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25/09/2015 | FRANCE | N°370097

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 25 septembre 2015, 370097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BP France a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution d'une créance sur le Trésor d'un montant de 21 348 632 euros, née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2006 sur les bénéfices des exercices clos en 2003 et 2004. Par un jugement n° 0909927 du 24 février 2011, le tribunal a fait partiellement droit à sa demande, à hauteur de 13 338 472 euros.

Par un arrêt n° 11VE01732 du 18 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir

annulé ce jugement en tant qu'il avait omis de constater le non-lieu résultant d'une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BP France a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution d'une créance sur le Trésor d'un montant de 21 348 632 euros, née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2006 sur les bénéfices des exercices clos en 2003 et 2004. Par un jugement n° 0909927 du 24 février 2011, le tribunal a fait partiellement droit à sa demande, à hauteur de 13 338 472 euros.

Par un arrêt n° 11VE01732 du 18 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé ce jugement en tant qu'il avait omis de constater le non-lieu résultant d'une restitution partielle accordée en cours d'instance par l'administration fiscale, en premier lieu, a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de la société BP France à concurrence de la somme de 7 956 642 euros correspondant à cette restitution partielle, en deuxième lieu, a remis à la charge de cette société la somme de 9 360 913 euros et a réformé l'article 1er du jugement en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions du recours du ministre.

Procédures devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 370097, par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 juillet 2013, 18 juillet 2014 et 22 septembre 2014, le ministre délégué, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 5 de l'arrêt n° 11VE01732 du 18 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

2° Sous le n° 370170, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 juillet et 15 octobre 2013 et le 7 octobre 2014, la société BP France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11VE01732 du 18 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre délégué, chargé du budget ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 ;

- la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Japiot, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société BP France ;

1. Considérant que les pourvois du ministre délégué, chargé du budget, et de la société BP France sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société BP France a sollicité, sur le fondement des dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts, le remboursement d'une créance née du report en arrière du déficit constaté au titre de l'exercice 2006 sur les bénéfices des exercices 2003 et 2004, pour un montant total de 21 348 632 euros, soit 9 360 913 euros de créance correspondant au déficit reporté en arrière sur 2003 et 11 987 719 euros de créance correspondant au déficit reporté en arrière sur 2004 ; que l'administration fiscale n'a admis cette demande qu'à hauteur d'un montant total de 53 518 euros ; qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Montreuil, elle a accordé un remboursement complémentaire de 7 956 642 euros au titre de l'exercice 2004 à raison de la prise en compte d'une créance de report en arrière née lors de l'exercice 2001 ; que le tribunal a fixé, par un jugement du 24 février 2011, le montant total de la créance à rembourser à la société à 13 338 472 euros ; que par un arrêt du 18 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles, en premier lieu, a annulé ce jugement en tant qu'il a omis de constater le non-lieu résultant du remboursement de 7 956 642 euros accordé en cours d'instance au titre de 2004, en deuxième lieu, a remis à la charge de la société BP France une somme de 9 360 913 euros au titre du report en arrière sur l'exercice 2003 et a réformé l'article 1er du jugement en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions du recours du ministre ; que le ministre délégué, chargé du budget, et la société BP France se pourvoient en cassation contre cet arrêt ; qu'ils doivent être regardés comme contestant celui-ci en tant qu'il leur est défavorable ; qu'ainsi, la fin de non recevoir opposée par le ministre au pourvoi de la société BP France, tirée de ce que celle-ci ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre la partie de l'arrêt attaqué relative à l'exercice 2004, doit être écartée ;

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté (...) par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l'exclusion des bénéfices exonérés en application des articles 44 sexies (...) ou qui ont ouvert droit au crédit d'impôt prévu aux articles 220 quater et 220 quater A ou qui ont donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôts.(...) / L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance d'égal montant. (...) / La créance est remboursée au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option visée au premier alinéa a été exercée " ; qu'aux termes du II de l'article 11 de la loi du 30 décembre 2000, alors applicable : " Les entreprises dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation doivent acquitter (...) une taxe exceptionnelle assise sur la fraction excédant 100 millions de francs du montant de la provision pour hausse des prix prévue au onzième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et inscrite au bilan à la clôture de cet exercice (...). / [La taxe] est imputable, par le redevable de cet impôt, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle est assise est réintégrée. Elle n'est pas admise en charge déductible pour la détermination du résultat imposable " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 25 de la loi du 28 décembre 2001, qui a institué une taxe complémentaire, ayant la même assiette que cette taxe exceptionnelle, cette taxe " est imputable, par le redevable de cet impôt, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice suivant celui au cours duquel la provision sur laquelle elle est assise est réintégrée (...) La taxe complémentaire n'est pas admise en charge déductible pour la détermination du résultat imposable " ;

Sur le pourvoi présenté par le ministre délégué, chargé du budget :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le montant de 11 987 719 euros, que la cour a retenu comme étant celui de la créance sur le Trésor au titre du déficit reporté en arrière sur l'exercice 2004, en application des dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts, incluait la part de cette créance correspondant à l'imputation des taxes sur la provision pour hausse des prix ; qu'ainsi, en jugeant que l'Etat devait rembourser à la société BP France ce montant, diminué du remboursement initial de l'administration et du dégrèvement intervenu en cours d'instance, alors qu'elle avait jugé que la société ne pouvait pas légalement bénéficier d'une créance correspondant à une telle imputation, la cour a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ;

5. Considérant qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que le ministre délégué, chargé du budget est fondé à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur le pourvoi de la société BP France :

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 3, éclairées par leurs travaux préparatoires, que les entreprises peuvent imputer le déficit d'un exercice sur les bénéfices réalisés lors de l'un des trois exercices précédents, sous réserve que le montant ainsi imputé n'excède pas la fraction non distribuée de ces bénéfices, déduction faite, dans les conditions prévues par le premier alinéa précité de l'article 220 quinquies du code général des impôts, des bénéfices exonérés ou ayant donné lieu à un impôt acquitté par voie de crédit d'impôt ; qu'aucune de ces dispositions ne fait obstacle à l'imputation d'un tel déficit sur les bénéfices pour lesquels l'impôt sur les sociétés a été acquitté par imputation de la taxe exceptionnelle et de la taxe complémentaire sur la provision pour hausse des prix instituées par les lois des 30 décembre 2000 et 28 décembre 2001 ;

7. Considérant qu'il en résulte que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la société BP France ne pouvait pas imputer le déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2006 sur la fraction du bénéfice imposable au titre de l'exercice 2003 pour laquelle elle s'était acquittée de l'impôt sur les sociétés exclusivement par imputation du montant des taxes sur la provision pour hausse des prix ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société BP France est fondée à demander l'annulation des articles 3, 4 et 6 de l'arrêt qu'elle attaque ;

Sur les conclusions de la société BP France présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la société BP France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 3 à 6 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 18 avril 2013 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la société BP France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société BP France.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 370097
Date de la décision : 25/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 sep. 2015, n° 370097
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Japiot
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370097.20150925
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