Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 août 2013 et 17 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vortex demande au Conseil d'Etat :
1°) d'enjoindre, dans une décision avant dire droit, au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de produire un tableau de répartition des fréquences radiophoniques sur chaque zone concernée à la date d'attribution des fréquences visées par son recours, les couvertures de population d'une part, de chacun des réseaux nationaux de radio d'autre part, des groupes qui les contrôlent ainsi que la méthodologie retenue par le CSA pour s'assurer du respect du seuil fixé à l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 mai 2013 par laquelle le CSA a refusé de faire droit à sa demande d'exploiter un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne sur les zones de Saint-Pourçain-sur-Sioule, Saint-Gervais-d'Auvergne et Rochechouart dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Clermont-Ferrand ;
3°) d'enjoindre au CSA de lui délivrer les autorisations d'exploiter sollicitées, sous astreinte de 1 000 euros par jour ;
4°) de mettre à la charge du CSA la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
1. Considérant que, dans le cadre de l'appel à candidatures lancé le 3 juillet 2012 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en vue de l'exploitation de services de radiodiffusion sonore dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel (CTA) de Clermont-Ferrand, la société Vortex a fait acte de candidature pour la diffusion dans plusieurs zones de son service dénommé Skyrock, qui relève de la catégorie D ; qu'elle demande l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 29 mai 2013 par lesquelles le CSA a rejeté sa candidature pour les zones de Saint-Pourçain-sur-Sioule, Saint-Gervais-d'Auvergne et Rochechouart ;
Sur les moyens relatifs aux trois décisions attaquées :
2. Considérant, en premier lieu, qu'afin d'être en mesure d'apprécier l'intérêt respectif des différents projets de service de radio par voie hertzienne qui lui sont présentés dans une zone, le CSA est tenu de statuer sur l'ensemble des candidatures dont il est saisi pour cette zone et de décider de leur acceptation ou de leur rejet au cours d'une même séance ; que la circonstance qu'une décision de refus soit notifiée au-delà du délai d'un mois après la publication au Journal officiel des autorisations accordées pour cette zone, prévu à l'article 32 de la loi, est sans incidence sur la légalité de ce refus ; qu'il résulte de ce qui précède que la circonstance que les décisions de rejet des candidatures de la société Vortex prises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel lors de sa séance du 29 mai 2013, lui ont été notifiées par lettre du 9 juillet 2013, alors que les décisions d'autorisation prises lors de la même séance, et que cette société n'a pas contestées, avaient été publiées au Journal officiel des 14 et 15 juin 2013, est en tout état de cause sans incidence sur leur légalité ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 : " Une même personne physique ou morale ne peut, sur le fondement d'autorisations relatives à l'usage de fréquences dont elle est titulaire pour la diffusion d'un ou de plusieurs services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique, ou par le moyen d'un programme qu'elle fournit à d'autres titulaires d'autorisation par voie hertzienne terrestre en mode analogique, disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces différents réseaux n'excède pas 150 millions d'habitants. " ;
4. Considérant que la société Vortex soutient que le seuil de 150 millions d'habitants prévu par ces dispositions législatives étant dépassé pour les groupes NRJ et Lagardère Active Broadcast, le CSA ne pouvait légalement, dans le cadre de l'appel aux candidatures litigieux, délivrer des autorisations en vue de l'exploitation de services contrôlés par ces groupes ; qu'elle excipe ainsi de l'illégalité de ces autorisations à l'appui de son recours contre les refus qui lui ont été opposés ; que, lorsqu'un refus d'autorisation d'exploiter un service audiovisuel est fondé sur une comparaison entre l'intérêt du projet écarté et celui des projets retenus, le candidat concerné peut, à l'appui de son recours contre ce refus, invoquer utilement l'illégalité d'une autorisation délivrée dans la même zone dans le cadre du même appel aux candidatures ; qu'une telle exception d'illégalité n'est toutefois recevable que si, à la date à laquelle elle est invoquée, l'autorisation concernée n'est pas devenue définitive ;
5. Considérant que le moyen invoqué par la requérante n'est opérant qu'à l'encontre de la décision rejetant la candidature du service Skyrock pour la zone de Saint-Gervais, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que dans les autres zones, aucune autorisation n'a été accordée, à l'issue de l'appel à candidatures, à un service contrôlé par les groupes NRJ et Lagardère Active Broadcast ; que, toutefois, les autorisations accordées à ces deux groupes dans la zone de Saint-Gervais ont été publiées au Journal officiel du 15 juin 2013 ; que, ces décisions étant déjà devenues définitives à la date du 19 août 2013 à laquelle la société requérante a invoqué le moyen tiré de ce que ces autorisations auraient été délivrées en méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, cette exception d'illégalité est tardive et, par suite, irrecevable ; qu'ainsi, et en tout état de cause, il n'y a pas lieu d'enjoindre au CSA de produire les documents sollicités par la société requérante ;
