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10/06/2015 | FRANCE | N°369428

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 10 juin 2015, 369428


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 16 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association " Les Amis de la Terre ", dont le siège est 95, rue des Grands Champs à Paris (75020) ; l'association demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA00633 du 11 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1017690 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'un

e part, à l'annulation des décisions implicites de refus nées du silen...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 16 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association " Les Amis de la Terre ", dont le siège est 95, rue des Grands Champs à Paris (75020) ; l'association demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA00633 du 11 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1017690 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions implicites de refus nées du silence gardé respectivement par le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris et par le préfet de police pendant plus de deux mois sur ses demandes du 31 mai 2010 tendant à la mise en oeuvre de l'arrêté inter-préfectoral du 7 juillet 2006 visant approbation du plan de protection de l'atmosphère, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris et au préfet de police de prendre toute mesure utile pour appliquer le plan de protection de l'atmosphère du 7 juillet 2006, enfin, à ce que l'Etat soit condamné au paiement de la somme d'un euro au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 mai 2015, présentée pour l'association " Les Amis de la Terre " ;

Vu la directive n° 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'association " Les Amis de la Terre " ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 220-1 du code de l'environnement : " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l'objectif est la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Cette action d'intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l'air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l'énergie. La protection de l'atmosphère intègre la prévention de la pollution de l'air et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre " ; que, dans le cadre de la politique de protection de l'atmosphère ainsi définie par le législateur, les dispositions de l'article L. 221-1 du même code précisent les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales en matière de surveillance de la qualité de l'air ainsi que les normes au regard desquelles est effectuée cette surveillance ; qu'ainsi, aux termes de cet article : " I.-L'Etat assure, avec le concours des collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration et des principes de décentralisation, la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé et sur l'environnement. Un organisme chargé de la coordination technique de la surveillance de la qualité de l'air est désigné par arrêté du ministre chargé de l'environnement. Des normes de qualité de l'air ainsi que des valeurs-guides pour l'air intérieur définies par décret en Conseil d'Etat sont fixées, après avis de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en conformité avec celles définies par l'Union européenne et, le cas échéant, par l'Organisation mondiale de la santé. Ces normes sont régulièrement réévaluées pour prendre en compte les résultats des études médicales et épidémiologiques. (...) III.-Les substances dont le rejet dans l'atmosphère peut contribuer à une dégradation de la qualité de l'air au regard des normes mentionnées au premier alinéa sont surveillées, notamment par l'observation de l'évolution des paramètres propres à révéler l'existence d'une telle dégradation. Les paramètres de santé publique susceptibles d'être affectés par l'évolution de la qualité de l'air sont également surveillés " ; que, pour l'application de ces dispositions, l'article R. 221-1 du code définit la notion de valeur limite comme " un niveau à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser, et fixé sur la base des connaissances scientifiques afin d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine ou sur l'environnement dans son ensemble ; " ; que le II de cet article définit les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1, notamment les valeurs limite par type de polluant ;

