Vu la procédure suivante :
M. C...B..., Mme A...B...et leurs enfants, BarbaraB..., Bryan B...et FlorianaB..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 2 décembre 2014 par laquelle la procureure générale près la cour d'appel de Montpellier a supprimé le droit de visite de Mme B...et de ses enfants auprès de M.B..., incarcéré à.... Par une ordonnance n° 1500531 du 19 février 2015, ce juge a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 4 mars et 11 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. et Mme B...;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 94-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 18 et 26 juin 2015, présentées pour Mme B...;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Timothée Paris, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme B...;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; que les mesures sollicitées sur ce fondement ne doivent pas être manifestement insusceptibles de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative ;
2. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 695-11 du code de procédure pénale, l'autorité judiciaire est compétente pour exécuter, sur la demande des autorités judiciaires des autres Etats membres de l'Union européenne, un mandat d'arrêt européen ; qu'il résulte de l'article R. 57-8-9 du code de procédure pénale que le procureur général près la cour d'appel saisie de la procédure est compétent pour délivrer, refuser, suspendre ou retirer les permis de visite pour les personnes détenues écrouées à la suite d'une demande d'extradition émanant d'un gouvernement étranger ; que la procédure du mandat d'arrêt européen se substitue à la procédure de l'extradition dans les relations entre Etats membres de l'Union européenne ;
3. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître des actes relatifs à la conduite d'une procédure judiciaire ou qui en sont inséparables ; que la décision par laquelle le procureur général décide de refuser, suspendre ou retirer le permis qu'il a accordé à une personne pour qu'elle rende visite à une personne détenue écrouée à la suite de l'émission d'un mandat d'arrêt européen par un autre Etat membre de l'Union européenne ne saurait être regardée comme détachable de la conduite de la procédure judiciaire et relever de la compétence administrative ; qu'il en va ainsi, alors même que la personne recherchée purgerait en France une peine en raison de faits autres que ceux visés par le mandat d'arrêt et que la chambre de l'instruction aurait différé la remise de celle-ci, en application de l'article 695-39 du code de procédure pénale ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un jugement du 11 juillet 2014 du tribunal correctionnel de Montpellier, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 6 novembre 2014, M. B...a été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement ; que, par un arrêt du 28 octobre 2014, la chambre de l'instruction de la même cour d'appel a ordonné l'exécution d'un mandat d'arrêt européen émis le 10 septembre 2014 par le procureur général adjoint de Gera (République fédérale d'Allemagne) contre M.B..., mais a différé la remise de l'intéressé aux autorités allemandes dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 695-39 du code de procédure pénale ; que, saisi par le chef d'établissement de la maison d'arrêt de Villeuneuve-lès-Maguelone, au sein de laquelle M. B...est détenu, à la suite de troubles causés par l'épouse de celui-ci lors d'une visite, la procureure générale près la cour d'appel de Montpellier a, par une décision du 2 décembre 2014, supprimé le droit de visite qu'elle avait accordé à Mme B... et à ses trois enfants ;
5. Considérant que la demande présentée par M. et Mme B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, tendant à la suspension de l'exécution de cette décision du 2 décembre 2014 de la procureure générale près la cour d'appel de Montpellier, était manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la demande de suspension présentée par M. et Mme B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative ; qu'elle ne peut, par suite, qu'être rejetée ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 19 février 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...au tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice, à M. C... B...et à Mme A...B....