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23/10/2015 | FRANCE | N°388889

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 23 octobre 2015, 388889


Vu la procédure suivante :

Mme G...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 22 octobre 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Kigali refusant un visa d'entrée et de long séjour à MM. F...E...et A...B.... Par une ordonnance n° 1501450 du 5 mars 2015, le juge des référés du tribunal adminis

tratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Mme G...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 22 octobre 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Kigali refusant un visa d'entrée et de long séjour à MM. F...E...et A...B.... Par une ordonnance n° 1501450 du 5 mars 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 3 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de suspendre l'exécution de la décision du 22 octobre 2014 et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés ou, à titre subsidiaire, de réexaminer les demandes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme C...;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une ordonnance du 13 janvier 2010, le tribunal de base de Niakabuye (Rwanda) a homologué l'adoption simple, par MmeC..., ressortissante française, de ses frères mineurs, MM. F...E...et A...B...; que cette ordonnance a été rendue exécutoire sur le territoire français par un jugement du tribunal de grande instance de Compiègne du 21 mai 2013 ; que la demande de visa de long séjour présentée au profit de ces enfants le 17 avril 2014 a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que, par une décision du 22 octobre 2014, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme D...contre cette décision ; que, par une ordonnance du 5 mars 2015 contre laquelle Mme C... se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'exécution de la suspension de cette décision ;

3. Considérant qu'en vertu du 2° de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions de refus de visa d'entrée en France opposées aux enfants de moins de vingt-et-un ans ou à charge d'un ressortissant français doivent être motivées ; qu'il ressortait des pièces du dossier soumis au juge des référés que le refus de visa contesté concernait deux enfants de moins de vingt-et-un ans ayant fait l'objet d'une adoption simple, lesquels appartenaient donc à l'une des catégories pour lesquelles les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, doivent être motivées ; qu'il suit de là qu'en regardant comme dépourvu de caractère sérieux le moyen tiré de ce que la commission de recours avait commis une erreur de droit en estimant que la décision de refus de visa n'était pas soumise à l'obligation de motivation prévue par ces dispositions, le juge des référés a entaché son ordonnance de dénaturation ; qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, d'annuler l'ordonnance attaquée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par MmeC... ;

5. Considérant, d'une part, qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment au caractère précaire de l'hébergement des enfants de la requérante dans leur pays d'origine, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 précité doit être regardée comme remplie ;

6. Considérant, d'autre part que pour les motifs indiqués au point 3, le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité ; que le moyen tiré de ce que le refus de visa a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales revêt également un caractère sérieux ;

7. Considérant que les deux conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative sont réunies ; qu'il convient, dès lors, de suspendre l'exécution de la décision du 22 octobre 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kigali refusant un visa d'entrée et de long séjour à MM. F...E...et A...B... ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visas dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir ce délai d'une astreinte ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à Mme C... au titre des frais exposés par elle devant le juge des référés du tribunal administratif et le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 5 mars 2015 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 22 octobre 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Kigali refusant un visa d'entrée et de long séjour à MM. F...E...et A...B...est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, au regard de ses motifs, la demande de visas au bénéfice de MM. F...E...et A...B....

Article 4 : L'Etat versera la somme de 4 000 euros à Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme G...C...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 388889
Date de la décision : 23/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2015, n° 388889
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388889.20151023
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