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26/06/2015 | FRANCE | N°375839

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 26 juin 2015, 375839


Vu la procédure suivante :

1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 375839 les 26 février 2014 et 16 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles (GAMEX) et l'association APRIA RSA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-1222 du 23 décembre 2013 portant diverses mesures relatives au financement de la gestion administrative, de l'action sanitaire et sociale et du contrôle médical des régimes de protection s

ociale agricole et à la gestion de ces régimes ;

2°) de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 375839 les 26 février 2014 et 16 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles (GAMEX) et l'association APRIA RSA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-1222 du 23 décembre 2013 portant diverses mesures relatives au financement de la gestion administrative, de l'action sanitaire et sociale et du contrôle médical des régimes de protection sociale agricole et à la gestion de ces régimes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 375840 les 26 février 2014 et 16 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association GAMEX et l'association APRIA RSA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 janvier 2014 portant fixation au titre de l'année 2014 du montant des frais de gestion de l'assurance mentionnée à l'article L. 732-3 du code rural et de la pêche maritime supportés par le groupement mentionné à l'article L. 731-31 de ce même code, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- la décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association Gamex et de l'association APRIA RSA ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le décret attaqué :

2. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 731-30 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, que les personnes non salariées des professions agricoles pouvaient choisir d'être assurées, au titre de l'assurance obligatoire maladie, invalidité et maternité, auprès de tout organisme d'assurance habilité par arrêté ministériel et adhérant à un règlement approuvé par arrêté interministériel. L'article L. 731-31 du même code imposait aux organismes assureurs de se grouper par catégories. Selon l'article L. 731-32 de ce code : " L'unité du régime d'assurance maladie obligatoire est réalisée par la mutualité sociale agricole, qui effectue la compensation, ainsi que les opérations de contrôle y afférentes (...) ". Enfin, l'article L. 731-34 du même code prévoyait qu'" Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application des articles L. 731-30 à L. 731-33 " et qu'un arrêté interministériel approuvait le règlement précisant les clauses types devant figurer dans les statuts et règlements des groupements, relatives notamment à la comptabilité spéciale pour la gestion des risques considérés, pour laquelle aucun bénéfice ne devait être réalisé.

3. D'autre part, l'article 37 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a modifié l'article L. 731-10 du code rural et de la pêche maritime relatif aux cotisations à la charge des assujettis et perçues tant par les caisses de mutualité sociale agricole que par les organismes assureurs, pour supprimer le principe de leur affectation pour partie au service des prestations et pour partie aux dépenses complémentaires telles que les frais de gestion, le contrôle médical et l'action sanitaire et sociale.

4. A la suite de cette modification, le décret attaqué a modifié, par le I de son article 1er, l'article R. 731-117 du même code pour prévoir que les frais de gestion de l'assurance maladie, invalidité et maternité et les frais de gestion et de contrôle médical liés aux indemnités journalières, supportés par le groupement des organismes assureurs, seraient pris en charge par la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole et que les montants annuels de ces frais seraient fixés par un arrêté des ministres chargés de l'agriculture et du budget. Par le II de son article 1er, le même décret a prévu qu'à titre transitoire, les excédents antérieurement dégagés par le groupement des organismes assureurs dans la gestion administrative du régime seraient déduits des montants des frais pris en charge par la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que le Groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles devait être consulté préalablement à l'édiction du décret attaqué. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ce décret aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute d'une telle consultation.

6. En second lieu, par les dispositions contestées du II de l'article 1er du décret attaqué, le pouvoir réglementaire s'est borné à prévoir, ainsi qu'il pouvait le faire sur le fondement de l'article L. 731-34 du code rural et de la pêche maritime, que les excédents dégagés avant 2014 par le groupement des organismes assureurs habilités au titre de l'assurance maladie, à partir des ressources alors spécifiquement destinées au financement des frais de gestion et autres dépenses complémentaires de ce régime à la gestion duquel il participait, seraient affectés, à partir du 1er janvier 2014, au financement des mêmes frais de gestion lui incombant et déduits de la dotation versée par la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. En particulier, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, ces dispositions ne peuvent être regardées comme ayant procédé à un transfert de propriété des fonds considérés, tel qu'il avait été prévu par celles des dispositions du III de l'article 37 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire pour prendre les dispositions critiquées doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, les dispositions du II de l'article 1er du décret attaqué, dont l'objet a été rappelé ci-dessus, n'ont ni pour objet ni pour effet de transférer à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole la gestion des réserves constituées par le groupement des organismes assureurs pour le compte de la branche assurance maladie, invalidité et maternité. Par suite, les associations requérantes ne peuvent soutenir que ces dispositions méconnaîtraient celles du IV de l'article 82 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, au surplus entrées en vigueur postérieurement, qui ont prévu qu'à compter d'une date fixée par décret entre le 30 juin 2014 et le 30 juin 2015, la gestion des réserves antérieurement constituées par les groupements d'organismes assureurs pour le compte du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles serait assurée par la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

