La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2015 | FRANCE | N°375538

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème ssr, 14 octobre 2015, 375538


Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 375538 du 5 novembre 2014, le Conseil d'Etat n'a admis les conclusions du pourvoi de la société civile immobilière (SCI) Les Colonnades qui tendent à l'annulation de l'arrêt n° 12BX01322 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 novembre 2013 qu'en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des préjudices de cette société résultant de la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif par le maire de la commune de Goyave (Guadeloupe).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanism

e ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

...

Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 375538 du 5 novembre 2014, le Conseil d'Etat n'a admis les conclusions du pourvoi de la société civile immobilière (SCI) Les Colonnades qui tendent à l'annulation de l'arrêt n° 12BX01322 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 novembre 2013 qu'en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des préjudices de cette société résultant de la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif par le maire de la commune de Goyave (Guadeloupe).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la SCI Les Colonnades ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Les Berges de la Rose, devenue la SCI Les Colonnades, a sollicité le 23 juin 2004 auprès du maire de la commune de Goyave (Guadeloupe) un certificat d'urbanisme sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, pour la réalisation d'un projet de construction décrit dans sa demande ; que, par décision du 4 août 2004, le maire a délivré un certificat positif dans lequel était cochée, dans le cadre 10, la case " le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée (article L. 410-1, 2ème alinéa) " mais qui comportait également, dans le cadre 9 relatif aux observations et prescriptions particulières, la mention selon laquelle " l'attention du pétitionnaire (était) attirée sur les risques naturels pouvant se produire sur le terrain (zone inondable) " ; que la SCI a acquis le terrain par un acte notarié du 21 octobre 2004 et sollicité un permis de construire ; que, par arrêté du 18 avril 2005, le maire le lui a refusé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de risques d'inondation ; que la SCI a recherché la responsabilité de la commune de Goyave tant pour lui avoir délivré un certificat d'urbanisme positif que pour avoir refusé de lui délivrer le permis après lui avoir demandé de réaliser des études complémentaires ; que, par un arrêt du 14 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a fait droit à ses conclusions indemnitaires qu'en tant qu'elles tendaient au remboursement des frais liés à la demande de renseignements complémentaires ; que, par une décision du 5 novembre 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a admis le pourvoi de la SCI dirigé contre cet arrêt en tant qu'il concerne le rejet des conclusions tendant à obtenir réparation des conséquences dommageables de la délivrance du certificat d'urbanisme positif ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige porté devant les juges du fond : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. / Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. / Dans le cas où la constructibilité du terrain ou la possibilité de réaliser une opération déterminée est subordonnée à l'avis ou à l'accord des services, autorités ou commissions relevant du ministre chargé des monuments historiques ou des sites, le certificat d'urbanisme en fait expressément la réserve. / (...) " ;

3. Considérant que, pour rejeter les conclusions de la SCI Les Colonnades tendant à la réparation du préjudice que lui avait causé la délivrance du certificat d'urbanisme positif du 4 août 2004, la cour, sans statuer sur la légalité du certificat d'urbanisme litigieux, a retenu que la société était, en tout état de cause, en droit d'introduire dans l'acte de vente une condition suspensive relative à l'obtention du permis de construire et qu'en s'abstenant de le faire, elle avait commis une imprudence fautive, de nature à exonérer la commune de toute responsabilité ; que, toutefois, en s'abstenant de rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, la SCI Les Colonnades avait été effectivement en mesure d'introduire une telle clause, compte tenu notamment des conditions dans lesquelles elle avait pu se porter acquéreur du terrain, la cour n'a pas légalement justifié son arrêt en tant qu'il retient une imprudence de la société ; qu'au surplus, si une telle imprudence, à la supposer constituée, était de nature à atténuer la responsabilité de la commune, la cour ne pouvait, sans commettre une erreur de qualification juridique, lui attribuer un effet totalement exonératoire ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Goyave la somme de 3 500 euros à verser à la SCI Les Colonnades, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 novembre 2013 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la SCI Les Colonnades tendant à l'indemnisation des préjudices ayant résulté pour elle de la délivrance du certificat d'urbanisme positif du 4 août 2004.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : La commune de Goyave versera à la SCI Les Colonnades la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Les Colonnades et à la commune de Goyave.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 375538
Date de la décision : 14/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - POLICE DE L'URBANISME - DÉLIVRANCE D'UN CERTIFICAT D'URBANISME ERRONÉ - CONDITIONS D'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA COMMUNE [RJ1].

60-02 Pour rejeter des conclusions tendant à la réparation du préjudice causé à l'acquéreur d'un terrain par la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif sans statuer sur la légalité de ce certificat d'urbanisme, la cour a retenu que l'acquéreur était, en tout état de cause, en droit d'introduire dans l'acte de vente une condition suspensive relative à l'obtention du permis de construire et qu'en s'abstenant de le faire, il avait commis une imprudence fautive, de nature à exonérer la commune de toute responsabilité. En s'abstenant de rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, l'acquéreur avait été effectivement en mesure d'introduire une telle clause, compte tenu notamment des conditions dans lesquelles il avait pu se porter acquéreur du terrain, la cour n'a pas légalement justifié son arrêt en tant qu'il retient une imprudence de l'acquéreur.... ,,Au surplus, si une telle imprudence, à la supposer constituée, était de nature à atténuer la responsabilité de la commune, la cour ne pouvait, sans commettre une erreur de qualification juridique, lui attribuer un effet totalement exonératoire.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - CAUSES EXONÉRATOIRES DE RESPONSABILITÉ - FAUTE DE LA VICTIME - POLICE DE L'URBANISME - DÉLIVRANCE D'UN CERTIFICAT D'URBANISME ERRONÉ - CONDITIONS D'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA COMMUNE [RJ1] - CARACTÈRE EXONÉRATOIRE DE L'IMPRUDENCE À NE PAS AVOIR INTRODUIT UNE CONDITION SUSPENSIVE À L'OBTENTION DU PERMIS DE CONSTRUIRE DANS L'ACTE DE VENTE - APPRÉCIATION AU CAS D'ESPÈCE.

60-04-02-01 Pour rejeter des conclusions tendant à la réparation du préjudice causé à l'acquéreur d'un terrain par la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif sans statuer sur la légalité de ce certificat d'urbanisme, la cour a retenu que l'acquéreur était, en tout état de cause, en droit d'introduire dans l'acte de vente une condition suspensive relative à l'obtention du permis de construire et qu'en s'abstenant de le faire, il avait commis une imprudence fautive, de nature à exonérer la commune de toute responsabilité. En s'abstenant de rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, l'acquéreur avait été effectivement en mesure d'introduire une telle clause, compte tenu notamment des conditions dans lesquelles il avait pu se porter acquéreur du terrain, la cour n'a pas légalement justifié son arrêt en tant qu'il retient une imprudence de l'acquéreur.... ,,Au surplus, si une telle imprudence, à la supposer constituée, était de nature à atténuer la responsabilité de la commune, la cour ne pouvait, sans commettre une erreur de qualification juridique, lui attribuer un effet totalement exonératoire.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur la responsabilité de la commune en cas de classement illégal d'un terrain en zone constructible, CE, 8 avril 2015, Ministre de l'égalité des territoires et du logement c/ Commune de Crozon et Société Masarin, n° 367167, à mentionner aux tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2015, n° 375538
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375538.20151014
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award