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17/06/2015 | FRANCE | N°369022

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 17 juin 2015, 369022


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Villages du monde pour enfants, dont le siège est au 14 rue de Marignan BP 835 à Paris Cedex 08 (75365) ; l'association Villages du monde pour enfants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA02000, 12PA02080 du 28 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses requêtes tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 1116039 du 6 mars 2012 par lequel le t

ribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annul...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 3 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Villages du monde pour enfants, dont le siège est au 14 rue de Marignan BP 835 à Paris Cedex 08 (75365) ; l'association Villages du monde pour enfants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA02000, 12PA02080 du 28 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses requêtes tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 1116039 du 6 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juillet 2011 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a refusé la capacité pour recevoir le legs consenti par M. A... B...et, d'autre part, à l'annulation du jugement n° 1015444 du 6 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2010 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a refusé la capacité pour recevoir le legs consenti par MmesC..., E...et D...;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, notamment l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

Vu le code civil ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Godet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association Villages du monde pour enfants ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a, par deux décisions en date des 23 juin 2010 et 20 juillet 2011, formé opposition à l'acceptation, par l'association " Villages du monde pour enfants ", des legs consentis par MmesC..., E...etD..., d'une part, et par M. A...B..., d'autre part ; que l'association " Villages du monde pour enfants " se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Paris rejetant son appel formé contre les jugements en date du 6 mars 2012 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux décisions du préfet ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire : " (...) Les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance (...) peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 910 du code civil : " (...) les dispositions entre vifs ou par testament au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités (...) sont acceptées librement par celles-ci. / Si le représentant de l'Etat dans le département constate que l'organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu'il n'est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité, dans des conditions précisées par décret, la privant ainsi d'effet " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à l'argumentation présentée devant elle par l'association requérante et relative à l'incompatibilité des décisions attaquées avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; qu'elle a également motivé son arrêt de façon suffisante en écartant l'argument, en tout état de cause inopérant, relatif au contrôle fiscal dont l'association avait fait l'objet au titre des années 2007 à 2009 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision contient l'analyse des conclusions et mémoires ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les deux jugements du 6 mars 2012 du tribunal administratif de Paris visent et analysent tous les mémoires produits devant lui, et notamment le mémoire en réplique qui a été produit dans la seule instance n° 1015444 ; que, par suite et en tout état de cause, la cour n'a commis aucune erreur de droit en rejetant le moyen tiré de ce que ces jugements auraient été rendus en violation des dispositions de l'article R. 741-2 précité ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, pour apprécier si une association bénéficiaire d'un legs a pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, il y a lieu d'examiner non seulement son objet statutaire mais aussi la nature de son activité ; qu'à cet égard, les actions d'assistance et de bienfaisance s'entendent non seulement des actions tendant à améliorer les conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile mais également des actions d'information et de sensibilisation inhérentes à cet objectif ou y contribuant, notamment en permettant de recueillir les fonds nécessaires à cet effet ; que, toutefois, la part des ressources consacrée à l'amélioration des conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile doit demeurer prépondérante par rapport à celle des ressources consacrée aux autres actions, notamment d'information et de sensibilisation, de l'association ;

6. Considérant, d'une part, que, pour rechercher si l'association " Villages du monde pour enfants " pouvait être regardée comme une association ayant un but exclusif d'assistance ou de bienfaisance, au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, la cour a examiné son objet statutaire puis la nature réelle de son activité, à travers notamment l'analyse de ses documents comptables et de ses rapports d'activité ; que, contrairement à ce que soutient l'association " Villages du monde pour enfants ", la cour, qui s'est attachée à identifier la part des ressources de l'association effectivement consacrée à l'assistance et à la bienfaisance, ne s'est pas fondée sur des considérations tenant à la régularité de sa gestion et n'a donc commis aucune erreur de droit ;

