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14/09/2015 | FRANCE | N°388766

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème ssr, 14 septembre 2015, 388766


Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires distincts et deux mémoires en réplique, enregistrés respectivement le 17 juin et le 15 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1968, M. A... B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de la décision du 29 octobre 2014 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 novembre

2013 refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié et, à défaut, d...

Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires distincts et deux mémoires en réplique, enregistrés respectivement le 17 juin et le 15 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1968, M. A... B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de la décision du 29 octobre 2014 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 novembre 2013 refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié et, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 732-1 et du premier alinéa de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 732-1 et L. 733-1 ;

- la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 ;

- la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;

- la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. A...B...et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant, d'une part, que l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine la composition des sections de la Cour nationale du droit d'asile et prévoit que ces formations de jugement comptent, outre un président, nommé parmi les membres en activité ou honoraires du Conseil d'Etat ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes en activité ou honoraires ou les magistrats du siège en activité ou les magistrats honoraires, et une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le haut commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés, " une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides " ; que M. B... soutient que ces dispositions, en ce qu'elles ne prévoient pas de garanties appropriées d'indépendance et d'impartialité des membres de la juridiction et qu'elles permettraient la nomination d'un fonctionnaire issu des ministères en charge des questions d'asile, méconnaissent les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions tels que consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que le principe à valeur constitutionnelle du droit d'asile ;

3. Considérant, d'autre part, que le premier alinéa de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les demandeurs d'asile peuvent présenter leurs explications devant la Cour nationale du droit d'asile et se faire assister d'un avocat ainsi que d'un interprète ; que M. B...soutient que ces dispositions, en ce qu'elles ne prévoient aucune garantie tendant à assurer tant la compétence que l'indépendance et l'impartialité de l'interprète désigné pour assister les demandeurs d'asile à l'occasion de leur audition devant la Cour, méconnaissent le principe à valeur constitutionnelle du droit d'asile ainsi que les droits de la défense ;

4. Considérant, toutefois, que le Conseil constitutionnel, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, a déclaré conforme à la Constitution l'article 4 de la loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ; que les dispositions de cet article, qui avaient remplacé celles de l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 relatives à la composition des sections de la commission des recours des réfugiés et à la possibilité pour les demandeurs d'asile de se faire assister par un interprète devant celles-ci, ont été codifiées respectivement à l'article L. 732-1 et au premier alinéa de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'effet de l'ordonnance du 24 novembre 2004 relative à la partie législative de ce code, ratifiée par l'article 120 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ; que ces dispositions ont été modifiées par l'article 29 de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile pour substituer à l'appellation " commission des recours des réfugiés " la nouvelle dénomination de la Cour nationale du droit d'asile ;

5. Considérant que, sous la seule réserve de la dénomination de la juridiction appelée à statuer sur les demandes d'asile, les dispositions de l'article L. 732-1 et du premier alinéa de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont identiques aux dispositions résultant de l'article 4 de la loi du 10 décembre 2003 qui ont été déclarées conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 4 décembre 2003 ; que, depuis cette décision, aucun changement de circonstances de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel n'est intervenu ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors que les principes d'indépendance et d'impartialité, indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles, s'appliquent à la Cour nationale du droit d'asile, et qu'il appartient à celle-ci de désigner des interprètes qui exercent leur mission de manière impartiale, que les moyens tirés de ce que les dispositions contestées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doivent être écartés, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M.B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur A...B..., à l'Office français de protection des réfugies et apatrides, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 388766
Date de la décision : 14/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 sep. 2015, n° 388766
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Villette
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388766.20150914
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