Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Office français inter-entreprises a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 octobre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Noisy-le-Grand, l'acquisition des parcelles nécessaires à la création d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre-Brossolette. Par un jugement n° 0511404 du 29 mai 2008, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 13VE01699 du 13 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté les appels formés contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise par la commune de Noisy-le-Grand, d'une part, et le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, d'autre part.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 12 mai, 12 août, 4 novembre et 10 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Noisy-le-Grand demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 13 mars 2014 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Office français inter-entreprises la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de Noisy-le-Grand, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Office français inter-entreprises ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 21 octobre 2005, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Noisy-le-Grand et après enquête publique, la création d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre-Brossolette. A la demande de la société Office français inter-entreprises, propriétaire d'un immeuble à usage de commerce situé sur une parcelle concernée par l'opération, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement du 29 mai 2008, annulé pour excès de pouvoir cet arrêté. Par un arrêt du 13 mars 2014, contre lequel la commune de Noisy-le-Grand se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté les appels formés contre ce jugement par cette commune et par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le Conseil d'Etat, statuant sur un pourvoi en cassation formé contre une décision juridictionnelle, annule cette décision et renvoie l'affaire aux juges du fond, il appartient à la juridiction de renvoi de viser et d'analyser dans sa nouvelle décision l'ensemble des productions présentées devant elle.
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, a omis de mentionner dans ses visas le mémoire présenté par la commune appelante et enregistré à son greffe le 29 mars 2010, de même que l'ensemble des autres mémoires produits tant par la commune et le ministre appelants que par la société intimée avant la clôture de la première instruction devant elle, à la seule exception des requêtes introductives d'instance. Or il ressort des pièces des dossiers soumis à la cour que ce mémoire, qui précisait les finalités d'intérêt général auxquelles le projet répondait, écartait l'existence de solutions alternatives équivalentes et invoquait l'intérêt économique et social présenté par le projet, faisait également valoir que le principe de la création de nouvelles liaisons entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre-Brossolette, telles que celle déclarée d'utilité publique par l'arrêté litigieux, était prévu tant par le plan d'aménagement de zone adopté en 1985 que par le plan adopté ultérieurement en 1993, et modifié en 1998. Ces écritures apportaient ainsi des éléments nouveaux quant aux justifications de l'utilité publique du projet, auxquels il n'a pas été répondu dans les motifs de l'arrêt, alors qu'ils n'étaient pas dépourvus d'influence sur le règlement du litige dont la cour était saisie. Dès lors, l'omission du visa et de l'analyse du mémoire enregistré au greffe de la cour le 29 mars 2010 est de nature à vicier la régularité de l'arrêt attaqué.
4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Noisy-le-Grand est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen d'irrégularité retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.
5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond et de statuer, après les avoir jointes, sur les requêtes d'appel formées par la commune de Noisy-le-Grand, d'une part, et le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, d'autre part.
6. Aux termes du cinquième alinéa de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " Un avis au public faisant connaître l'ouverture de l'enquête est, par les soins du préfet, publié en caractères apparents huit jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements intéressés (...) ". S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par ces dispositions, leur méconnaissance n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
7. Il ressort des pièces des dossiers que l'enquête publique a commencé le 7 juin 2005, que l'avis d'enquête publique a été publié le 21 mai 2005 dans un journal régional ou local diffusé dans tout le département et que cette publication a été renouvelée dans l'édition du 9 juin 2005 du même journal. Cet avis d'enquête publique a également fait l'objet d'une information résumée accompagnée de renseignements pratiques dans le magazine municipal gratuit " Noisy-Mag ", le 4 juin 2005. D'une part, ce magazine ne constitue pas un journal régional ou local diffusé dans tout le département et, d'autre part, la publication de cette information dans ce magazine, qui n'a pas été faite par les soins du préfet, n'est pas intervenue huit jours au moins avant le début de l'enquête. Dès lors, les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction alors en vigueur, ont été méconnues. Toutefois, ainsi que le fait valoir la commune de Noisy-le-Grand, le magazine " Noisy-Mag ", accessible en tout point du département du fait de sa publication sur le site internet de la commune, a été distribué dans l'ensemble des boîtes aux lettres de la commune et mis à la disposition du public en mairie. Par ailleurs, il ressort du rapport établi par le commissaire enquêteur que douze observations ont été formulées sur le registre d'enquête et que la société Office français inter-entreprises, en particulier, a été en mesure de faire valoir son opposition au projet. Eu égard à l'ampleur modeste de ce projet, qui nécessitait l'acquisition d'une unique parcelle, la méconnaissance des dispositions citées ci-dessus du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'a, dans les circonstances particulières de l'espèce et contrairement à ce que soutient la société Office français inter-entreprises, pas eu pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées et n'a pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler l'arrêté attaqué, sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
8. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Office français inter-entreprises devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
9. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Bonte, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, qui disposait d'une délégation du préfet de ce département en vertu d'un arrêté du 10 janvier 2005, publié au numéro spécial du 13 janvier suivant du Bulletin d'informations administratives de la préfecture de Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes du sixième alinéa de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur, l'avis au public faisant connaître l'ouverture de l'enquête est publié, " huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, (...) par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet ; cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et est certifié par lui ". En l'espèce, cet avis a été publié par voie d'affiches sur trente-trois panneaux administratifs de la commune de Noisy-le-Grand, seule commune concernée par le projet, ainsi que le certifie un procès-verbal dressé le 30 mai 2005 par un agent communal assermenté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet affichage n'a pas été maintenu pendant toute la durée de l'enquête. Dans ces conditions, la société Office français inter-entreprises n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des dispositions relatives à l'affichage de l'avis au public.
