La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2015 | FRANCE | N°383770

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 01 juillet 2015, 383770


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 5 mars 2013, la cour d'appel de Limoges a sursis à statuer et invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de la décision du 12 février 2010 par laquelle l'inspectrice du travail de la première section de l'unité territoriale de l'Ardèche a autorisé le licenciement de M.B....

M. A...B..., agissant en exécution de cet arrêt, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'apprécier la légalité de cette décision et de déclarer qu'elle est entachée d'illégalité. Par un jug

ement n°1303992 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a déclaré que la...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 5 mars 2013, la cour d'appel de Limoges a sursis à statuer et invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de la décision du 12 février 2010 par laquelle l'inspectrice du travail de la première section de l'unité territoriale de l'Ardèche a autorisé le licenciement de M.B....

M. A...B..., agissant en exécution de cet arrêt, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'apprécier la légalité de cette décision et de déclarer qu'elle est entachée d'illégalité. Par un jugement n°1303992 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a déclaré que la décision du 12 février 2010 est entachée d'illégalité.

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, la société Précia a demandé au juge d'appel :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de déclarer que la décision du 12 février 2010 n'est pas entachée d'illégalité ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Orban, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Société Precia ;

1. Considérant qu'en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire ; qu'il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte ; que ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l'instance judiciaire ;

2. Considérant qu'il résulte des motifs de l'arrêt du 5 mars 2013, par lequel la cour d'appel de Limoges a sursis à statuer sur le litige introduit par M. B...et renvoyé au juge administratif la question de la légalité de la décision du 12 février 2010 autorisant son licenciement, que la cour renvoyait au juge administratif la seule question de la légalité de cette décision au regard des obligations de reclassement qui pèsent sur l'employeur du salarié dont le licenciement est demandé ;

3. Considérant, dès lors, qu'en se prononçant sur le caractère suffisant de la motivation de la décision du 12 février 2010, le tribunal administratif a examiné un moyen qui excédait les limites de la question posée au juge administratif et était, par suite, irrecevable ; que la société Précia est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la décision du 12 février 2010 était illégale en raison de l'insuffisance de sa motivation ;

4. Considérant, toutefois, que par le jugement dont la société Précia relève appel, le tribunal administratif a également déclaré la décision du 12 février 2010 illégale au motif que cette société n'a pas satisfait aux obligations de reclassement qui lui incombaient ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

6. Considérant que pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié protégé concerné par le licenciement ; qu'elle est tenue, dans le cas où cette dernière relève d'un groupe, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l'étranger, dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d'accueil, la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Précia appartient à un groupe qui comporte plusieurs sociétés en France et à l'étranger ; que le seul poste proposé à M.B..., délégué du personnel suppléant, au titre de son reclassement, était celui pour lequel lui avait été proposée la modification de son contrat de travail, et dont le refus de sa part était à l'origine de la décision de le licencier ; qu'il ressort également du dossier qu'alors qu'elle estimait qu'il n'existait pas d'autre possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, la société Précia n'a pas recherché tous les reclassements envisageables au sein des autres entreprises du groupe, notamment à l'étranger ; que, dans ces conditions, la société Précia ne peut être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Précia n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déclaré que la décision du 12 février 2010 de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement de M. B...était entachée d'illégalité ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, verse à la société Précia la somme qu'elle demande au titre de ces dispositions ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Précia une somme de 2 000 euros à verser à M. B...en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Précia est rejetée.

Article 2 : La société Précia versera à M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Précia et à M. A...B....

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 383770
Date de la décision : 01/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2015, n° 383770
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Orban
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:383770.20150701
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award