Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis, à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 67 554 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de sa première demande et la capitalisation de ces intérêts à compter du 8 janvier 2009, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la modification des dispositions relatives à l'attribution de la bonification de pension pour enfant opérée par la loi du 21 août 2003 et de la faute commise par l'Etat du fait de la méconnaissance par les décisions de justice rendues à son égard des règles et principes communautaires et, à titre subsidiaire, à ce que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie d'une question préjudicielle portant sur la conformité de la législation française avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par une ordonnance n° 0900771 du 4 décembre 2012, le président du tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13BX00389 du 3 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 décembre 2013, 3 mars 2014 et 23 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler cet arrêt, réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner au ministre des finances et des comptes publics la communication des données brutes des pensions de l'Etat de 2013 ayant permis d'établir des écarts de pensions entre fonctionnaires hommes et femmes en fonction du nombre de leurs enfants, et de la méthode d'exploitation statistique utilisée, et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de trois nouvelles questions préjudicielles.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. et Mme A...;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :/ (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ;/ ". Aux termes du II du même article 48, ces dispositions " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 ". En vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 6 du décret du 26 décembre 2003, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la pension de retraite de M. A...a été liquidée par un arrêté du 19 janvier 2004 avec effet au 19 octobre 2003. Par suite, en jugeant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'application du décret du 26 décembre 2003 à la pension de retraite de l'intéressé était entachée de rétroactivité, que cette pension avait été liquidée postérieurement à la date d'entrée en vigueur de ce texte, publié le 30 décembre 2003 au Journal officiel de la République française, la cour a dénaturé les pièces du dossier.
3. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de leur pourvoi.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 octobre 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.