La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2015 | FRANCE | N°381173

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 14 octobre 2015, 381173


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 juin, 11 septembre et 22 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société Générale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2013-04 du 11 avril 2014 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) lui a infligé un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de deux millions d'euros et a ordonné la publication de cette décision au registre de l'Autori

té ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des di...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 juin, 11 septembre et 22 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société Générale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2013-04 du 11 avril 2014 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) lui a infligé un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de deux millions d'euros et a ordonné la publication de cette décision au registre de l'Autorité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code monétaire et financier ;

- la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Société Générale et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 septembre 2015, présentée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle réalisé du 20 juillet au 26 novembre 2012 et conclu par un rapport d'inspection définitif du 8 mars 2013, le collège de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a, le 22 mai 2013, décidé l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de la Société Générale pour des manquements aux obligations en matière de droit au compte auxquelles elle est soumise en application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier et en matière de contrôle interne ; que, par une décision rendue le 11 avril 2014, dont elle a ordonné la publication au registre de l'Autorité, la commission des sanctions de l'ACPR a prononcé à l'encontre de la Société Générale un blâme et une sanction pécuniaire d'un montant de deux millions d'euros ; que la Société Générale demande l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable pendant la période sur laquelle a porté le contrôle, soit entre le 1er juillet 2010 et le 30 juin 2012 : " Toute personne physique ou morale domiciliée..., dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix. / (...) En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne un établissement de crédit situé à proximité de son domicile ou d'un autre lieu de son choix, en prenant en considération les parts de marché de chaque établissement concerné, dans un délai d'un jour ouvré à compter de la réception des pièces requises. (...) / Les établissements de crédit ne peuvent limiter les services liés à l'ouverture d'un compte de dépôt aux services bancaires de base que dans des conditions définies par décret. (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 312-6 du même code : " Toute personne physique ou morale domiciliée en Franceayant ouvert un compte de dépôt auprès d'un établissement désigné selon la procédure définie au deuxième alinéa de l'article L. 312-1 peut bénéficier des services bancaires mentionnés à l'article D. 312-5 sans contrepartie contributive de sa part " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'établissement de crédit désigné par la Banque de France a l'obligation de proposer l'ouverture d'un compte de dépôt gratuit comportant l'ensemble des services bancaires de base ; que, d'une part, si, jusqu'à l'intervention de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, postérieure à la période soumise au contrôle, l'établissement de crédit désigné par la Banque de France n'était soumis à aucun délai pour rendre l'ouverture du compte effective, il résulte de ces dispositions que l'établissement ainsi désigné avait l'obligation de procéder à l'ouverture du compte dans un délai raisonnable ; que, d'autre part, il est loisible à l'établissement de proposer, en plus de l'offre d'un compte gratuit, l'ouverture d'un compte de dépôt tarifé comportant des services complémentaires ;

3. Considérant que, pour juger établi le manquement n° 1 tiré du refus d'ouverture par la Société Générale de 5 277 comptes à des personnes pour lesquelles elle avait été désignée par la Banque de France entre le 1er juillet 2010 et le 30 juin 2012, en application des dispositions précitées de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, la commission des sanctions s'est fondée sur ce que la Société Générale, d'une part, ainsi qu'il ressort du rapport d'inspection, avait été désignée 6 534 fois durant cette période et n'avait ouvert que 1 257 comptes relevant du dispositif de droit au compte et, d'autre part, n'avait pas utilement contesté cet écart durant la procédure contradictoire ;

