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18/11/2015 | FRANCE | N°382376

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 18 novembre 2015, 382376


Vu la procédure suivante :

La SA Orchestra Kazibao a demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et de contribution sociale auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2005 et 28 février 2007, ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties. Par un jugement n° 0904378 du 9 juin 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11MA03215 du 6 mai 2014, la cour admin

istrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société contre ce j...

Vu la procédure suivante :

La SA Orchestra Kazibao a demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et de contribution sociale auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2005 et 28 février 2007, ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties. Par un jugement n° 0904378 du 9 juin 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11MA03215 du 6 mai 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 7 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SA Orchestra Kazibao demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la SA Orchestra Kazibao ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées ; qu'hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse à ses observations, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 20 novembre 2001 avec effet au 1er janvier 2001, la société Kazibao a absorbé la société Orchestra ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Orchestra Kazibao, issue de cette fusion, au titre des exercices clos les 31 décembre 2005 et 28 février 2007, l'administration a, par une proposition de rectification du 11 décembre 2008, remis en cause le report de déficits antérieurs à la fusion ; qu'après avoir relevé que cette proposition de rectification ne se référait pas à la proposition de rectification du 14 décembre 2004 par laquelle l'administration avait remis en cause le report des déficits de la société Kazibao nés avant la fusion-absorption, la cour l'a néanmoins jugée suffisamment motivée dès lors qu'elle se référait à deux courriers dont il n'était pas soutenu qu'ils seraient insuffisamment motivés ; qu'il résulte de ce qui est dit au point 1 qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

4. Considérant que la SA Orchestra Kazibao demandait en appel la décharge des impositions supplémentaires mises en recouvrement le 10 juillet 2009, dont le montant s'élève à 1 393 291 euros ; qu'il est constant, toutefois, que cette somme comprenait deux amendes mises à sa charge en application de l'article 1788 A du code général des impôts, d'un montant total de 4 759 euros, et qui avaient été acceptées par la société ; que la société n'avait pas inclus ces deux amendes dans la demande de décharge dont elle avait saisi le tribunal administratif de Montpellier ; que la décharge demandée en première instance s'élève ainsi à la somme totale de 1 388 531 euros ; que les conclusions d'appel de la société sont, par suite, irrecevables en tant qu'elles excèdent cette somme ;

Sur le surplus des conclusions de la requête d'appel :

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la proposition de rectification du 11 décembre 2008, qui se bornait, pour motiver la remise en cause du report des déficits litigieux, à mentionner un courrier adressé à la société le 7 juillet 2006 par l'interlocuteur régional, saisi à la suite du contrôle effectué en 2004, et un courrier adressé le 27 mai 2008 par les services de la sous-direction du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques, présenté comme confirmant la position prise dans le premier courrier, ne saurait être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la SA Orchestra Kazibao est fondée, pour ce motif, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 juin 2011, le tribunal administratif de Montpellier à rejeté la demande de décharge dont elle l'avait saisi ;

6. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 5 000 euros pour l'ensemble de la procédure à verser à la SA Orchestra Kazibao au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 mai 2014 et le jugement du 9 juin 2011 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.

Article 2 : La SA Orchestra Kazibao est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et de contribution sociale auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2005 et 28 février 2007, ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties.

Article 3 : L'Etat versera une somme globale de 5 000 euros à la SA Orchestra Kazibao au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SA Orchestra Kazibao est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SA Orchestra Kazibao et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 382376
Date de la décision : 18/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT). PROPOSITION DE RECTIFICATION (OU NOTIFICATION DE REDRESSEMENT). MOTIVATION. - 1) POSSIBILITÉ DE MOTIVER PAR RÉFÉRENCE - A) RÉFÉRENCE À UN DOCUMENT JOINT - EXISTENCE - B) RÉFÉRENCE À UNE PRÉCÉDENTE PROPOSITION DE RECTIFICATION OU UNE PRÉCÉDENTE RÉPONSE AUX OBSERVATIONS DU CONTRIBUABLE - EXISTENCE - CONDITIONS - 2) APPLICATION - INSUFFISANCE DE MOTIVATION EN L'ESPÈCE.

19-01-03-02-02-01 1) Il résulte des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.... ,,L'administration peut satisfaire cette obligation :,,,a) en se référant à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable ;,,,b) en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un précédent contrôle et qui a été régulièrement notifiée au contribuable, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.,,,2) En l'espèce, une proposition de rectification se bornant à mentionner un courrier adressé antérieurement au contribuable par l'interlocuteur régional, saisi à la suite d'un précédent contrôle, et un courrier adressé par les services de la sous-direction du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques, présenté comme confirmant la position prise dans le premier courrier , ne saurait être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2015, n° 382376
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382376.20151118
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