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23/10/2015 | FRANCE | N°375910

France | France, Conseil d'État, 3ème ssjs, 23 octobre 2015, 375910


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris la condamnation de la ville de Paris au versement d'une somme de 19 200 euros en réparation du trouble causé dans ses conditions d'existence du fait de l'absence d'indemnisation de sa perte d'emploi pendant deux ans, d'une somme de 138 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en compte de ces deux années de chômage pour la constitution de ses droits à pension et d'une somme de 12 333 euros au titre de la rémunération du travail correspondant à la réalisation de d

ocuments devant servir de support aux cours qu'elle n'a pu dispense...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris la condamnation de la ville de Paris au versement d'une somme de 19 200 euros en réparation du trouble causé dans ses conditions d'existence du fait de l'absence d'indemnisation de sa perte d'emploi pendant deux ans, d'une somme de 138 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en compte de ces deux années de chômage pour la constitution de ses droits à pension et d'une somme de 12 333 euros au titre de la rémunération du travail correspondant à la réalisation de documents devant servir de support aux cours qu'elle n'a pu dispenser en raison d'une modification du programme de formation décidé par la collectivité territoriale.

Par un jugement n° 0807653/5-2 du 17 mars 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11PA02346 du 19 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir partiellement fait droit à l'appel formé par Mme B...en annulant ce jugement en tant qu'il statue sur les préjudices résultant pour cette dernière de l'absence d'indemnisation du chômage et de l'absence de constitution de droits à pension de retraite pour ces deux années, a rejeté les conclusions de la demande de celle-ci tendant à l'indemnisation de ces préjudices ainsi que le surplus des conclusions de sa requête.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 février et 28 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;

- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988

- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A...B...et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., qui avait été recrutée par la ville de Paris en qualité de professeur à compter du mois d'avril 1983 jusqu'au 31 décembre 2005, date à laquelle son dernier engagement a pris fin, a dispensé de manière continue des cours tous les ans jusqu'au mois d'octobre 2005 ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de la ville de Paris à l'indemniser en premier lieu du trouble causé dans ses conditions d'existence du fait de la non indemnisation de sa perte d'emploi pendant les deux années qui ont suivi, avant son admission à la retraite, en deuxième lieu du préjudice résultant de l'absence de prise en compte de ces années de chômage pour la constitution de ses droits à pension de retraite et en dernier lieu d'une somme correspondant à la rémunération du travail accompli pour la réalisation de documents qu'elle avait élaborés pour servir de support à des cours qu'elle n'a pas dispensés en raison d'une modification du programme de formation décidé en 2005 par la collectivité ; que Mme B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mars 2011 en tant qu'il statue sur les préjudices résultant pour elle de la non indemnisation du chômage et de l'absence de constitution de droits à pension de retraite pendant deux années, a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de ces préjudices ainsi que le surplus de sa requête ;

2. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il rejette la demande de réparation d'un préjudice en se fondant sur l'absence de lien de causalité directe entre ce préjudice et l'action de la collectivité en cause, le juge ne soulève pas d'office un moyen mais relève seulement que l'une des conditions de la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique n'est pas remplie ; que, par suite, en jugeant qu'en l'absence de lien de causalité direct et certain entre les fautes invoquées par la requérante et les préjudices en cause, les conclusions de cette dernière tendant à l'indemnisation du trouble causé dans ses conditions d'existence par l'absence de versement d'allocation de retour à l'emploi et le défaut de prise en compte des années de chômage pour la constitution de ses droits à pension de retraite, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la requérante n'a jamais invoqué le grief tiré de ce que la ville de Paris ne lui avait pas remis d'attestation d'emploi lorsqu'il a été mis fin à ses fonctions ; que Mme B...ne peut utilement contester le bien-fondé de l'arrêt qu'elle attaque en invoquant, pour la première fois devant le juge de cassation, le moyen, qui n'est pas d'ordre public et n'est pas né de cet arrêt, tiré de ce qu'il existait un lien de causalité entre l'absence de remise par la ville de Paris de l'attestation d'emploi, d'une part, et les préjudices liés au trouble causé dans ses conditions d'existence résultant de l'absence de versement d'allocation de retour à l'emploi et du défaut de prise en compte des années de chômage pour la constitution de ses droits à pension de retraite qu'elle avait subis, d'autre part ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 3 de la délibération du Conseil de Paris du 24 mars 1980 relative à la fixation des rémunérations allouées aux personnes, fonctionnaires ou non fonctionnaires, assurant à titre d'occupation accessoire soit une tâche d'enseignement auprès des personnels de la ville de Paris, soit le fonctionnement de jurys de concours de la ville de Paris, ces personnes perçoivent des indemnités variables suivant le groupe dans lequel est classé l'enseignement qu'elles dispensent et dans la limite de taux fixés en pourcentage du traitement brut afférent à l'indice net 450, une majoration de 30 % des taux pouvant être accordée aux personnes donnant des cours et conférences dans les groupes I et I bis lorsque ces cours et conférences ont fait l'objet d'une rédaction personnelle et complète ; qu'aux termes de l'article 12 de la même délibération du Conseil de Paris : "en aucun cas, la préparation ou le choix des sujets ne donne lieu à rétribution supplémentaire. Toutefois, les délibérations prévues à l'article 14 peuvent exceptionnellement prévoir une dérogation à cette règle, pour les concours classés dans les groupes 1, 1 bis et 2, dans les cas où la préparation du sujet impose au correcteur un travail anormalement important,.../... " ;

5. Considérant que la cour a relevé qu'il résultait de l'instruction que les cours dispensés par la requérante, eu égard au public auxquels ils étaient destinés, ne relevaient ni du groupe I ni du groupe I bis de rémunération qui seuls, aux termes de l'article 3 de la délibération du Conseil de Paris du 24 mars 1980, peuvent dans certains cas donner lieu à une majoration de trente pour cent et n'étaient pas non plus des cours destinés à la préparation des concours qui peuvent, s'ils requièrent une préparation particulièrement importante, donner lieu à une rémunération supplémentaire en application des dispositions combinées de l'article 12 de la délibération du Conseil de Paris du 24 mars 1980 et de l'article 12 de la délibération des 20/21 décembre 1982 du Conseil de Paris ; qu'en se fondant uniquement sur ces délibérations du Conseil de Paris relatives à la rémunération des cours dispensés pour juger que la requérante ne pouvait revendiquer le paiement du travail d'élaboration de documents pédagogiques correspondant à des cours qu'elle n'a pas assurés, sans rechercher si le travail réalisé par l'enseignante répondait à une commande qui n'avait pas été honorée, et ne devait pas donner lieu à indemnisation, la cour a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du travail d'élaboration des supports pédagogiques ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros à verser à Mme B...au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt n° 11PA02346 du 19 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B...tendant à l'indemnisation du travail d'élaboration des supports pédagogiques.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La ville de Paris versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la ville de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la ville de Paris.


Synthèse
Formation : 3ème ssjs
Numéro d'arrêt : 375910
Date de la décision : 23/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2015, n° 375910
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375910.20151023
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