8. En deuxième lieu, en prévoyant l'affectation aux dépenses exposées par le groupement des organismes assureurs pour la gestion de l'assurance maladie, invalidité et maternité de sommes issues des cotisations mises à la charge des assujettis pour financer les dépenses complémentaires aux prestations, dont les frais de gestion, le pouvoir réglementaire n'a, en tout état de cause, méconnu ni les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En troisième lieu, en prévoyant, pour fixer le montant des frais de gestion pris en charge par la caisse centrale de Mutualité sociale agricole, la prise en compte des excédents dégagés par le groupement des organismes assureurs intervenant au titre de l'assurance maladie, le pouvoir réglementaire a instauré une différence de traitement qui est en rapport direct avec l'objet du décret attaqué et qui n'est pas manifestement disproportionnée à la différence de situation existant, selon qu'ils ont ou non constitué des réserves à partir des cotisations affectées aux dépenses complémentaires aux prestations, entre organismes assurant la gestion de l'assurance maladie, invalidité et maternité ou de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles des non-salariés agricoles. D'autre part, le pouvoir réglementaire s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels et n'a pas créé de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Ainsi, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.

10. En dernier lieu, les dispositions contestées n'ont pas, par elles-mêmes, pour effet de porter atteinte à l'équilibre financier du GAMEX. Au surplus, la méconnaissance, à la supposer établie, des stipulations du contrat d'objectifs et de performance conclu entre l'Etat et APRIA pour les années 2011 à 2015 par les dispositions attaquées est sans incidence sur leur légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées méconnaîtraient un " principe d'équilibre financier " figurant dans ce contrat ne peut qu'être écarté.

Sur l'arrêté attaqué :

11. Par l'arrêté attaqué, pris sur le fondement de l'article R. 731-117 du code rural et de la pêche maritime, les ministres chargés de l'agriculture et du budget ont fixé à 13,8 millions d'euros les frais de gestion du groupement des organismes assureurs intervenant au titre de la branche maladie, invalidité et maternité et prévu que l'agent comptable de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole verserait cette dotation sous déduction des excédents mentionnés au II de l'article 1er du décret du 23 décembre 2013.

En ce qui concerne la légalité externe :

12. En premier lieu, il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que le directeur des affaires financières, sociales et logistiques au secrétariat général du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et le sous-directeur de la 6ème sous-direction de la direction du budget avaient, par l'effet de leur nomination respectivement par un décret du 24 février 2011 publié le lendemain au Journal officiel de la République française et par un arrêté du 13 juin 2013 publié le 15 juin suivant, qualité pour signer l'arrêté attaqué au nom du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé du budget. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'arrêté attaqué doit être écarté.

13. En second lieu, les dispositions du second alinéa de l'article 2 de l'arrêté attaqué ne chargent pas l'agent comptable de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole de déterminer le montant des réserves dont la gestion doit être transférée à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole mais seulement d'opérer le versement de la dotation fixée par l'article 1er du même arrêté après y avoir imputé les excédents mentionnés par le II de l'article 1er du décret du 23 décembre 2013. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les ministres auraient confié à cet agent comptable, par l'arrêté attaqué, la mission de déterminer la nature et le montant des réserves devant être transférées en application du IV de l'article 82 de la loi du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 et, ainsi, excédé leur compétence.

En ce qui concerne la légalité interne :

14. En premier lieu, la présente décision écarte les moyens soulevés par les associations requérantes contre le décret du 23 décembre 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de ce décret doit être également écarté.

15. En second lieu, l'arrêté attaqué, qui se borne à fixer le montant des frais de gestion du groupement des organismes assureurs intervenant au titre de l'assurance maladie, invalidité et maternité pour l'année 2014 et à prévoir le versement de la dotation qui en résulte après déduction des excédents prévus par le II de l'article 1er du décret du 23 décembre 2013, n'a ni pour objet ni pour effet de transférer la gestion des réserves constituées par ce groupement pour le compte de la branche assurance maladie, invalidité et maternité à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du IV de l'article 82 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret et l'arrêté qu'elles attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, les sommes que les associations requérantes demandent à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes des associations GAMEX et APRIA RSA sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles, à l'association APRIA RSA, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 375839
Date de la décision : 26/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2015, n° 375839
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375839.20150626
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