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17/06/2015 | FRANCE | N°386350

France | France, Conseil d'État, 7ème / 2ème ssr, 17 juin 2015, 386350


Vu la procédure suivante :

1° M. G...I..., M.L..., M. C...A..., M. K... H..., M. J...et Mme F...E...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle Calédonie d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux de la commune de Païta (Nouvelle-Calédonie).

2° M. G...I...et M. L...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'élection de M. B...D...en qualité de maire de la commune de Païta et des adjoints qui s'est déroulée le 4 avril 2014.

Par un juge

ment n°s 1400146, 1400149 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Nouvelle-C...

Vu la procédure suivante :

1° M. G...I..., M.L..., M. C...A..., M. K... H..., M. J...et Mme F...E...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle Calédonie d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux de la commune de Païta (Nouvelle-Calédonie).

2° M. G...I...et M. L...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'élection de M. B...D...en qualité de maire de la commune de Païta et des adjoints qui s'est déroulée le 4 avril 2014.

Par un jugement n°s 1400146, 1400149 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, après avoir joint les deux protestations, a annulé ces opérations électorales des 23 et 30 mars 2014 ainsi que l'élection du maire et des adjoints du 4 avril 2014.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 décembre 2014 et 23 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...D...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les protestations électorales de MM. I...et autres.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des communes de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Bouchard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M.D..., et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de MM. I...et autres ;

1. Considérant qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Païta, la liste conduite par M. B...D..., maire sortant, a obtenu 3 757 voix, soit 51,98 % des suffrages exprimés tandis que la liste conduite par M. I...obtenait 3 471 voix, soit 48,02 % de ces suffrages ; que le 4 avril 2014, le conseil municipal a élu M. D...en qualité de maire, et les adjoints ; que M. D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, sur les protestations de M. I...et autres, annulé ces élections ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 26 mars 2014 au matin, a été constatée la disparition, du fronton de la mairie de Païta, du drapeau de l'organisation indépendantiste FLNKS qui y figurait au côté du drapeau tricolore ; que le même jour à midi, lors d'une intervention sur les ondes de Radio Djiido, de sensibilité indépendantiste, M.D..., après avoir rappelé l'opposition de membres de la liste conduite par M. I...à la présence de ce drapeau sur les édifices publics de Nouvelle-Calédonie, a commenté cet incident et en a conclu que l'élection de ce dernier comme maire serait " une source de problèmes " et que les équilibres entre les habitants de la commune en seraient " rompus " ; que si ces propos, qui n'excédaient pas les limites de la polémique électorale pouvaient être regardés comme un élément nouveau de celle-ci, M. I...a pu y répondre utilement en réagissant à plusieurs reprises à cet incident et aux propos de son adversaire les 26 et 27 mars 2014 sur différentes chaines de radio ; que de plus, et en tout état de cause, eu égard à l'important écart de voix entre les deux listes, il ne résulte pas de l'instruction que cette intervention radiophonique de M. D... a été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune de Païta le 23 et le 30 mars 2014 et pour annuler par voie de conséquence l'élection du maire et des adjoints du 4 avril 2014 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. I...et autres dans leurs protestations devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

Sur les opérations électorales des 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la brochure intitulée " mise au point " diffusée par la liste conduite par M. D...les 27 et 28 mars 2014 avait pour objet de répondre à des critiques soulevées par M. I...sur la gestion de la majorité municipale sortante dans une précédente brochure et qu'elle ne contenait pas des éléments nouveaux de polémique électorale ou des propos mensongers ou diffamatoires auxquels M. I...n'aurait pas eu la possibilité de répondre utilement ; qu'ainsi, les griefs tirés de ce que les dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral auraient été méconnues ou que la diffusion de cette brochure aurait été de nature à altérer la sincérité du scrutin doivent être écartés ;