4. Considérant qu'en présence d'éléments rendant vraisemblable un manquement à l'obligation mentionnée au point 2 entraînant l'engagement d'une procédure devant la commission des sanctions, il appartient au collège de l'ACPR, qui a la charge de l'établir, de demander formellement à l'établissement de crédit mis en cause d'apporter les éléments, dont cet établissement est seul à disposer, permettant de déterminer, pour les demandeurs auxquels la Banque de France l'a désigné, les suites données aux demandes d'ouverture de compte ; que c'est seulement au vu des réponses fournies par l'établissement de crédit, ou de l'absence de réponse, que le manquement peut, le cas échéant, être regardé comme établi ; que, par suite, la commission des sanctions ne pouvait retenir que le manquement n° 1 était établi par l'autorité de poursuite sur le seul fondement de son caractère vraisemblable, révélé par l'écart constaté entre le nombre de demandes et le nombre d'ouvertures de comptes relevant du dispositif de droit au compte, sans que la Société Générale n'ait été invitée à apporter, pour les demandeurs concernés, les éléments dont elle était la seule à disposer et qui permettaient de déterminer les suites données aux décisions prises par la Banque de France ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la décision attaquée doit, eu égard à l'unicité de la sanction prononcée, être annulée dans sa totalité ; que cette annulation ne fait toutefois pas obstacle à ce que la commission des sanctions reprenne l'instruction de la procédure devant elle, sur le fondement des griefs qui lui ont été notifiés et en prenant en compte, le cas échéant, les éléments de preuve supplémentaires qu'il revient à l'autorité de poursuite d'apporter ;

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ACPR au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ACPR) la somme de 3 500 euros à verser à la Société Générale au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution du 11 avril 2014 est annulée.

Article 2 : L'Etat (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) versera à la Société Générale la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société Générale et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 381173
Date de la décision : 14/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - SANCTION D'UN MANQUEMENT À L'ARTICLE L - 312-1 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER (DROIT AU COMPTE) - PROCÉDURE - ETABLISSEMENT DU MANQUEMENT - RÉGIME DE PREUVE.

13-027 En présence d'éléments rendant vraisemblable un manquement d'un établissement de crédit désigné par la Banque de France en application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier à son obligation de proposer l'ouverture d'un compte de dépôt gratuit comportant l'ensemble des services bancaires de base, qui entraînent l'engagement d'une procédure devant la commission des sanctions, il appartient au collège de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui a la charge de l'établir, de demander formellement à l'établissement de crédit mis en cause d'apporter les éléments, dont cet établissement est seul à disposer, permettant de déterminer, pour les demandeurs auxquels la Banque de France l'a désigné, les suites données aux demandes d'ouverture de compte. C'est seulement au vu des réponses fournies par l'établissement de crédit, ou de l'absence de réponse, que le manquement peut, le cas échéant, être regardé comme établi.... ,,Par suite, la commission des sanctions ne peut retenir qu'un tel manquement est établi par l'autorité de poursuite sur le seul fondement de son caractère vraisemblable, révélé par l'écart constaté entre le nombre de demandes et le nombre d'ouvertures de comptes relevant du dispositif de droit au compte, sans que l'établissement de crédit en cause ne soit invité à apporter, pour les demandeurs concernés, les éléments dont il est le seul à disposer et qui permettent de déterminer les suites données aux décisions prises par la Banque de France.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - SANCTION PAR L'ACPR D'UN MANQUEMENT À L'ARTICLE L - 312-1 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER (DROIT AU COMPTE) - PROCÉDURE - ETABLISSEMENT DU MANQUEMENT - RÉGIME DE PREUVE.

59-02-02 En présence d'éléments rendant vraisemblable un manquement d'un établissement de crédit désigné par la Banque de France en application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier à son obligation de proposer l'ouverture d'un compte de dépôt gratuit comportant l'ensemble des services bancaires de base, qui entraînent l'engagement d'une procédure devant la commission des sanctions, il appartient au collège de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui a la charge de l'établir, de demander formellement à l'établissement de crédit mis en cause d'apporter les éléments, dont cet établissement est seul à disposer, permettant de déterminer, pour les demandeurs auxquels la Banque de France l'a désigné, les suites données aux demandes d'ouverture de compte. C'est seulement au vu des réponses fournies par l'établissement de crédit, ou de l'absence de réponse, que le manquement peut, le cas échéant, être regardé comme établi.... ,,Par suite, la commission des sanctions ne peut retenir qu'un tel manquement est établi par l'autorité de poursuite sur le seul fondement de son caractère vraisemblable, révélé par l'écart constaté entre le nombre de demandes et le nombre d'ouvertures de comptes relevant du dispositif de droit au compte, sans que l'établissement de crédit en cause ne soit invité à apporter, pour les demandeurs concernés, les éléments dont il est le seul à disposer et qui permettent de déterminer les suites données aux décisions prises par la Banque de France.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2015, n° 381173
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:381173.20151014
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award