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26/06/2015 | FRANCE | N°375133

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 26 juin 2015, 375133


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande tendant à l'abrogation des articles R. 160, R. 57-7-39 et R. 57-7-44 et du premier alinéa de l'article R. 57-8-8 du code de procédure pénale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1

du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande tendant à l'abrogation des articles R. 160, R. 57-7-39 et R. 57-7-44 et du premier alinéa de l'article R. 57-8-8 du code de procédure pénale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-674 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Decubber, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. B...;

1. Considérant que M. B...a adressé au garde des sceaux, ministre de la justice, une demande tendant à ce que soient abrogés les articles R. 160, R. 57-7-39 et R. 57-7-44 et le premier alinéa de l'article R. 57-8-8 du code de procédure pénale ; qu'il demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus née du silence gardé par le ministre sur sa demande ;

Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger l'article R. 160 et le premier alinéa de l'article R. 57-8-8 du code de procédure pénale :

2. Considérant, d'une part, que l'article R. 160 du code de procédure pénale dispose que " Ne doivent pas être insérés dans la rédaction des arrêts et jugements les réquisitoires ou plaidoyers prononcés soit par le ministère public, soit par les défenseurs des prévenus ou accusés, mais seulement leurs conclusions " ; que cet article est applicable à l'ensemble des décisions rendues par les juridictions criminelles, correctionnelles et de police, qu'elles prononcent ou non une peine d'emprisonnement ; que, dès lors, la seule qualité de personne détenue dont se prévaut M. B...ne lui confère pas un intérêt suffisamment direct et certain pour demander l'annulation de la décision contestée en tant qu'elle porte refus d'abroger cet article ;

3. Considérant, d'autre part, que le premier alinéa de l'article R. 57-8-8 du même code prévoit les modalités de délivrance des permis de visite aux personnes prévenues par le magistrat saisi du dossier de la procédure ; que cette disposition n'est pas applicable à l'ensemble des personnes détenues, mais seulement à celles qui sont placées en détention provisoire ; que M. B...ne précise pas s'il avait, à la date de la décision contestée, la qualité de personne condamnée ou celle de personne placée en détention provisoire ; que, par suite, il ne justifie pas non plus d'un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité pour contester le refus d'abroger cet alinéa ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. B...n'est pas recevable en tant qu'elle concerne l'article R. 160 et le premier alinéa de l'article R. 57-8-8 du code de procédure pénale ;

Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger les articles R. 57-7-39 et R. 57-7-44 du code de procédure pénale :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) 6° Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration pendant la durée de l'exécution de la sanction ; / 7° La mise en cellule disciplinaire. " ; qu'en application des articles R. 57-7-40 et R. 57-7-47 du même code, la durée des sanctions disciplinaires de confinement en cellule individuelle ordinaire et de mise en cellule disciplinaire ne peut excéder, selon la gravité de la faute, sept à trente jours ; qu'en vertu de ses articles R. 57-7-39 et R. 57-7-44, les sanctions disciplinaires de confinement en cellule individuelle ordinaire et de mise en cellule disciplinaire emportent de plein droit et pendant toute leur durée, suspension de l'accès aux activités, à l'exception de la promenade et, pour le confinement en cellule individuelle ordinaire, de l'accès aux offices religieux ; qu'en vertu de l'article R. 57-7-49, les sanctions sont proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " Le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social (...). " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, inséré dans le titre préliminaire relatif au " sens de la peine de privation de liberté ", en vigueur à la date du refus d'abrogation contesté, avant son abrogation par la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales : " Le régime d'exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 27 de la même loi : " Toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité. " ; qu'aux termes de l'article 717-3 du code de procédure pénale : " Les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. / Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande. (...) " ;

8. Considérant que l'édiction de sanctions disciplinaires répond à l'objectif d'intérêt général de protection de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires ; que la durée des sanctions de confinement en cellule individuelle ordinaire et de mise en cellule disciplinaire, qui sont les plus graves sur l'échelle des sanctions, est adaptée en fonction de la gravité de la faute disciplinaire commise par le détenu et ne peut en toute hypothèse excéder trente jours ; que la privation d'accès aux activités qui est la conséquence de ces sanctions a un caractère temporaire et répond à la faute commise par le détenu ; que, dans ces conditions, les dispositions réglementaires dont l'abrogation était demandée, en ce qu'elles prévoient la privation temporaire de l'accès aux activités de travail et de formation et aux programmes de prévention de la récidive ne portent par elles-mêmes atteinte ni aux objectifs d'amendement et de reclassement social attachés aux peines subies par les détenus tels qu'ils sont fixés par les stipulations du paragraphe 3 de l'article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni aux dispositions citées ci-dessus de la loi du 24 novembre 2009 et du code de procédure pénale qui assignent à la peine de privation de liberté un objectif de réinsertion des personnes détenues, à travers notamment l'accès aux activités proposées par l'établissement pénitentiaire ; que, pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions auraient institué des sanctions excédant ce qui est strictement nécessaire ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. B...doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 375133
Date de la décision : 26/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2015, n° 375133
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Decubber
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375133.20150626
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