem.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 388806
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2015, n° 388806
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388806.20151203
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