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18/09/2015 | FRANCE | N°384122

France | France, Conseil d'État, 7ème / 2ème ssr, 18 septembre 2015, 384122


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a notamment demandé le 30 septembre 2011 au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du ministre de la défense et des anciens combattants refusant de lui verser une délégation de solde d'office et de lui verser des indemnités à la suite du décès de son compagnon, militaire engagé en opérations extérieures.

Par un jugement n° 1116701/5-1 du 11 mars 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre et partiellement fait droit à ses concl

usions indemnitaires.

Par un arrêt n° 13PA01775 du 30 juin 2014, la cour adm...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a notamment demandé le 30 septembre 2011 au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du ministre de la défense et des anciens combattants refusant de lui verser une délégation de solde d'office et de lui verser des indemnités à la suite du décès de son compagnon, militaire engagé en opérations extérieures.

Par un jugement n° 1116701/5-1 du 11 mars 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre et partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires.

Par un arrêt n° 13PA01775 du 30 juin 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de Mme A...tendant à l'annulation du jugement du 11 mars 2013 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense et des anciens combattants refusant de lui verser une délégation de solde d'office et en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 1er septembre, 2 décembre et 19 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense et des anciens combattants refusant de lui verser une délégation de solde d'office ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-280 du 21 mars 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de MmeA..., et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 2008 fixant le régime de délégation de solde aux ayants cause des militaires participant à des opérations extérieures dans sa rédaction antérieure au décret du 10 janvier 2011 : " Le décès ou la disparition d'un militaire participant à une opération extérieure (...) peut ouvrir droit, lorsque le décès ou la disparition du militaire est survenu par le fait ou à l'occasion du service, sauf faute détachable, au versement d'une délégation de solde. / Peut en bénéficier (...) sur demande, le conjoint survivant non divorcé ni séparé de corps ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d'au moins trois ans survivant. " ; qu'en application des articles 2 à 6 de ce décret, d'une part, une " délégation de solde d'office principale ", calculée sur la base de l'ensemble des éléments de la rémunération du militaire décédé, peut être versée jusqu'à la fin du troisième mois qui suit le mois du décès ou de la disparition du militaire ; que, d'autre part, dès la fin du versement de cette " délégation de solde d'office principale ", " une délégation de solde d'office complémentaire ", calculée sur des éléments de la rémunération du militaire réduits de moitié, peut être versée au maximum pendant trois ans ;

2. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

3. Considérant que Mme A...soutenait devant la cour administrative d'appel de Paris que les dispositions réglementaires précitées créaient une rupture d'égalité illégale entre les personnes mariées et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS), en ce qu'elles subordonnaient le versement de la délégation de solde aux personnes ayant conclu un PACS à la conclusion d'un contrat au moins trois ans avant alors qu'aucun délai n'était prévu en cas de mariage ; que la cour a jugé qu'une telle différence de traitement n'était pas manifestement disproportionnée, sans rechercher, au préalable, si elle était en rapport avec l'objet de la norme ; que, par suite, Mme A...est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à soutenir que l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit et à en demander l'annulation en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation du refus de versement de la délégation de solde d'office ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la limite de l'annulation ainsi prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que l'objet des dispositions précitées du décret du 21 mars 2008 est d'apporter au foyer du militaire un secours immédiat afin de faire face aux conséquences financières de son décès ou de sa disparition en opération extérieure ; qu'une aide financière peut ainsi être apportée au foyer par le versement au conjoint ou partenaire de la " délégation de solde d'office principale " pendant trois mois ; que, compte tenu de la situation financière de ce foyer, l'administration peut, ainsi qu'il a été dit, continuer à apporter une aide en versant, pendant une durée de trois ans maximum, la " délégation de solde d'office complémentaire " ; que, dans ces conditions, la différence de traitement résultant de ces dispositions, avant que la condition de durée du pacte civil de solidarité ne soit supprimée par le décret modificatif du 10 janvier 2011, entre les personnes mariées et les personnes qui ont conclu un pacte civil de solidarité, n'était pas en rapport avec l'objet de la mesure ; qu'il suit de là que Mme A...est fondée à exciper de l'illégalité de ces dispositions en tant qu'elles conditionnaient le versement de la délégation de solde à une durée de trois ans du pacte civil de solidarité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en refusant de verser une délégation de solde d'office à Mme A...au motif que son pacte n'avait été conclu avec le militaire décédé que depuis moins de trois ans et en se fondant ainsi sur les dispositions illégales alors en vigueur du décret du 21 mars 2008, le ministre de la défense et des anciens combattants a commis une erreur de droit ; que Mme A...est par conséquent fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 11 mars 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de lui verser une délégation de solde d'office ;

7. Considérant que l'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que l'Etat verse la délégation de solde d'office principale à Mme A...; qu'elle implique aussi que l'Etat réexamine la demande de Mme A...tendant au versement de la délégation de solde d'office complémentaire ; qu'il y a lieu, par suite, pour le Conseil d'Etat, d'ordonner au ministre de prendre ces mesures dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser à Mme A...pour les frais exposés tant devant les juges du fond que devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 30 juin 2014 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 11 mars 2013 du tribunal administratif de Paris sont annulés en tant qu'ils rejettent les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense et des anciens combattants refusant de lui verser une délégation de solde d'office.

Article 2 : La décision implicite par laquelle le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté la demande de Mme A...tendant au versement d'une délégation de solde d'office est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de la défense, d'une part, de verser la délégation de solde d'office principale à Mme A...et, d'autre part, de réexaminer la demande de Mme A...tendant au versement de la délégation de solde d'office complémentaire dans un délai de deux mois à compter de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7ème / 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 384122
Date de la décision : 18/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 sep. 2015, n° 384122
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:384122.20150918
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