2. Considérant que, parmi les outils au service de la politique de protection de l'atmosphère définie par les dispositions citées au point 1, laquelle intègre la prévention de la pollution de l'air et la surveillance de sa qualité, figure le plan de protection de l'atmosphère ; que le législateur a en effet prévu, à l'article L. 222-4 du code, l'élaboration par le préfet, dans toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants ainsi que dans les zones où les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l'être, d'un plan de protection de l'atmosphère ; qu'aux termes de l'article L. 222-5 du même code, qui définit l'objet de ces plans : " Le plan de protection de l'atmosphère et les mesures mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article L. 222-4 ont pour objet, dans un délai qu'ils fixent, de ramener à l'intérieur de la zone la concentration en polluants dans l'atmosphère à un niveau conforme aux normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 ou, le cas échéant, les normes spécifiques mentionnées au 2° du I de l'article L. 222-1. (...). Le décret mentionné à l'article L. 222-7 précise les mesures qui peuvent être mises en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par le plan de protection de l'atmosphère, notamment en ce qui concerne les règles de fonctionnement et d'exploitation de certaines catégories d'installations, l'usage des carburants ou combustibles, les conditions d'utilisation des véhicules ou autres objets mobiliers, l'augmentation de la fréquence des contrôles des émissions des installations, des véhicules ou autres objets mobiliers et l'élargissement de la gamme des substances contrôlées " ; que l'article L. 222-6 du même code, qui précise la nature et l'étendue des mesures de police susceptibles d'être prises par les autorités compétentes pour atteindre les objectifs définis par le plan de protection de l'atmosphère, dispose : " Pour atteindre les objectifs définis par le plan de protection de l'atmosphère, les autorités compétentes en matière de police arrêtent les mesures préventives, d'application temporaire ou permanente, destinées à réduire les émissions des sources de pollution atmosphérique. Elles sont prises sur le fondement des dispositions du titre Ier du livre V lorsque l'établissement à l'origine de la pollution relève de ces dispositions. Dans les autres cas, les autorités mentionnées à l'alinéa précédent peuvent prononcer la restriction ou la suspension des activités polluantes et prescrire des limitations à la circulation des véhicules " ; que le contenu des plans des protection de l'atmosphère est déterminé aux articles R. 222-14 à R. 222-19 du code ; que, notamment, aux termes de l'article R. 222-14 du code : " Les plans de protection de l'atmosphère rassemblent les informations nécessaires à leur établissement, fixent les objectifs à atteindre et énumèrent les principales mesures préventives et correctives, d'application temporaire ou permanente, pouvant être prises en vue de réduire les émissions des sources de pollution atmosphérique, d'utiliser l'énergie de manière rationnelle et d'atteindre les objectifs fixés (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 222-18 de ce code : " Le plan de protection de l'atmosphère établit la liste des mesures pouvant être prises en application de la présente section par les autorités administratives en fonction de leurs compétences respectives et précise les textes sur le fondement desquels elles interviennent " ; qu'aux termes de l'article R. 222-32 du même code : " L'autorité administrative compétente arrête les mesures, applicables à l'intérieur du périmètre délimité par le plan de protection de l'atmosphère, qui sont de nature à permettre d'atteindre les objectifs fixés par celui-ci, notamment de ramener, à l'intérieur de ce périmètre, la concentration en polluants dans l'atmosphère à un niveau inférieur aux valeurs limites ou, lorsque des mesures proportionnées au regard du rapport entre leur coût et leur efficacité dans un délai donné, le permettent, aux valeurs cibles définies au tableau annexé à l'article R. 221-1. Ces mesures sont prises sur le fondement du titre Ier du livre V du présent code relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement dans le cas où l'établissement à l'origine de la pollution relève de cette catégorie. Dans les autres cas, sans préjudice des dispositions pouvant être prises par les autorités compétentes en matière de police, notamment sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 222-6, le préfet de chaque département concerné et, pour l'agglomération de Paris, le préfet de police, met en oeuvre, par arrêté pris après avis du ou des conseils départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques et dans les conditions fixées aux articles R. 222-33 à R. 222-35, les mesures applicables à l'intérieur de ce périmètre en vertu du dernier alinéa de l'article L. 222-5 (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, l'article 13 de la directive n° 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe impose aux Etats de veiller à ce que la concentration de certains polluants atmosphériques ne dépasse pas des valeurs limites qu'elle définit ; que si un Etat peut être mis en cause, de façon globale, en cas de dépassement de ces valeurs, l'obligation ainsi