11. En troisième lieu, le I de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur, prévoyait que le dossier adressé au préfet par l'expropriant comporte " l'étude d'impact définie à l'article 2 du décret (...) du 12 octobre 1977, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ". Le C de l'article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature dispensait de la production d'une telle étude, dans sa rédaction applicable au litige, " les aménagements, ouvrages et travaux dont le coût total est inférieur à 1,9 million d'euros " en précisant, dans le cas d'une réalisation fractionnée, que " le montant à retenir est celui du programme général de travaux ". L'appréciation sommaire des dépenses du projet de création d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre-Brossolette, qui figurait dans le dossier soumis à l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, s'élevait à 322 000 euros. Il ne ressort pas des pièces des dossiers, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que cette appréciation serait manifestement sous-évaluée ou que l'opération appartiendrait à un programme plus vaste faisant l'objet d'une réalisation fractionnée. Par suite, la société Office français inter-entreprises n'est pas fondée à soutenir que, faute de l'étude d'impact mentionnée par le I de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'arrêté attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.
12. En quatrième lieu, aux termes du quinzième alinéa de l'article R. 11-3 du même code, alors en vigueur : " (...) la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu ". Il ressort des pièces des dossiers que l'étude d'impact présente les différents partis envisagés, tels que la création d'un nouvel accès seulement piétonnier, ou la création d'un nouvel accès à un autre emplacement, ainsi que les raisons pour lesquelles le parti de création d'un nouvel accès à hauteur du 164 rue Pierre-Brossolette a été retenu, en tenant compte de l'environnement du projet. Par suite, le moyen tiré de ce que la notice explicative ne justifierait pas le parti retenu du point de vue de l'insertion dans l'environnement doit être écarté.
13. En dernier lieu, il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine, et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
14. En l'espèce, le projet de création d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre-Brossolette, dont le principe avait été posé par le plan d'aménagement de zone adopté en 1985 ainsi que par le plan adopté en 1993 et modifié en 1998, a pour objectif principal, en améliorant l'accessibilité des commerces de la rue Pierre-Brossolette après la limitation du stationnement automobile dans cette rue, de créer un espace commercial cohérent, fonctionnel et attractif au sein du centre-ville de Noisy-le-Grand. Il répond ainsi à des finalités d'intérêt général. En outre, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la commune aurait été en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, dès lors, en particulier, qu'elle ne disposait pas, contrairement à ce que soutient la société Office français inter-entreprises, de l'entière propriété de l'immeuble situé dans cette même rue, cadastré section AD n° 206. Enfin, l'atteinte à la propriété privée, limitée à la destruction d'un immeuble à usage de commerce, le coût financier de l'opération ainsi que l'inconvénient d'ordre économique du projet, lié à la suppression d'un commerce de torréfaction de café, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt que présente la création de cette nouvelle liaison pour l'aménagement du centre-ville de Noisy-le-Grand, ainsi que l'a relevé le commissaire enquêteur avant d'émettre un avis favorable à l'opération. Dès lors, la société Office français inter-entreprises n'est pas fondée à soutenir que ce projet serait dépourvu d'utilité publique.
15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Noisy-le-Grand et le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 octobre 2005 déclarant d'utilité publique, au profit de la commune de Noisy-le-Grand, l'acquisition des parcelles nécessaires à la création d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre-Brossolette.
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Office français inter-entreprises, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 4 000 euros à verser à la commune de Noisy-le-Grand au titre des frais exposés par elle devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la cour administrative d'appel de Versailles et le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de la commune de Noisy-le-Grand, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 13 mars 2014 et le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 mai 2008 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la société Office-français inter-entreprises devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : La société Office français inter-entreprises versera, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 4 000 euros à la commune de Noisy-le-Grand.
Article 4 : Les conclusions de la société Office français inter-entreprises présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Noisy-le-Grand et à la société Office français inter-entreprises.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.