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22/07/2015 | FRANCE | N°380374

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 22 juillet 2015, 380374


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 24 mai 2011, la cour d'appel de Chambéry a sursis à statuer sur la demande de la société Quincaillerie F...et autres tendant à la condamnation de la société Pays Rochois Immobilier à leur verser des dommages et intérêts du fait de l'illégalité du permis de construire du 27 avril 2006 et du trouble anormal de voisinage et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de l'arrêté du 27 avril 2006 par lequel le maire de la Roche-sur-Foron a délivré à la société Pays Rochois I

mmobilier un permis de construire modificatif.

La société Quincaillerie F...e...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 24 mai 2011, la cour d'appel de Chambéry a sursis à statuer sur la demande de la société Quincaillerie F...et autres tendant à la condamnation de la société Pays Rochois Immobilier à leur verser des dommages et intérêts du fait de l'illégalité du permis de construire du 27 avril 2006 et du trouble anormal de voisinage et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de l'arrêté du 27 avril 2006 par lequel le maire de la Roche-sur-Foron a délivré à la société Pays Rochois Immobilier un permis de construire modificatif.

La société Quincaillerie F...et autres, agissant en exécution de cet arrêt, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'apprécier la légalité des permis de construire délivrés les 31 octobre 2003, 8 août 2005 et 27 avril 2006 par le maire de la Roche-sur-Foron à la société Pays Rochois Immobilier et de déclarer que ces décisions sont entachées d'illégalité. Par un jugement n° 1302592 du 14 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 mai 2014, la société Quincaillerie F...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) avant dire droit, de prononcer une mesure d'instruction tendant d'une part, à la production des procès-verbaux des réunions de la commission d'urbanisme pour l'ensemble des permis de construire délivrés à la société Pays Rochois Immobilier, d'autre part, à la production des échanges sous toutes leurs formes intervenus au sein de la commune de La Roche-sur-Foron dont les auteurs et les destinataires ont été MM. E...et C...et à la vérification de l'état de connaissance des membres de la commission et du maire, des relations existantes entre MM. E...et C...;

3°) de déclarer illégaux les permis de construire des 31 octobre 2003, 8 août 2005 et 27 avril 2006 susvisés ;

4°) de mettre à la charge de la société Pays Rochois Immobilier la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la SARL Pays Rochois Immobilier et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de la Roche-sur-Foron ;

1. Considérant que par un arrêté du 31 octobre 2003, le maire de la Roche-sur-Foron a délivré un permis de construire à la société Pays Rochois Immobilier pour l'édification de 36 logements ; que, par deux arrêtés des 8 août 2005 et 27 avril 2006, le maire a autorisé le pétitionnaire à modifier ce projet ; que, par un arrêt du 24 mai 2011, la cour d'appel de Chambéry, saisie d'une demande de condamnation à des dommages et intérêts fondée sur l'illégalité alléguée du permis de construire modificatif du 27 avril 2006, a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge administratif ait statué sur la légalité de ce permis ; que, par un jugement du 13 mars 2014, dont la société Quincaillerie F...et autres relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce qu'il déclare illégaux les permis de construire délivrés les 31 octobre 2003, 8 août 2005 et 27 avril 2006 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que ces signatures n'avaient pas à figurer sur les copies du jugement adressés aux parties ;

3. Considérant, en second lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal administratif n'était pas tenu, avant de se prononcer sur les moyens tirés de ce que certains membres de la commission d'urbanisme étaient en situation de conflit d'intérêt et de l'existence d'une fraude, d'ordonner une mesure d'instruction, que les requérants n'avaient d'ailleurs pas sollicitée ;

Sur l'étendue du litige :

4. Considérant qu'en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire ; que par suite, le juge judiciaire ayant sursis à statuer dans l'attente que le juge administratif se prononce sur la légalité du permis de construire modificatif du 27 avril 2006, il n'y a pas lieu d'examiner la légalité du permis de construire initial du 22 mai 2003 devenu définitif, ni davantage celle du permis de construire modificatif du 8 août 2005 ; qu'il y a donc lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, de se prononcer sur la légalité du seul permis de construire modificatif délivré le 27 avril 2006 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2006 :

En ce qui concerne l'atteinte au principe d'impartialité :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.E..., adjoint au maire de la Roche-sur-Foron chargé de l'urbanisme et président de la commission d'urbanisme de la commune, était le gérant de la société Valmont, assistant maître d'ouvrage de la société Pays Rochois Immobilier ; que, toutefois, cette circonstance ne permet pas par elle-même d'établir que M. E...aurait exercé une influence personnelle sur le sens de l'avis, rendu par cette commission, à titre non obligatoire, sur la demande de permis de construire ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée serait irrégulière en ce que M. E...aurait eu un intérêt direct et personnel à la délivrance de ce permis ;