édictée n'impose pas que chacun des outils déployés par les différents autorités et organismes compétents au sein de cet Etat permette, à lui-seul, le respect de ces valeurs limites ; que, d'autre part, il résulte des dispositions citées ci-dessus que les plans de protection de l'atmosphère ne constituent que l'un des divers instruments dont dispose l'administration pour ramener les émissions de polluants à un niveau compatible avec les normes de qualité de l'air définies aux articles L. 221-1 et R. 221-1 du code de l'environnement, les actions qu'ils prévoient s'opérant sans préjudice des mesures pouvant être prises à un autre titre, le cas échéant au niveau national, ou par des acteurs privés ; que, par suite, en jugeant, pour se prononcer sur la légalité des décisions de refus opposées à la demande faite par l'association requérante de " prendre toute mesure utile pour appliquer le plan de protection de l'atmosphère du 7 juillet 2006 de la région d'Ile-de-France afin de faire respecter les valeurs limites des émissions de particules fines (PM10) et de dioxyde d'azote (NO2) ", qu'il résultait des dispositions citées aux points 1 et 2 que, pour atteindre les objectifs de respect des valeurs limites réglementaires à ne pas dépasser aux fins d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs des substances polluantes contenues dans l'atmosphère sur la santé humaine ou sur l'environnement, les préfets chargés de la mise en oeuvre du plan étaient soumis à une obligation de moyens et non de résultat, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que les plans de protection de l'atmosphère rassemblent les informations nécessaires à leur établissement, fixent des objectifs à atteindre et énumèrent les principales mesures préventives et correctives susceptibles d'être mises en oeuvre par les différentes autorités compétentes à l'intérieur du périmètre délimité par le plan pour réduire les émissions polluantes ; qu'en particulier des articles R. 222-18 et R. 222-32 du code laissent à ces autorités, y compris en cas de dépassement des valeurs limites, un large pouvoir d'appréciation pour déterminer, en fonction des circonstances locales et compte tenu de l'ensemble des contraintes qu'il leur appartient de prendre en considération, les actions appropriées à mettre en oeuvre ; qu'il en résulte qu'en jugeant que l'association requérante n'établissait pas, en se bornant à affirmer que les mesures réglementaires adoptées par l'Etat au niveau régional et national en application de ce plan de protection de l'atmosphère auraient été insuffisantes pour en atteindre les objectifs au regard de l'obligation de moyen pesant sur l'administration, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que son arrêt, qui est suffisamment motivé, est exempt sur ce point de toute dénaturation ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 2 et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le plan de protection de l'atmosphère pour la région d'Ile-de-France du 7 juillet 2006 laisse aux autorités compétentes le soin de déterminer, parmi celles qu'il énumère, les mesures, notamment réglementaires, pouvant être prise en vue de réduire les émissions des sources de pollution atmosphérique en précisant, conformément aux prescriptions de l'article R. 222-18, les textes sur le fondement desquels de telles mesures peuvent intervenir ; qu'il résulte des dispositions définissant l'objet et la portée du plan de protection de l'atmosphère, en particulier de l'article L. 222-6, qu'un tel plan ne confère par lui-même aucun pouvoir de police aux autorités et organismes chargés de le mettre en oeuvre ; que, par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le plan de protection de l'atmosphère d'Ile-de-France ne constitue pas une réglementation préexistante mais un cadre d'action pour l'ensemble des autorités compétentes à l'intérieur du périmètre du plan ; qu'il suit de là qu'en subordonnant à la démonstration de l'existence d'un péril grave la légalité du refus opposé à la demande de l'association requérante tendant à la mise en oeuvre de l'intégralité des mesures prévues par ce plan, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en outre, en relevant, pour juger que l'association n'établissait pas que les autorités de l'Etat auraient méconnu leurs obligations légales en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser le péril grave que constitue l'émission de particules fines et de dioxyde d'azote dans l'atmosphère, que le bilan d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de protection de l'atmosphère de 2006 et les divers autres documents produits par l'association ne comportaient pas des données sanitaires suffisamment précises concernant la région d'Ile-de-France au titre de la période couverte par ce plan, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions doivent être rejetées, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'Association " Les Amis de la Terre " est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association " Les Amis de la Terre " et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 369428
Date de la décision : 10/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2015, n° 369428
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:369428.20150610
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