7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. (...) " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les inaugurations de trois équipements sportifs communaux et du local d'une association de protection de l'enfance auquel le maire sortant aurait participé dans les trois semaines précédant le premier tour des élections municipales ont été anticipées ou retardées en vue d'influer sur le vote des électeurs ni qu'elles ont présenté des caractéristiques telles qu'elles puissent être regardées comme des éléments d'une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1 du code électoral ; que la mention, dans le bulletin municipal des mois de mars-avril 2014, en des termes neutres et mesurés, de ces inaugurations ainsi que d'autres réalisations de la commune en cours ou à venir n'est pas non plus constitutive d'une telle campagne ; que par ailleurs, les appréciations portées par des organes de la presse locale sur certaines de ces inaugurations ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la commune ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article L. 52-1 du code électoral doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que deux repas à l'occasion desquels M. D...a rencontré des habitants de Païta ont été financés par la commune ou que des cérémonies organisées traditionnellement par la municipalité, telles que la cérémonie des voeux ou un repas des personnes âgées, ont été utilisées par M. D...pour exposer son programme électoral ou développer une polémique électorale ; qu'il n'est pas plus établi qu'un agent de la commune a été employé pour les besoins de la campagne électorale de M. D...ni qu'un courrier en date du 26 mars 2014 adressé par le maire aux habitants du " morcellement Henin " a constitué un élément de propagande électorale ; que les grief tirés de la méconnaissance de l'article L. 52-8 du code électoral doivent donc être écartés ;

Sur l'élection du maire et des adjoints du 4 avril 2014 :

9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie : " Lors du renouvellement général des conseils municipaux, la première réunion se tient de plein droit au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche suivant le tour de scrutin à l'issue duquel le conseil a été élu au complet " ; qu'aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " Pour toute élection du maire ou des adjoints, les membres du conseil municipal sont convoqués dans les formes et délais prévus par l'article L. 121-10 ; la convocation contient la mention spéciale de l'élection à laquelle il doit être procédé. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-10 du même code : " I. Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. La convocation est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. / II. - Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. (...) / III. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, la première réunion du conseil municipal après son renouvellement général devant se tenir au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche suivant le tour de scrutin à l'issue duquel il a été élu au complet, la règle prévue par le III de l'article L. 121-10 du code des communes et fixant, de manière générale, le délai de convocation du conseil municipal des communes de 3 500 habitants et plus à cinq jours francs, ne peut être appliquée pour cette réunion ; que, pour cette réunion, doit être respecté le délai de convocation de trois jours francs, prévu au II de cet article, qui était applicable à l'ensemble des communes jusqu'à l'introduction, dans ces dispositions, d'une distinction selon le nombre de leurs habitants ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que prétendent les requérants, une convocation pour l'élection le 4 avril 2014 du maire et des adjoints, contenant l'objet de cette réunion, a été adressée aux membres du conseil municipal le lundi 31 mars 2014 ; que le grief tiré de l'irrégularité de la convocation à cette élection doit donc être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas contesté que cette réunion du conseil municipal ne s'est pas tenue à la mairie de Païta mais dans la salle de sport de l'Arène Sud située sur le territoire de la commune ; que l'exigüité de la salle du conseil de la mairie et la forte affluence attendue pour cette première séance pouvaient toutefois, dans les circonstances de l'espèce, justifier qu'il fût dérogé, à titre exceptionnel, au principe suivant lequel le conseil municipal doit se réunir et délibérer à la mairie de la commune ; que le grief tiré de la tenue de la réunion du conseil municipal hors de la mairie doit ainsi être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Païta ainsi que l'élection du maire et des adjoints le 4 avril 2014 ; que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 9 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Païta ainsi que l'élection du maire et des adjoints qui s'est déroulée le 4 avril 2014 sont validées.

Article 3 : Les protestations de M. I...et autres ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...D..., à M. G...I...et à la ministre des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.


Synthèse
Formation : 7ème / 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 386350
Date de la décision : 17/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2015, n° 386350
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Bouchard
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:386350.20150617
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