6. Considérant, enfin, qu'en indiquant dans chaque décision attaquée avoir procédé à un examen d'ensemble des demandes, le CSA a uniquement entendu rendre compte de ce que, comme le lui impose l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, il avait statué sur l'ensemble des candidatures dont il est saisi pour cette zone et décidé de leur acceptation ou de leur rejet au cours d'une même séance, sans que puisse être déduit de cette mention le fait qu'il n'aurait pas procédé à un examen réel et complet des mérites de chaque demande ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à cet examen ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les décisions seraient, sur ce point, insuffisamment motivées et entachées d'une erreur de droit ;
Sur les appréciations portées dans chaque zone :
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " Pour la zone géographique et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie un appel aux candidatures. " ; que par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été ainsi conférée, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidature pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ; que ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (C), services thématiques à vocation nationale (D), et services généralistes à vocation nationale (E) ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 29 de la même loi, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées, le CSA " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (...) 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement. / (...) Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission sociale de proximité (...) / Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part (...) " ;
En ce qui concerne la zone de Saint-Pourçain-sur-Sioule :
9. Considérant que dans la zone de Saint-Pourçain-sur-Sioule où un service était autorisé en catégorie D et où deux fréquences étaient disponibles, le CSA a retenu un service en catégorie A et un service en catégorie E ; que pour écarter dans cette zone la candidature du service Skyrock offert en catégorie D par la société Vortex, le Conseil a indiqué que la programmation, notamment musicale, de ce service était susceptible de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public de la zone que le programme retenu en catégorie A, eu égard au programme d'intérêt local que ce dernier propose, ainsi qu'à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels de la zone que le candidat retenu en catégorie E ; que ces motifs ne sont entachés ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation au regard des critères énoncés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 et font en particulier une exacte application de l'impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme ;
En ce qui concerne la zone de Rochechouart :
10. Considérant que dans la zone de Rochechouart où aucun service n'était autorisé et où deux fréquences étaient disponibles, le Conseil a retenu un service en catégorie A et un service en catégorie E ; que pour écarter dans cette zone la candidature du service Skyrock offert en catégorie D par la société Vortex, il a indiqué que la programmation de ce service était susceptible de participer dans une moindre mesure à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels de la zone et ainsi à moins bien répondre à l'intérêt du public ; que ces motifs ne sont entachés ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation au regard des critères énoncés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;
En ce qui concerne la zone de Saint-Gervais-d'Auvergne :
11. Considérant que dans la zone de Saint-Gervais-d'Auvergne, où émettait un service en catégorie B, et où deux fréquences étaient disponibles, le Conseil a retenu un service en catégorie D et un service en catégorie E ; qu'il a écarté la candidature de la société requérante au motif que la programmation musicale du service Skyrock était susceptible de répondre dans une moindre mesure aux attentes du public de cette zone rurale, constitué à 70% de personnes âgées de plus de 30 ans, que le service Nostalgie autorisé dans la même catégorie et dont la programmation musicale repose sur la diffusion de titres gold et de variété française ; que ce motif n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation au regard des critères énoncés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;
12. Considérant enfin que les décisions attaquées, qui résultent d'une exacte application des critères posés par la loi du 30 septembre 1986, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Vortex n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions qu'elle attaque ni à ce qu'une somme soit, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mise à la charge du CSA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Vortex est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Vortex et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture et de la communication.