En ce qui concerne les moyens tirés de l'illégalité de la modification n° 5 du plan d'occupation des sols :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. " ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique ayant précédé l'approbation, le 4 novembre 2004, de la modification n°5 du plan d'occupation des sols est irrecevable ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme est inopérant, le plan d'occupation des sols litigieux ayant été approuvé avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 et la modification de ce document, intervenue le 4 novembre 2004, restant soumise aux dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure à cette loi fixant le contenu du plan d'occupation des sols, qui ne prévoyaient pas de rapport de présentation ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le rapport de présentation de la modification n° 5 du 4 novembre 2004 indique qu'elle a pour objet de " transformer des zones à caractère UB ", sans préciser que sont notamment concernés les secteurs UBa, n'est pas constitutive d'une erreur de droit ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de la contrariété entre le rapport de présentation et le plan de zonage n'est pas assorti des précisions de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ;

10. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du règlement du plan d'occupation des sols :

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif litigieux ne remet pas en cause l'implantation des bâtiments telle qu'elle était prévue par le permis de construire du 31 octobre 2003 ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des article UB6 et UB7 du règlement du plan d'occupation des sols, relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et par rapport aux limites séparatives, ne peuvent être utilement invoqués ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article UB10 du plan d'occupation des sols : " La différence d'altitude entre chaque point de la couverture du toit est le point du terrain naturel situé à l'aplomb avant terrassement ne doit pas dépasser 18 mètres. / Dans le secteur UBa, cette hauteur est portée à 18 mètres entre la sablière et le point du terrain naturel situé à l'aplomb avant terrassement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'ajout, par le permis modificatif litigieux, d'une lucarne " jacobine " et d'une baie vitrée ne modifie pas la hauteur du bâtiment, celle-ci étant mesurée, dans le secteur UBa, entre la sablière et le point du terrain naturel situé à l'aplomb avant terrassement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB10 du règlement du plan d'occupation des sols relatives aux règles de hauteur est également inopérant ;

13. Considérant que le permis modificatif litigieux n'a pas pour objet l'édification d'un mur en limite de propriété ; que, par suite, le moyen tiré ce que l'édification d'un tel mur méconnaîtrait les dispositions de l'article UB11 du règlement du plan d'occupation des sols est inopérant ;

14. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article UB13 du règlement du plan d'occupation des sols : " L'autorité compétente peut exiger du bénéficiant d'une autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol, la réalisation d'espaces plantés et d'aires de jeux. Cette exigence sera fonction de la nature de l'importance de l'opération projetée. En secteur UBa, les espaces libres devront être aménagés selon un pourcentage de la surface disponible seule, fixé à 30% de la surface disponible pour une parcelle inférieure à 3 000 mètres carrés. " ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, ces dispositions n'imposent pas que 30% de la surface totale du terrain soit laissée libre, mais seulement que 30% de la surface disponible d'une parcelle inférieure à 3 000 mètres carrés soient aménagés ; que, par suite, alors qu'il ressort du constat d'huissier produit par les requérants que le terrain comporte 347 mètres carrés d'espaces libres, dont 104,50 mètres carrés, soit plus de 30%, sont aménagés, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB13 précité doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Quincaillerie F...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce que le permis de construire du 27 avril 2006 soit déclaré illégal ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Pays Rochois Immobilier et de la commune de la Roche-sur-Foron, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Quincaillerie F...et autres, d'une part, la somme globale de 3 000 euros à verser à la commune de la Roche-sur-Foron, et, d'autre part, la somme globale de 2 500 euros à verser à la société Pays Rochois Immobilier, au titre de ces même dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Quincaillerie F...et autres est rejetée.

Article 2 : La société Quincaillerie F...et autres verseront, d'une part, la somme globale de 3 000 euros à la commune de la Roche-sur-Foron et, d'autre part, la somme globale de 2500 euros à la société Pays Rochois Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société QuincaillerieF..., à la SCI du Rond-Point, à M. D...F..., à M. A...F..., à Mme I...H..., à Mme G...B..., à la société Pays Rochois Immobilier et à la commune de la Roche-sur-Foron.


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 380374
Date de la décision : 22/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2015, n° 380374
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:380374.20150722
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