Vu la procédure suivante :
La société générale de valorisation (Géval) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l'élimination des déchets (SMITRED) Ouest d'Armor à lui verser la somme de 304 000 euros au titre du stock de pièces de rechange laissées à sa disposition sur le site de l'unité de valorisation énergétique de Pluzunet, à la suite de l'expiration du contrat d'exploitation de la chaine multi-filières " Valorys " de traitement et de valorisation de déchets ménagers et industriels banals.
Par un jugement n° 0801790 du 13 octobre 2011, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 11NT03077 du 10 janvier 2014, rendu sur la requête du SMITRED Ouest d'Armor, la cour administrative d'appel de Nantes a ramené à 278 739,77 euros la somme que le SMITRED Ouest d'Armor a été condamné à verser à la société Géval.
Par un pourvoi et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 10 mars et 10 juin 2014 et le 1er juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SMITRED Ouest d'Armor demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Géval le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l'élimination des déchets Ouest d'Armor ;
1. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 26 décembre 1994, le Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l'élimination des déchets (SMITRED) Ouest d'Armor a conclu avec la société Val d'Armor, aux droits de laquelle est venue la société générale de valorisation (Géval), un marché de services ayant pour objet l'exploitation de la chaine multi-filières " Valorys " de traitement et de valorisation de déchets ménagers et industriels banals, comprenant plusieurs unités dont celle de valorisation énergétique de Pluzenet ; qu'à la suite de l'expiration du contrat, le 2 juin 2007, les parties ont conclu le 6 décembre 2007 un protocole de fin de marché ; que cet accord stipulait que le stock de pièces de rechange constitué par la société Géval, au cours de l'exécution du marché, dans l'unité de valorisation énergétique de Pluzunet et d'une valeur non contestée de 304 000 euros, serait laissé à la disposition du SMITRED Ouest d'Armor, dans l'attente du règlement du différend entre les parties concernant la question de savoir à qui revenait ce stock ; que, saisie de ce différend, la commission de conciliation, constituée en application de l'article 17 des conditions générales du contrat d'exploitation, a rendu un avis selon lequel le stock en litige devait revenir à la société Géval ; qu'à la suite du refus du SMITRED Ouest d'Armor de suivre cet avis, la société Géval a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de ce syndicat à lui verser la somme de 304 000 euros ; que le tribunal administratif de Rennes, par un jugement du 13 octobre 2011, a fait droit à cette demande ; que, saisie par le SMITRED Ouest d'Armor, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 10 janvier 2014, a ramené la somme à 278 739,77 euros ; que le SMITRED Ouest d'Armor se pourvoit en cassation contre cet arrêt ; que, par la voie d'un pourvoi incident, la société Géval se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a réduit à 278 739,77 euros la somme qui lui est due par le SMITRED Ouest d'Armor ;
En ce qui concerne le pourvoi principal du SMITRED Ouest d'Armor :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que le contrat n'a pour objet que de contraindre l'exploitant à mettre en oeuvre les moyens de son choix pour atteindre l'objectif qui lui est assigné, sans l'obliger à constituer un stock de pièces de rechange, la cour administrative d'appel de Nantes a, en tout état de cause, implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de ce que la propriété des pièces de rechange devait être transférée par " admission " en application de l'article 22 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) " fournitures courantes " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait omis de répondre à ce moyen n'est pas fondé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que le contrat ne pouvait être interprété comme mettant à la charge de l'exploitant une obligation de constituer au profit du syndicat un stock de pièces de rechange et qu'il n'a pour objet que de contraindre l'exploitant à mettre en oeuvre les moyens de son choix pour atteindre l'objectif d'assurer le traitement des déchets sans interruption majeure et dans des conditions de sécurité maximale, le juge du fond a souverainement apprécié les stipulations contractuelles en litige sans les dénaturer ni commettre d'erreur de droit ;
4. Considérant, en troisième lieu, que, par une appréciation souveraine, la cour a relevé que le stock de pièces de rechange ne pouvait pas être regardé, à la date à laquelle le contrat a pris fin, comme nécessaire au fonctionnement de l'usine de Pluzunet ; que si le requérant soutient que la cour a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en jugeant que le stock des pièces de rechange en cause ne devait pas être regardé comme un bien de retour tel que défini pour les délégations de service public et les concessions de travaux, il ne conteste ni la qualification de marché public de services retenue par la cour, ni son raisonnement ; que, par suite, le moyen est inopérant ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des stipulations du 8ème alinéa de l'article 10 des conditions particulières du contrat d'exploitation de l'unité de valorisation énergétique de Pluzunet, que si l'exploitant a obligation de tenir dans sa comptabilité un compte dit " Fonds de gros entretien et de renouvellement " (GER), l'affectation automatique d'une fraction de la redevance d'exploitation par le SMITRED Ouest d'Armor à ce fonds s'effectue même en l'absence de toutes dépenses faites par l'exploitant, qu'il n'existe pas de correspondance entre les dépenses effectuées par l'exploitant et le montant de la redevance qui alimente ce fonds et enfin que ce fonds peut être créditeur ou débiteur en fin d'exercice, la cour a pu déduire, sans dénaturation, qu'il n'en résultait pas que l'ensemble des pièces de rechange auraient été financées par les sommes versées par le syndicat au fonds de GER et qu'ainsi, certaines de ces pièces de rechange auraient pu être financées par l'exploitant ;
6. Considérant, en cinquième lieu, qu'ayant relevé que l'objet du compte GER est uniquement de garantir à la collectivité que l'exploitant disposera de fonds pour pouvoir faire face à ses obligations en matière de gros entretien et de renouvellement, la cour a pu en déduire, par une appréciation souveraine des stipulations contractuelles exempte de dénaturation, que l'exploitant n'avait pas d'obligation contractuelle de constituer un stock de pièces de rechange ;
7. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le solde du compte GER en fin d'exploitation était débiteur du fait de l'engagement de dépenses par l'exploitant supérieures aux sommes versées par la personne publique ; que, dès lors, la circonstance que le 9ème alinéa de l'article 10 des conditions particulières du contrat d'exploitation du site de Pluzunet prévoit que l'exploitant rend compte annuellement à la collectivité de la situation du fonds de GER et que le 11ème alinéa de ce même article prévoit les modalités de gestion de ce compte en cas de crédit, est sans incidence sur la résolution du litige portant sur l'indemnisation de l'exploitant compte tenu de la prise de possession du stock par le syndicat ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SMITRED Ouest d'Armor n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué et que son pourvoi doit être rejeté ;
En ce qui concerne le pourvoi incident de la société Géval :
9. Considérant qu'en relevant que la société Géval devait être regardée comme ayant assuré le financement du stock en litige à l'aide de la rémunération versée par le syndicat requérant pour couvrir les charges de gros entretien et de renouvellement et qu'ainsi, elle ne pourrait prétendre au versement d'une indemnité compensant l'abandon du stock de pièces de rechange que dans la mesure où il serait établi que leur acquisition n'avait pas été financée par les redevances affectées au compte GER, la cour a apprécié souverainement les stipulations contractuelles sans les dénaturer ; que, par suite, le pourvoi incident de la société Géval doit être rejeté ;
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'une des parties une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l'élimination des déchets Ouest d'Armor est rejeté.
Article 2 : Le pourvoi incident de la société générale de valorisation est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l'élimination des déchets Ouest d'Armor et à la société générale de valorisation.