7. Considérant, d'autre part, que la cour a relevé que l'association " Villages du monde pour enfants " a pour objet statutaire de " recueillir des fonds pour les programmes caritatifs des Soeurs de Marie " et qu'elle finance des projets humanitaires consistant à construire des institutions accueillant des enfants démunis au profit de la congrégation des Soeurs de Marie ; qu'elle a également relevé, sans dénaturer les faits de l'espèce, que les sommes versées à cette congrégation correspondaient à 41 % et à 37 % des dons que l'association avait respectivement collectés au cours des années 2008 et 2009 ; qu'en déduisant de ces constatations, qui faisaient apparaître que les actions visant à améliorer les conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile n'avaient pas un caractère prépondérant dans l'utilisation des ressources de l'association, que celle-ci ne pouvait être regardée comme une association ayant un but exclusif d'assistance ou de bienfaisance, au sens de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, alors même qu'elle finance des projets humanitaires, la cour n'a pas donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification inexacte ; qu'elle n'a pas non plus commis une erreur de droit ou entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association " Villages du monde pour enfants " n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'association " Villages du monde pour enfants " est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association " Villages du monde pour enfants " et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 369022
Date de la décision : 17/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ASSOCIATIONS ET FONDATIONS - QUESTIONS COMMUNES - RESSOURCES - DONS ET LEGS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE (ART - 6 DE LA LOI DU 1ER JUILLET 1901) - CONDITION RELATIVE AU BUT DE L'ASSOCIATION - 1) NOTION D'ASSOCIATION AYANT POUR BUT EXCLUSIF L'ASSISTANCE OU LA BIENFAISANCE [RJ1] - 2) CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION SUR CETTE NOTION - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

10-01-03 1) Pour apprécier si une association bénéficiaire d'un legs a pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, il y a lieu d'examiner non seulement son objet statutaire mais aussi la nature de son activité. A cet égard, les actions d'assistance et de bienfaisance s'entendent non seulement des actions tendant à améliorer les conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile mais également des actions d'information et de sensibilisation inhérentes à cet objectif ou y contribuant, notamment en permettant de recueillir les fonds nécessaires à cet effet. Toutefois, la part des ressources consacrée à l'amélioration des conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile doit demeurer prépondérante par rapport à celle des ressources consacrée aux autres actions, notamment d'information et de sensibilisation, de l'association.,,,2) Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur le point de savoir si une association a un but exclusif d'assistance ou de bienfaisance, au sens de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

DONS ET LEGS - DOMAINE ET PROCÉDURE DE L'AUTORISATION - ASSOCIATIONS (ART - 6 DE LA LOI DU 1ER JUILLET 1901) - CONDITION RELATIVE AU BUT DE L'ASSOCIATION - 1) NOTION D'ASSOCIATION AYANT POUR BUT EXCLUSIF L'ASSISTANCE OU LA BIENFAISANCE [RJ1] - 2) CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION SUR CETTE NOTION - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

25-02 1) Pour apprécier si une association bénéficiaire d'un legs a pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, il y a lieu d'examiner non seulement son objet statutaire mais aussi la nature de son activité. A cet égard, les actions d'assistance et de bienfaisance s'entendent non seulement des actions tendant à améliorer les conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile mais également des actions d'information et de sensibilisation inhérentes à cet objectif ou y contribuant, notamment en permettant de recueillir les fonds nécessaires à cet effet. Toutefois, la part des ressources consacrée à l'amélioration des conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile doit demeurer prépondérante par rapport à celle des ressources consacrée aux autres actions, notamment d'information et de sensibilisation, de l'association.,,,2) Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur le point de savoir si une association a un but exclusif d'assistance ou de bienfaisance, au sens de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - NOTION D'ASSOCIATION AYANT POUR BUT EXCLUSIF L'ASSISTANCE OU LA BIENFAISANCE (ART - 6 DE LA LOI DU 1ER JUILLET 1901).

54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur le point de savoir si une association a un but exclusif d'assistance ou de bienfaisance, au sens de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.


Références :

[RJ1]

Cf., en précisant les critères au regard desquels apprécier cette notion, CE, 30 décembre 2009, Mme,et autres, n° 297433, T. pp. 636-741.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2015, n° 369022
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Godet
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:369022.20150617
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